Belarus : virus, hockey, vodka et déni

Nous sommes des gens bien, nous, Monsieur !

Le Président Lukachenka s'apprête à rejoindre la planète Rosebonbon dans sa fusée intergalactique Foto: Tomasz Sulima/Wikimédia Commons/CC-BY-SA/4.0Int

(Marc Chaudeur) – Le Belarus, 10 millions d’habitants, est une superbe illustration du déni autoritaire : non, le virus ne passera pas par nous, nous sommes des gens propres, nous, Monsieur ! Déni tardif et persistant qui montre très concrètement que non, les régimes autoritaires ne sont pas avantageux pour la résolution du problème COVID-19. Et ils font planer une menace directe sur le monde entier, comme on a pu s‘en apercevoir depuis le mois de janvier.

Ce sont essentiellement les voisins baltes qui ont attiré l’attention sur l’ampleur du déni belarusse ; plus exactement, du déni que pratique le gouvernement sous la férule beaufesque du président Lukachenka, héritier direct du « socialisme » stalinien. Pas de mesures particulières, ni confinements, ni consignes véritables… Pour Lukachenka, les réactions de crainte de la population, sa population, sont totalement injustifiées : réactions de panique, de « psychose ». Les autorités ne relèvent pas régulièrement le nombre de personnes atteintes. Les très rares journalistes qui essaient de pratiquer une information indépendante sont censurés, mis à l’amende, et on nie catégoriquement les chiffres qu’ils avancent.

« Psychose » ? Sans doute est-ce le Président lui-même, au pouvoir depuis 26 ans, qui est atteint de psychose  : au sens strict cette fois  et clinique du mot, plus précisément, de schizophrénie. Comme d’ailleurs la plupart des dictateurs, le monde où il vit n’est pas celui des citoyens moyens. Son monde à lui est radieux (parfois irradié, mais si peu), paisible, immuable. On y entend les papillons chanter. Du moins quand le climat le permet et que la consommation de vodka favorise une acuité particulière. La vodka : c’est précisément l’un des remèdes que préconise Lukachenka, l’autre étant la pratique de son sport favori, le hockey sur glace.

Le 29 mars, interview du Président sur une chaîne de TV par une journaliste-pommade, où l’on voit Lukachenka en costume de hockey et s’apprêtant en principe à manier la crosse. Dialogue : « Ici, il n’y a pas de virus. – Ah ? – Tu l’as vu voler, le virus ? – Non… – Moi non plus.Tu vois, il n’y pas de virus,ici. Et ce stade de hockey, c’est un vrai frigo : ça le détruirait. ».

Un tel message passe par les médias d’État, complètement aux bottes du gouvernement. Comme à l’époque de Tchernobyl et dans le traitement du SIDA, black out. Journalistes indépendants et personnes informées essaient de passer des consignes réalistes et prudentes à la population, surtout aux personnes âgées, les plus vulnérables au COVID-19… et à la propagande du pouvoir : restez chez vous ! Et il est encore possible de s’informer sur internet, la seule arme efficace dont dispose le bon sens, malgré tout.

Lukachenka reprend aussi des assertions complotistes. A plusieurs reprises, il a affirmé que le virus avait été créé par… certains. Surtout par Emmanuel Macron, un horrible individu ricanant, fourchu et cornu, pour « faire partir les gilets jaunes des rues» « Qui en avait besoin, du virus ? », a demandé Lukachenka, selon la vieille antienne chère aux complotistes.

Mais dans le pays, il semble qu’actuellement beaucoup d’hôpitaux se remplissent. Comme en Russie au début de l’épidémie, les médecins et les soignants parlent d’une “explosion des cas de pneumonie”. Comme c’est étrange… Mais la Russie a peu à peu changé sa manière de traiter le problème. Et les citoyens bélarusses, s’ils n’ont pas accès aux médias occidentaux, regardent la TV russe, dont ils comprennent fort bien la langue…

Déni imposé au début, au cours de l’extension de l’épidémie, et sans doute encore, par la suite, mesures hâtives pour en principe, éviter les dégâts trop graves causés à l’économie nationale… Non, en cas d’épidémie, les régimes autoritaires et dictatoriaux ne présentent pas vraiment d’avantages pour les citoyens.

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