Balkans : Convention de Berne et protection de l’environnement

Au Coeur bleu de l’Europe

La rivière Vjosa, menacée par des barrages hydrauliques, dans son cadre au Sud de l'Albanie Foto: Thanas Todhe / Wikimédia Commons / CC-BY-SA / 3.0Unp

(MC) – L’intérêt et le souci de l’environnement naturel se sont réveillés depuis quelques années dans les pays des Balkans. En témoignent la naissance d’une foule d’associations et d’ONG, et surtout,dans ces contrées, de puissantes levées de boucliers et de nombreuses luttes. Contre les forages pétroliers en Adriatique;, pour la préservation des rivières en Albanie et dans toute la péninsule, de l’Istrie à la Bulgarie ; contre la perpétuation du bétonnage moscovite des côtes au Monténégro, la pollution de l’air par les mines de charbon au Monténégro et en Bosnie-Herzégovine, et quelques autres !

On peut donner 2 exemples particulièrement éloquents de ces événements prometteurs : la protestation contre les projets de barrages dans le Sud de l’Albanie et celui de l’aménagement du lac de Skadar au Monténégro. Dans ces 2 occurrences, les institutions européennes soutiennent très efficacement la lutte, cette lutte qui concerne l’avenir et le bonheur des populations en plein coeur du continent.

Tout récemment, une instance européenne a joué un rôle particulièrement actif : c’est la Convention de Berne. Cette Convention a été signée en 1979 dans le but de protéger les espèces naturelles sauvages, et éventuellement les sauver de l’extinction (https://www.coe.int/web/bern-convention). Aux tout derniers jours de novembre dernier, le Comité Permanent de la Convention de Berne, réuni à Strasbourg, a ouvert un dossier concernant les projets de barrages hydrauliques sur la rivière Vjosa, au Sud de l’Albanie ; des projets qui courent depuis quelques années déjà. De façon très claire, la Convention a demandé au gouvernement d’Edi Rama d’arrêter cette construction prévue sur la frontière grecque. Elle a appelé les autorités de Tirana à poursuivre une enquête appropriée et précise sur l’impact environnemental de ces projets.

Cela représente un succès pour les ONG environnementales dans leur lutte pour la préservation de l’une des dernières rivières sauvages (comparer avec la Loire). Cette victoire est aussi un signe du réveil très prometteur de la protection de l’environnement dans les pays des Balkans : notamment celles qui œuvrent dans le cadre de la campagne « Save  the Blue Heart of Europe » et avec son aide.

Cette campagne est destinée à protéger les plus belles rivières des Balkans d’un bombardement cataclysmique de barrages : sur l’ensemble de l’aire, de la Slovénie à la Grèce, on compte 2790 projets ! Save the Blue Heart est coordonnée par les ONG Riverwatch (autrichienne) et EuroNatur (allemande), qui collaborent avec des associations locales dans tous ces pays. Elle a publié un document d’une qualité extraordinaire : son Eco-Masterplan for Balkan  Rivers, révisé le 28 Novembre de cette année. (https://balkanrivers.net/)

Les écologistes et environnementalistes albanais de l’ONG EcoAlbania se montrent particulièrement réjouis par l’ouverture de ce Dossier Vjosa, qu’ils ont rédigé et présenté à Strasbourg. Ils ont déclaré à cette occasion : «(…) Le réseau de la rivière Vjosa est réellement unique, d’une importance et d’un intérêt européens. Désormais, nous devons ouvrir l’œil (et le bon, ndlr) sur les démarches que le gouvernement entreprendra pour concrétiser la Recommandation que le Comité Permanent a adoptée ». (Il s’agit de la Recommandation T-PVS(2018)13 du 30 Novembre 2018). Le Comité, en parallèle, a encouragé les organisations à collecter les données qui serviront à mettre en évidence le caractère très exceptionnel de l’écosystème de cette rivière. Les membres du Comité permanent, faisant preuve d’une réelle capacité d’expression diplomatique, ont conclu :  « L’attitude positive des autorités à l’égard de ces Recommandations est très appréciée, et nous espérons voir de rapides progrès dans leur réalisation, qui sera observée assidûment ».

En bref, quelques chiffres qui parlent d’eux-mêmes. 2790 barrages hydrauliques sont projetés sur la péninsule balkanique, sur 80 000 kms2. Dans cette aire vivent 69 espèces endémiques de poissons qu’on ne trouve pas ailleurs. 28 % des espèces de poissons européennes menacées vivent ici, du moins encore pour un certain temps si on ne les protège pas mieux : le huchon ou saumon du Danube, par exemple, est gravement menacé d’extinction. Et 40 % des espèces menacées de mollusques d’Europe menacés se prélassent ici en essayant d’imiter Gaston Lagaffe. Très impressionnant…

Deuxième exemple éloquent : la lutte contre l’implantation d’un projet commercial sur le lac Skadar, qui fait frontière entre le Monténégro et l’Albanie – le plus grand lac d’eau douce des Balkans. Ce projet et la protestation qu’il a engendrée remontent à 2010 et ont fait l’objet d’une plainte déposée au Comité permanent de la Convention de Berne en 2016. Le site est candidat au réseau Emeraude depuis 2011, un autre grand dispositif européen de protection naturelle. L’affaire paraît assez scandaleuse, puisque le site, une saline sise près de la ville d’Ulcinj, d’une beauté et d’un intérêt extraordinaires, peuplé de pélicans, de flamants roses, de serpents fripons, d’un nombre incroyable d’espèces animales sauvages et d’une flore passionnante, est classé Parc National depuis bien longtemps ; comment peut-il faire l’objet d’un projet d’exploitation commerciale ?

Il s’agit d’y édifier une sorte de Centre de vacances assez luxueux, qui hébergerait 222 personnes dans des habitations résidentielles et des chambres d’hôtel, qui déparerait bien évidemment la zone et détruirait dans une partie non négligeable le patrimoine naturel et l’écosystème de l’endroit. L’imbrication financière est complexe : capitaux russes et fonds gouvernementaux ne s’y distinguent plus guère, if you see wha’a mean. (Berne, T-PVS/Files(2018)2). Le projet concerne une zone d’un extension assez considérable : 16 812m2.

La Convention de Berne, dans sa mise à jour toute récente, recommande aux autorités monténégrines de fournir une étude réellement détaillée du site, avec une carte au 10 000e de tous les endroits concernés (baie, rivière, îlots…), qui servirait de fondement à une étude réelle d’impact ; elle recommande aussi de réélaborer tout le travail nécessaire de fourniture d’informations, d’analyse ; d’effectuer des mesures protectrices (interdiction des embarcations autres que celles de la polices, des gardiens du parc et des douaniers), d’examiner sérieusement les permis de construire,d’ assurer un mécanisme participatif de dialogue, etc. On attend la réponse du gouvernement de Podgorica, de ses financeurs manifestes et de ses financeurs plus discrets, et les mesures concrètes qui seront prises afin d’éviter une impasse inquiétante comme celle que constituait le bétonnage des stations du nord de la côte.

Le Coeur bleu de l’Europe bouge beaucoup, décidément, et très souvent au sens le plus positif !

 

 

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