Bélarus : Ou bien, ou bien…

Il faut choisir : l’UE, ou bien Poutine ?

Kochtchei-Poutine à la conquête de Minsk Foto:fotki yandex ru/Wikimédia Commons/CC-BY-SA/ PD

(Marc Chaudeur) – Une manifestation importante samedi dernier, le 7 décembre – mais dans ce pays, toute manif est importante… – au centre de Minsk, la capitale de la Bélarus (ou Biélorussie, en français académique et non diplomatique). Motif : la progression à pas de géant, ces derniers mois, d’un projet d’union plus poussée que celle, déjà considérable, avec le géant russe, pourvoyeur d’énergie et de gaz pour passer les hivers dans des conditions à peu près vivables… Pourquoi donc quelques 1000 personnes ont-elles décidé de braver la répression, très dure dans ce pays ?

La Bélarus (appellation officielle), c’est un peu moins de la moitié de la France en superficie et 9 millions et demi d’habitants ; un pays, encastré entre Ukraine, Lituanie, Pologne et Russie, qui s’est épargné beaucoup des destructions économiques… et politiques de l’ex-Union soviétique. On pourrait dire : pour le meilleur et le pire. Si l’expression «Etat-providence» a encore un sens quelque part, c’est bien ici – et cela s‘accompagne d’une dictature très dure, de type post-stalinien, et cela depuis l’indépendance de 1991 : avec entre autres, cet argument interne à l’usage de la population que : bin regardez donc un peu comment cela se passe chez Poutine, y a de la caillera et des clochards à tous les coins de rue et des oligarques qui pompent toutes les ressources de la Russie à leur profit…

Après une demande d’adhésion à l’UE, Alexander Lukachenka s’installe au pouvoir ; il est réélu 4 fois et risque de l’être une cinquième en janvier prochain. Et il n’y vont pas de main morte, lui et son équipe d’anciens apparatchiks. Toute opposition est réprimée durement, voire anéantie ; les personnalités marquantes font sans cesse l’objet de menaces de mort par le… KGB, qui a conservé cette séduisante appellation après la dissolution de l’URSS ! Et cela d’autant plus facilement que la peine de mort n’a pas été abolie – Lukachenka a annoncé qu’elle le serait lorsque les Etats-Unis l’aboliraient chez eux…

Il y a pourtant bien une coalition d’opposition : elle va du Front populaire bélarus (droite nationale anti-russe et plutôt europhile) au Parti des Communistes de Bélarus. En passant par l’Association ZUBR (Bison), d’origine estudiantine, fermement pro-européenne. Mais la partie la plus visible de ce mouvement, ce sont les Journées de la solidarité : elles ont lieu le 16 de chaque mois à Minsk,la capitale, pour commémorer la « disparition » en 1999 d’un entrepreneur oppositionnel, Anatol Krassouski. Les organisateurs en sont la veuve de Krassouski et 2 oppositionnels courageux : un membre de ZUBR, Mikita Sassim, et une journaliste, Iryna Khalip. Des noms à publier, à connaître et à retenir.

Mais pourquoi ce projet avec la Russie ? Et pourquoi maintenant ? Après la répression sanglante des élections de 2010, après la grave crise qu’a connue le pays en 2011 et la campagne relativement plus calme de 2015, ces dernières années ont été marquées par un rapprochement réel de la Bélarus avec l’UE : en janvier 2015, les Etats membres de l’UE ont proposé 29 mesures à réaliser, dont beaucoup ont à voir avec la démocratie et les Droits de l’Homme. Ce début de rapprochement a été favorisé par l’habile position de médiateur qu’a adopté Lukachenka après l’annexion de la Crimée ukrainienne par les troupes de Poutine.

Et même, depuis 2016, un groupe de coordination UE-Bélarus se réunit fréquemment : jamais il n’ avait existé une telle qualité de dialogue entre les deux parties, excepté en 1991-1993. On était en train, ces tout derniers mois, de peaufiner une déclaration sur les « Priorités de partenariat » entre Minsk et Strasbourg/Bruxelles. Voilà qui était encourageant.

Eh bien, que se passe-t-il donc ? Pourquoi ce brutal rapprochement avec Moscou ?

C’est que la Russie, dont la Bélarus dépend très largement sur le plan énergétique (50 % de la dette publique bélarusse, plus de 50 % du commerce extérieur du pays…) fait pression sur sa voisine de l’Ouest, notamment en annonçant sans cesse l’augmentation du prix de ce gaz dont la Bélarus ne peut se passer. Depuis la fin des années 1990 déjà, un Traité unit d’ailleurs les deux Etats dans tous les domaines, y compris douanier. Et en 2014, la Bélarus fonde l‘EEU (Union économique eurasiatique), avec la Russie et le Kazakhstan. Mais elle aimerait trouver de nouvelles alliances – d’où son rapprochement avec l’UE. Mais c’est difficile… Difficile de ménager la chèvre et le chou : c’est-y Bruxelles, ou c’est-y Moscou ?

Que veut Lukachenka, au juste ? Il sait bien que disposer de tarifs préférentiels de la part de la Russie et renforcer son alliance avec le grand voisin ne peut aller de pair avec un rapprochement européen et  des progrès des libertés civiques. La situation n’est donc guère rassurante, et les manifestants de samedi dernier l’ont bien compris, eux qui réclament la démocratie !

Mais la clé du problème est sans doute géopolitique : c’est l’impérialisme russe, le désir compulsif d’avancer ses pions qui anime Poutine. Le nouveau Tsar ne cesse d’agiter ses semelles de plomb. Au sud ouest de la Russie, il y a le Donbass ukrainien, où Moscou sème terreur et désolation depuis 2014. Plus au nord, il y a… la Bélarus, que 105 kms seulement séparent de l’enclave de Königsberg/Kaliningrad. Et entre les deux : au nord, la Lituanie, et au sud, la Pologne : et sur ce « corridor », des volontaires civils polonais apprennent depuis au moins un an (plus ou moins discrètement) à s’armer et à combattre une éventuelle incursion invasive russe.

Voilà l’une des meilleurs raisons que nous voyons, dans l’Union européenne, de soutenir les revendications démocratiques des citoyens de la Bélarus. L’autre, c’est la conviction obstinée et irréductible que les hommes naissent libres et égaux en droits et qu’ils doivent le rester.

 

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste