Belarus : quel avenir ?

Un dimanche magnifique dont on n’osait même pas rêver

A Minsk en ce beau dimanche de bonheur et d'espoir Foto: Nacha Niva/CC-BY-SA/4.0Int

(Marc Chaudeur) – Ce dernier week end, on a beaucoup parlé d’une éventuelle intervention de Poutine en Belarus. Mais c’est peu probable. Par ailleurs, des manifestants sont venus de tout le pays, souvent contraints, pour exprimer leur soutien au dictateur. En face d’eux, plus de cent mille personnes manifestaient pour le départ de Loukachenka et la tenue d’élections renouvelées.

Venus de tout le pays, des milliers de personnes auxquelles, exactement comme à l’époque soviétique, on promet un congé, un repas et d’autres choses, et parfois menacées de perdre une partie de leur salaire, expriment leur soutien au dictateur. Le souci de l’évolution des grèves dans le pays aussi les motive : « Nos outils rouillent dans les champs. Qu’allons-nous manger le mois prochain, si cela continue ainsi ?», demandent beaucoup d’entre eux. En face, ils trouvent une foule immense, réunie sur la Place Stella, en plein centre de Minsk.

Cette immense foule  poursuit le mouvement, comme prévu dans Eurojournalist, sur sa ligne non-violente : des chaînes de solidarité qui s’étirent sur des kilomètres, des femmes habillées de blanc par milliers, des fleurs à la main, la préoccupation et le refus de toute provocation (policière ou venue de leurs propres rangs), si dangereuse dans ce genre de situation. Un mensonge crasse du pouvoir exaspère l’indignation des protestataires : on s’est aperçu que l’un des jeunes hommes morts n’a pas été victime d’une grenade qu’il aurait ramassée, mais a été abattu quasiment à bout portant par des policiers…  Malgré cela et d’autres événements sinistres, l’ambiance, durant la plus grande partie de ce dimanche inoubliable, est franchement euphorique. La joie et une sorte d’émerveillement règnent : « Je rêvais de cela depuis 26 ans ! », disent plusieurs de nos ami-e-s bélarusses.

Une Révolution des Oeillets blancs se prépare à Minsk – et à Brest, et à Mohilev, et dans toutes les grandes villes ; les grèves dans les plus grandes entreprises du pays (entreprises d’Etat) en formeront le substrat. Le reste du pays finira par suivre.

Les supporters du « Cafard », comme on l’appelle ici, ont pu goûter un discours de leur dirigeant. Loukachenka a déclaré, dans une péroraison décousue, que jamais il n’accepterait l’organisation d’élections renouvelées. La larme à l’œil, il a… déploré le « lâchage » des voisins, Lituanie, Estonie et « notre chère Ukraine », qui demandent tous de nouvelles élections. La semaine dernière, Loukachenka avait explicitement évoqué une intervention russe dans la pays.

Mais une telle opération est très improbable. L’état de l’économie russe n’est pas extraordinaire, et pas encore remise de la COVID-19 – loin s’en faut. Et les Russes interviennent rarement pour sauver tout un régime en mauvaise posture. Dans ses discours récents, d’ailleurs, le Tsar ex-KGB Poutine évoque l’amitié entre les peuples, mais ne mentionne pas une seule fois Loukachenka de façon explicite.

Du côté du Belarus, on aime bien les Russes, dont on sait que presque 70% de l’économie dépend directement, mais on ne désire nullement une union plus intime avec Moscou : 25% seulement de la population ; et selon un sondage récent de l’Académie des Sciences de Minsk, 7% seulement des interrogés souhaiteraient rejoindre cette fameuse Fédération de Russie qui regroupe 21 anciennes Républiques soviétiques dont l’Oudmourtie ou le Bachkortostan, vous savez. Non ?! Et puis il n’existe pas de marge molle comme en Ukraine, où les habitants des frontières se sentiraient plus proches de la Russie que de l’ Etat dont ils sont citoyens : guère de risque de séparatisme, donc.

On rappelle aussi que le Belarus a conclu un Traité avec les Etats qui composent l’OTSC, ou Organisation du Traité de Sécurité Collective, créée en octobre 2002 et liant à la Russie l’Arménie, le Belarus, le Kazakhstan, le Kirghizistan et le Tadjikistan. Mais Poutine n’est nullement voué à intervenir militairement sur la base d’un tel Traité : le Belarus n’est pas menacé de l’extérieur. Sauf par la Russie elle-même, éventuellement !

Ce qui étonne actuellement, c’est l’absence persistante de toute considération géopolitique, ou presque. Que deviendra le pays si le régime change ? Se rapprochera-t-il davantage de la Russie ou bien de l’Union Européenne ? Qui au juste pourrait diriger le Belarus, en brisant net avec le système de prébendes et de clientélisme loukachenkien, lui-même directement issu de l’appareil d’État communisto-soviétique ?

Les choses se profileront sans doute un peu plus nettement la semaine prochaine. A moins d’une opération militaro-policière brutale de Loukachenka, devenue de moins en moins probable.

Et puis, dernière chose que nous avons failli oublier : un événement fort et qui s’avérera inoubliable comme son antécédent d’il y a trente ans…

Dimanche prochain, le 23 août, les Lituaniens reformeront la Chaîne humaine qui, à l’aube de l’Indépendance des pays baltes , en 1990, avait relié symboliquement ces trois pays et scellé leur alliance contre le totalitarisme soviétique. Cette fois, la Chemin de la Liberté (Laisves kelias, Chliakh da Svaboda)  organisé au départ par le journaliste lituanien Andrius Tarpinas, reliera Vilnius à la frontière bélarusse. Ainsi, des milliers de personnes se donneront la main et formeront une chaîne sur une soixantaine de kilomètres.

A ne pas manquer, au moins sur nos écrans !

 

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