Banque de France : «Les chefs d’entreprise créeront des emplois en Alsace»…

… mais le chômage résistera !

Si la Banque de France prévoit la création d'emplois en Alsace, le chômage ne recule pas pour autant. Foto: Ralph Hammann / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Par Alain Howiller) – Les statistiques se suivent et -malheureusement- se ressemblent : l’Alsace, à l’image du pays et en fort contraste avec ses voisins -allemands et suisses- continue à peiner sur le difficile chemin d’une croissance après laquelle elle court à en perdre haleine ! Alors que nombre d’entreprises continuent à investir, le chômage ne recule pas et sur un an, le taux de chômage s’inscrit en progression de +4,9% dans le Bas-Rhin et de +4% dans le Haut-Rhin (voir eurojournalist.eu du 9 Mars). L’Alsace participe ainsi, même si le chômage y est globalement plus faible que dans les autres composantes de la «grande région de l’Est» (ACAL), à ce constat : ACAL s’inscrit à la sixième place des 13 régions de la métropole pour le nombre de sans-emploi !

Cela étant, on a enregistré, lors de la publication des dernières statistiques, le fait que, bien qu’ayant progressé sur un an, le chômage des moins de 25 ans a légèrement régressé (-2,6%) sur un mois, le nombre des défaillances d’entreprises a diminué de 14 ,3% en 2015 et le nombre d’emplois créés dans l’intérim s’est redressé.

Ce n’est pas pour autant que ces signes marquent un redressement durable et la grande question (eurojournalist.eu du 3 février) sur le point de savoir «si l’économie alsacienne est mal partie» demeure d’une actualité que la dernière enquête de la Banque de France (1) vient de conforter.

Un léger optimisme pour la croissance, mais… – La Banque de France -Direction régionale de Strasbourg-, part de constats désormais connus pour l’année qui vient de s’écouler : elle rappelle les difficultés dans le secteur du bâtiment et des Travaux Publics, le recul de 1% des effectifs de l’industrie alsacienne, la croissance du chiffre d’affaires des secteurs liés à l’exportation, mais une activité supérieure aux prévisions dans les services. Puis elle esquisse les perspectives pour 2016. Elles sont légèrement plus optimistes quant à l’activité générale, mais guère rassurantes sur le plan de l’évolution du chômage.

Pour l’industrie alsacienne, la Banque de France fait état des prévisions établies par les chefs d’entreprise consultés : ceux-ci font état d’une progression attendue du chiffre d’affaires (+1,7%, malgré un ralentissement des exportations de -1,21%). L’agro-alimentaire attend une progression de ses ventes de 4%. Les secteurs des équipements électriques et de la construction de machines espèrent une hausse de 2,3% de leur croissance. Les fabricants de matériel de transport s’attendent à une stabilisation voire une régression (du moins à l’exportation). Les représentants des «autres produits industriels» s’attendent à une progression de leur croissance de l’ordre de 1,2%.

Le secteur de la chimie, par exemple, s’attend -grâce aux exportations- à une progression de son chiffre d’affaires : il en va de même avec les secteurs du bois-papier, de l’imprimerie et de la métallurgie. Par contre, la pharmacie qui avait bénéficié d’une progression du chiffre d’affaires en 2015, redoute un recul cette année de même que les fabricants de produits en plastique. Globalement, si un mieux semble devoir s’installer, il ne génère pas un optimisme excessif !

Des secteurs qui investissent. – Pourtant les chefs d’entreprise, anticipant une stabilisation de leur rentabilité voire même – pour 36% d’entre eux- une augmentation de la profitabilité de leurs établissements, prévoient une augmentation de leurs investissements : c’est notamment le cas dans les secteurs de la pharmacie (malgré des perspectives hésitantes pour 2016), de la métallurgie, des produits en caoutchouc, en matières plastiques et en produits minéraux.

