Belarus : bientôt une révolution à l’ukrainienne ?

Des élections cruciales, des événements extraordinaires

Vive elle ! Sviatlana Tsikhanouskaia, 2020 Foto: Serge Serebro VPNews/Wikimédia Commons/CC-BY-SA/4.0Int

(Marc Chaudeur) – Dimanche prochain auront lieu les élections présidentielles dans ce pays de 10 millions d’habitants situé stratégiquement entre Pologne et Russie. Pour la première fois depuis 26 ans, le dictateur post-communiste est menacé. Sviatlana Tsikhanouskaia, l’excellente candidate en lice contre Loukachenka fera sans aucun doute un très bon score. Alors, bientôt une révolution comme à Kyiv, sur Maidan ? Hélas, rien n’est moins sûr, semble-t-il. Pas pour tout de suite, en tout cas.

Ce sera la sixième fois qu’ Aleksander Loukachenko (en biélorusse : Aliaksandr Loukachenka) se présentera aux élections présidentielles.Vingt six ans de pouvoir autoritaire, une société civile résignée, somnambulique ou hypnotisée… Du moins jusqu’à ces derniers mois. Elections truquées, pressions, menaces indirectes ou souvent, directes, “découverte” de prétendus complots pour allumer la fibre nationale des Biélorusses, soi-disant fomentés par des mercenaires yankees ou russes, selon les années…Tout y est.Tout est mis en œuvre pour garder le pouvoir.Tous les concurrents initiaux du Boss se trouvent soit en prison, soit à l’étranger ! Parmi eux, des membres de la post-nomenklatura biélorusse, qui certes, incarnaient en réalité peu d’espoir de changement…

Mais depuis, il y a eu ces manifestations incroyables, où plusieurs dizaines de milliers de personnes bravaient la police et les menaces du pouvoir… La société civile est excédée par les mensonges, par certaines mesures très impopulaires comme l’imposition des chômeurs « parasites », la gestion stupide, beauf et complotiste de la Crise COVID-19… L’Institut des Sciences de Minsk, qui dépend de l’État, donc du pouvoir, prévoit 25% de voix pour le président sortant à Minsk ; certes, il peut compter sur un bien meilleur score à la campagne, mais cela reste très peu ! Loukachenka n’a jamais obtenu moins que 80% lors des élections précédentes.

Un gros risque pour lui : si cette fois, il prétend une fois de plus avoir obtenu 80 % des suffrages, la population le croira difficilement et risque de descendre dans la rue, tant l’irritation et le ras-le-bol des élections truquées sont grands. Un expert comme Gennady Rudkevich, dans le Moscow Times, https://www.themoscowtimes.com/ estime que s’il « fait » 50 % dans le pays et 50 % à Minsk, l’opposition s’en trouvera galvanisée, et certains membres de la post-nomenklatura risquent fort de faire défection et de rejoindre les rangs de l’opposition.

Gennady Rudkevich estime aussi que les réactions du pouvoir aux probables manifestations de protestation s’avéreront plus décisives que les résultats eux-mêmes : si Loukachenka pratiquait une répression brutale, on risquerait, dans ce cas, de se retrouver effectivement dans une situation de type Maidan. Au prix des relations, non pas bonnes, mais en réalité neutres avec l’Union européenne et les Etats-Unis. On peut donc supposer avec plus de probabilité, si la vodka n’a pas complètement saturé l’éponge cérébrale du vieux dictateur, qu’il pourrait sévir assez durement contre les meneurs de l’opposition, mais en revanche, pratiquer une répression « mesurée » contre les opposants de second rang. Cela pourrait sans doute permettre de maintenir une situation à l’ancienne, du moins pour un certain temps.

Et puis, il y a bien évidemment le problème de la capacité de Loukachenka à gérer l’économie du Bélarus. La situation économique du pays est mauvaise – faiblesse structurelle, absence de ressources naturelles, querelles avec la Russie sur ce point ; et depuis deux années environ, la situation a empiré. Mais, revers de la médaille : cette faiblesse quasi constitutive empêche en partie la formation de classes moyennes importantes et influentes, ce qui arrange les affaires du vieux dirigeant. Mais ces classes moyennes montent, pourtant ; lentement, très lentement, mais sûrement, depuis environ 4 ou 5 ans.

Sviatlana Tsikhanouskaia, 38 ans, est une excellente candidate : elle joue sur l’indignation et l’irritation des citoyens biélorusses, et sur le fait qu’elle remplace par cette candidature celle de son mari, empêché d’élections par le pouvoir. Ces élections seront passionnantes et inédites. Mais sans doute le pouvoir ne changera-t-il pas pour autant de main en cette année 2020. Pas encore.

Rendez vous dans cinq ans. A moins que le Bélarus ne connaisse l’une de ces explosions imprévues et peut-être imprévisibles dont la Raison historique a le secret, surtout au 20ème siècle.

 

 

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