Belarus : un nouveau parti, « Ensemble »

Sera-t-il autorisé par le pouvoir ?

Maria Kalesnikava Foto: Unkn. 4.0Int

(Marc Chaudeur) – Hier, Maria Kalesnikava, l’une des trois Grâces de la quasi-révolution bélarusse, a annoncé la création d’un parti qui doit représenter la société civile et le renouveau. Mais il n’est pas sûr que Lukachenka autorise son inscription légale. A sa place, que feriez-vous ? Et le Grand Frère, à l’est, qu’en pense-t-il ?

Le nouveau parti encore virtuel s’appelle Vmestie, c’est-à-dire : Ensemble. Ses promoteurs projettent de rassembler les Bélarusses dans la construction d’un nouveau parti. Ils le font adroitement, en évitant tout ce qui évoquerait de près ou de loin l’appel à un affrontement, à une révolution « de couleur », comme disent les Russes : à l’ukrainienne ou à l’arménienne. Et il est vrai qu’une partie bien moins que négligeable de la population soutient encore Lukachenka : au nom de la sécurité matérielle et de l’incertitude des lendemains qui sans le régime actuel, seraient libéro-poutiniens – même si le niveau de vie est bas.

Et déjà, un possible germe de division que le pouvoir ne manquera pas d’exploiter. La candidate, c’ était Sviatlana Tsikhanouskaia, mais elle est allée s’installer (provisoirement, en principe) à Vilnius avec ses enfants, qui avaient fait l’objet de menaces scandaleuses à peine voilées, quelques mois avant les élections. Ce qui fait que, tout naturellement, c’est Maria Kalesnikava qui occupe le premier plan : elle participe à de nombreuses manifs, offre des fleurs blanches aux OMON (policiers) par-dessus leurs boucliers, va rejoindre les femmes en blanc avec leurs œillets blancs à l’intérieur des défilés… La personnalité et la figure de cette femme aux cheveux coupés court, flûtiste de renommée internationale par métier et par passion, se sont beaucoup affirmés.

Et dans les milieux proches du pouvoir, on laisse entendre que bientôt, ce sera la zizanie entre les deux femmes, l’ex-candidate et son ancienne collaboratrice. La troisième se trouvant depuis des semaines à Moscou, ce qui simplifie la situation, si l’on ose dire.

Que se passera-t-il, dans ce cas, ces prochains jours ? Ce serait un événement incroyable si Lukachenka acceptait d’entériner l’ enregistrement de ce nouveau parti. Si c’était le cas, lui et ses partisans du gouvernement joueraient la division, dans un formation qui, en effet, ne manque pas de facteurs de division. Pour l’instant, on n’en est pas encore là, et Lukachenka n’a pas avancé d’un pouce : il apparaît qu’il n’est prêt à dialoguer qu’avec ses partisans, ce qui est en réalité un monologue.

Le cas échéant, quelqu’un pourrait-il le remplacer, une personnalité non clivante et susceptible d’entamer une vraie négociation à la fois avec Poutine et l’Occident, et prêt à introduire quelques changements ? Peut-être Vladimir Makei, l’actuel ministre des Affaires extérieures ; mais ce n’est là que pure spéculation. On parle plus fréquemment de changement de la Constitution, et Lukachenka lui-même a reconnu voici une semaine que l’actuelle était trop taillée sur mesure pour un seul home, à savoir lui-même. Pourquoi pas introduire un système parlementaire à l’allemande, en évitant de donner à une quelconque dirigeant une fonction décisive trop importante ?

Mais il ne faut pas oublier que la majorité des Bélarusses ressentent surtout le besoin d’améliorer leurs conditions de vie matérielles. Les salaires de la plupart des gens sont très bas, et ne leur permettent guère de voyager à l’étranger, par exemple. Des changements politiques, à leurs yeux, doivent surtout permettre de vivre plus décemment… Dans beaucoup de domaines – notamment l’équipement des médecins contre la COVID-19 ou l’entretien des écoles – les citoyens se cotisent pour assurer ce que l’État indifférent n’assure pas !Et le reste suivra, pensent-ils, à tort ou à raison.

Et Poutine ? Il reste peu probable qu’il procède à une intervention militaire, excepté si la situation se dégradait gravement. Mais il se sent obligé de préserver un minimum d’ordre, dans ce Belarus qui est son arrière-cour. Pour la même raison, et parce que la Russie, c’est 60 % de l’économie bélarusse et son pétrole, il lui est assez indifférent que Lukachenka ou un autre quidam occupe le trône à Minsk, d’autant plus que les Bélarusses ne se sentent pas d’attirance particulière pour une UE exposée aux difficultés que l’on sait.

Au fond, la meilleure situation pour le Tsar Poutine, ce serait sans doute que dans un an ou plus, on organise des élections, et qu’entre temps, il ait le temps de susciter un parti qui demanderait des changements modérés, et qui contrebalancerait l’influence du parti Ensemble.

Encore faut-il que ce dernier se mette à exister…

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