Belarus : incertitudes

Quelle organisation du mouvement pour la suite ?

Minsk. La violence est aussi destructrice pour celui qui la commet Foto: NV/CC-BY-SA/4.0Int

(Marc Chaudeur) – En Belarus, après le départ de Sviatlana Tsikhanouskaia pour la Lituanie, incertitudes quant aux formes de la protestation – et maintenant, de l’éventuelle résistance – aux manipulations électorales de Loukachenka, le dictateur au pouvoir depuis 26 ans. La résistance prend toujours davantage l’ aspect d’un mouvement franchement non violent, et l’accompagnatrice de la candidate, Maria Kalesnikava, approuve implicitement cette orientation dans un message envoyé mardi soir.

A Minsk, plus précisément au Marché Komarovsky, 400 femmes se sont assemblées au courant de la journée, formant une chaîne humaine et portant des fleurs blanches. Elle ont occupé ainsi plusieurs centaines de mètres le long de la rue. Dans les autres villes du pays, des scènes semblables : à Mahiliew, chaîne pacifique de femmes ; plusieurs ont été emmenées on ne sait où par une voiture de la police. A Vitsebsk, plusieurs arrestations aussi. A Baranavitchy, à Homiel (dans l’est du pays), à Hrodna (près de la frontière polonaise, 400 000 habitants), plusieurs centaines de personnes en blanc aussi et portant des fleurs. Dans cette dernière ville, les hommes se sont agenouillés à terre : ils portaient la photo d’une petite fille de 5 ans, Gyulia, blessée par l’OMON mardi lors des défilés pacifiques.

Une partie de la population s’expose ainsi de manière très dangereuse, bien évidemment. Mais comme dans toute action non-violente, les manifestants comptent sur la durée et sur la victoire du droit. Encore faut-il savoir de quel bras disposera la Justice, ou si elle n’a pas de bras… En tout cas, on oublie trop souvent l’efficacité fondamentale et les immenses victoires de ce type d’actions. Ce qu’on devine dans les propos chuchoté dans les cercles du pouvoir l’indique : l’intention de Loukachenka est de pacifier Belarus ; de le pacifier en l’écrasant et en le transformant en bouillie passive et inerte, un peu comme (mutatis mutandi) El Assad en Syrie. Dans ce cas, une résistance civique et passive a des chances de remporter de beaux succès, paradoxalement. Non pas en 3 jours, mais en 5 ou 10 ans… Eh oui. Mieux en tout cas qu’une absurde confrontation violente.

En tout cas, il est assez visible que depuis hier, les événements prennent une autre tournure. En témoignent aussi les déclarations des uns et des autres. Elément essentiel : le message posté mardi soir (3 médias libres fonctionnent encore) sur le blog d’un ex-candidat jeté en prison le 18 juin, Viktar Babaryka, où s’exprime celle qui a pris très courageusement sa place et qui, elle, restera à Minsk malgré tous les risques encourus : Maria Kalesnikava, flûtiste de profession. En voici la traduction et la transcription :

« Je souhaite commencer par exprimer ma sympathie à toutes les victimes des violences de ces derniers jours. Surtout à celle qui sont actuellement hospitalisées et pour lesquelles les médecins se battent. Je vous demande d’honorer la mémoire du défunt par une minute de silence (elle se tait pendant une minute).

« Nous sympathisons avec toutes les victimes et leurs familles.
Nous sommes toujours prêts à aider tous ceux qui en ont besoin.Nous voulons maintenant nous concentrer sur l’assistance mutuelle. Nous appelons tous ceux qui ne sont pas indifférents à rejoindre le mouvement des volontaires et à secourir les personnes touchées.

C’est avec douleur que nous regardons ce qui se passe dans le pays. Nous demandons au gouvernement actuel de ne pas ignorer la volonté du peuple. Ne la noyez pas dans les canons à eau, ne l’assommez pas avec des grenades assourdissantes, ne la mutilez pas avec des balles, ne la battez pas avec des matraques ; ne l’enfermez pas dans des cellules.

Nous voyons des gens ordinaires dans les rues qui veulent du changement. Nous voyons des retraités parler à la police anti-émeutes.Nous voyons des adultes pleurer en voyant l’ OMON traîner un enfant dans leur camionnette.

Nous demandons au gouvernement actuel d’arrêter la violence, de tenir compte de la volonté du peuple. Ces personnes n’oublieront jamais ce qui se passe. Elle ne pourront vivre comme avant. Elles n’effaceront pas leur mémoire. Elles ne peuvent être forcées d’obéir. Elles ont besoin de changement.

Il semble difficile pour les autorités d’admettre que ce ne sont pas des marionnettistes escamoteurs étrangers qui manœuvrent, mais les Biélorusses eux-mêmes qui veulent le changement.

Nous demandons aux autorités de trouver la force en elles-mêmes et de faire face à la volonté du peuple. Nous demandons aux autorités d’entendre les Biélorusses.

Biélorusses ! Ceux qui sont en uniforme, ceux qui sont en civil : prenez soin de vous et de votre entourage. Nos vie, notre santé, notre liberté et notre sécurité sont le plus précieux. Nous vous aimons. Vous êtes incroyables. »

Maria Kalesnikava, le 11 août 2020 à 21 h.

Vendredi prochain le 14 août de 18h à 20h aura lieu un

RASSEMBLEMENT CONTRE LA REPRESSION DU PEUPLE  BIELORUSSE 

A l’Ambassade de la République du Belarus

38, bld Suchet

75 017 PARIS

Venez nombreux…

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