Belle victoire en Bosnie-Herzégovine

De l’utilité des écologistes partout dans le monde !

Le barrage de Zvornik, entre Bosnie et Serbie Foto: Mazbin/Wikimédia Commons/CC-BY-SA/3.0Unp

(Marc Chaudeur) – Le combat écologique ne peut réellement être mené que par des ou par les écologistes : on en a une illustration toutes les semaines, ou presque, dans le monde. La raison en est qu’il n’est pas seulement une lutte environnementaliste ; il est, par définition, un effort pour construire… autre chose, un équilibre écologique et économique différent de ce qui a existé jusqu’à présent. Il est par essence bien davantage qu’un aménagement strict de la situation actuelle. Un exemple qui vaut ce qu’il vaut, puisqu’il se passe dans une région où les éléments de la réalité sont à peu près les mêmes qu chez nous, mais où les polarités sont exacerbées. Victoire éclatante des luttes écologiques sur les rivières de la Bosnie-Herzégovine.

Hier soir en effet, nous avons appris que les députés de la Fédération de Bosnie et Herzégovine avaient décidé d’interdire tout nouvelle concession pour les petits barrages hydrauliques. Cette décision ne s’applique pas pour la Republika Srpska, une petite enclave indépendante au sein de la Fédération – menée de main de fer par un triste dictateur et par les autorités de Belgrade). Aucune concession ni aucun permis ne seront plus accordés. Ce qui signifie aussi que les projets de barrages en attente de permis ou qu’on s’apprêtait à construire sans permis – du fait de l’ancienne complaisance du gouvernement bosnien à l’égard de tout ce qui représentait une source de revenus à la frontière dépassée de l’illégalité – seront interdits ou arrêtés.

Il s’agit d’un moratoire, où chaque nouveau projet sera soumis à un audit avant, le cas échéant, de pouvoir être mené à bien. Accès soudain de compréhension envers les populations concernées sur les bords de ces rivières perdues ? Ces populations qui, du jour au lendemain, risquaient de voir leur biotope complètement bouleversé, ainsi que celui de nombreuses espèces animales qui ne vivent qu’ici, dans les vallées magnifiques des Balkans ?

Nullement. C’est le fruit de plusieurs années de luttes, dont certes, on ne parle pas beaucoup de ce côté ci de la Drina. Avec ce point culminant qu’a représenté l’occupation, pendant plus d’un an (500 jours), du site de la centrale hydraulique prévue dans les environs du village de Kruščica et sur la rivière du même nom : des femmes ont occupé le terrain entre août 2017 et décembre 2018. Jours et nuits passés dans la canicule, puis dans le froid et le brouillard, en se faisant ravitailler par des aides extérieures quand c’était possible et en faisant aussi la cuisine sur place. Avec comme dessert, plusieurs charges brutales de la police bosnienne…

Finalement, la lutte des « Femmes courageuses de Kruščica », comme on les appelle là-bas et comme on a baptisé le pont occupé, a été couronnée de succès. Cette occupation et la démarche juridique des villageois ont abouti à l’annulation des permis de construire par le tribunal cantonal de Novi Travnik, la bourgade voisine et « chef lieu de canton ». Le mode de vie des habitants de cette petite vallée et leur environnement magnifique sont saufs.

Mais en Bosnie-Herzégovine, plus de 80 barrages ont déjà été construits ; 300 autres étaient prévus ! Cela dans des conditions souvent illégales, ou à la limite de la légalité : absence de permis ou permis frauduleux, absence d’appels d’offres ou appels d’offres biaisés, rétribués,… Et tout cela pour des gains d’énergie eux-mêmes limités et douteux, comme le montrent toutes les études indépendantes menées depuis le début des années 2000. Cela ne concerne d’ailleurs pas seulement ce pays, mais tous ses voisins des Balkans : des milliers de barrages devaient ou doivent être construits. Et sans doute d’autres gouvernements céderont-ils encore moins facilement… En partie parce qu’ils se trouvent moins sous le regard direct de défenseurs de l’environnement d’organismes internationaux (autrichiens ou allemands, notamment).

Cette lutte n’est nullement sans objet autre que la seule conservation : il s’agit de faire place nette pour d’autres sources d’énergie, durables celles -ci : en particulier l’énergie solaire. Cette lutte est tournée vers l’avenir, et les occupations de terrains litigieux n’en est que la base pour des constructions prometteuses, pour construire véritablement le monde de demain.

Et il en est exactement de même partout dans le monde. Y compris à Strasbourg, où l’on votera dimanche pour décider de l’avenir de la wunderschöne Stadt. Il faudra choisir entre un simple aménagement de la réalité, un verdissement de la bonne conscience – et un changement de cette réalité dans le bon sens, celui d’une existence commune à partir du Principe responsabilité.

Pour édifier une réalité écologique plus belle, il faut des écologistes ; l’expérience l’a montré maintes fois. Et ce qui nous le confirme, ce sont les municipalités de villes rhénanes voisines. Stuttgart, Freiburg, Bâle, et le gouvernement du Land de Bade-Wurtemberg. Strasbourg fait partie du même ensemble : et un vote écologiste ne fera que le confirmer et asseoir la base d’une action commune cohérente.

Et il existe bel et bien des projets cohérents pour le bassin rhénan. L’écologie doit être confiée aux écologistes, comme la guerre doit être, elle, confiée aux civils.

 

 

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