Mais -et cette conclusion pèse lourdement sur l’avenir de l’économie régionale- les conjoncturistes de la Banque de France terminent leur note par ce constat : «En 2016… la croissance (sera) réelle mais insuffisante pour diminuer le chômage. L’industrie régionale devrait, une nouvelle fois, enregistrer une baisse des effectifs (-0,8%). Seul le secteur de l’agro-alimentaire anticipe un léger renforcement des effectifs (+0,6%). La plus forte baisse se concentrerait dans le matériel de transport (-2,4%)…»

Quand Février confirme. – Dans la construction on s’attend, grâce à une légère reprise dans la vente de logements, à une progression de 1% de la croissance ou, au pire, à une stabilisation : une majorité de chefs d’entreprise du bâtiment espèrent une augmentation de la rentabilité de leur entreprise, ce qui est loin d’être le cas dans le secteur des Travaux Publics où 30% des chefs d’entreprise annoncent une baisse de leur rentabilité ! Dans le secteur des services, où les entreprises consultées comptent sur la préservation de leur rentabilité, les prévisions restent prudentes, en particulier dans les transports, secteur dans lequel les investissements devraient s’inscrire en baisse. On ne prévoit pas d’augmentation des effectifs dans les services, hormis dans le travail temporaire qui espère préserver son rythme de croissance (+7%/an) !

La note de conjoncture pour le mois de février, qui vient de sortir, relève : «l’activité industrielle se maintient… dans un contexte de demande atone. Les chefs d’entreprise anticipent une faible progression à court terme. Dans les services la demande évolue peu, mais les perspectives restent orientées à la hausse !» Désespérant ?

Peut-on tempérer les réserves des chefs d’entreprise en partageant l’avis de ceux qui pensent que les entrepreneurs se garderaient d’exprimer ce qu’ils espèrent en réalité ? La situation politique du pays, les débats autour de la réforme du code du travail, l’espoir en cette année préélectorale que l’état lâchera encore du lest au profit des entreprises, incitent-ils les entrepreneurs à rester (trop) prudents dans leurs prévisions ?

«Transfrontalier» : le «DFI» reprend du service ! – Le développement de l’intérim -souvent solution d’attente pour éviter des embauches en attendant des jours meilleurs- pourrait inciter à le penser. D’autant que les chiffres ne nous permettent toujours pas d’approcher au plus près la réalité du déclin industriel d’une région qui reste parmi les premières régions françaises tant pour la valeur ajoutée produite par ses branches industrielles que pour le nombre d’emplois. La restructuration des entreprises les a conduits à externaliser nombre d’emplois qui sont désormais recensés dans le secteur des «services» et plus dans la rubrique «industries».

Depuis des années je plaide -en vain- pour que les statisticiens essaient de calculer ce que représente cette restructuration dans la réalité du chiffrage du déclin industriel de l’Alsace. Ces données corrigées n’auraient pas seulement une valeur statistique, mais elles permettraient de mieux approcher un nécessaire redressement.

Même à l’heure où l’Alsace intègre la «méga-région de l’Est – ACAL»(2), la réalité industrielle mériterait d’être saisie dans toute sa réalité. Tout comme mériterait d’être saisie l’apport des échanges transfrontaliers dans la nouvelle région. N’attend-t-on pas beaucoup du «marché de l’emploi du Rhin Supérieur» ? Le Bade Wurtemberg a, une fois de plus, anticipé les interrogations que la naissance de la grande région de l’Est peut susciter. A la suite d’un appel d’ordre, le Land a chargé l’Institut Franco-Allemand (DFI) de Ludwigsburg de procéder à une étude sur l’impact que la création de la nouvelle région risque d’avoir sur le transfrontalier. L’étude devrait être achevée au mois de Mai.

(1) «Les entreprises en A.C.A.L. : Bilan 2015 – Perspectives 2016» par la Banque de France (pour consulter : CLIQUEZ ICI !).

(2) Quatre noms sélectionnés par un «comité» chargé de proposer un nom de baptême pour la nouvelle région vont être soumis aux internautes qui pourront choisir entre ces formulations plus…. qu’étonnantes : «Acalie» (déclinaison d’«ACAL»), «Nouvelle Austrasie» (allusion au royaume… mérovingien qui couvrait la région jusqu’à la rive allemande !), «Rhin-Champagne» et on vient d’ajouter l’option «Grand Est de France» !

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