Berlin : aux vieux maux de vieux remèdes !

Gourmandise et contre-attaque

Berlin : au 75 de la Karl-Marx Allee Foto: Andreas Praefcke / Wikimédia Commons / CC-BY-SA 3.0Unp

(Marc Chaudeur) – Cette année, à Berlin, ce que tout le monde prévoyait depuis 1989 éclate comme un scandale : les appartements sont rachetés par des sociétés immobilières rapaces, et les loyers atteignent un prix prohibitif. En particulier sur la Karl-Marx Allee, cette utopie architecturale stalinienne. Que peut faire la ville, qu’administre la gauche ? Peut-être exproprier et racheter, qui sait ?

C’est bien le rachat d’une proportion importante des appartement de la Karl Marx Allee qui a déchaîné l’ire des locataires berlinois ; mais ce n’était que la goutte de Bier mit Schuss qui a fait déborder la chope, car l’aigreur des Berlinois est sensible depuis au moins 2 ans. Sur cette Allee légendaire où l’on se sent loin de tout sauf de l’imaginaire éthéré du socialisme bolchévik, pas moins de 700 appartements environ vont être vendus à la société immobilière francfortoise Deutsche Wohnen, dont les journaux allemands bien renseignés affirment qu’elle a déjà acheté presque 100 000 appartements berlinois. En conséquence, les loyers augmentent considérablement, de plus de 70 % à certains endroits de la métropole.

Les habitants de ce quartier, qui avaient plus ou moins gardé l’habitude de vivre ensemble, sont particulièrement sensibles à l’atomisation de ce lieu de vie, à l’ambiance de froideur et de solitude très ouest-allemande qui s’insinue dans ces rues et ces places. Beaucoup y habitent depuis bien longtemps ; beaucoup aussi sont venus de l’Est après 1990. Ils ont connu la solidarité et un habitat qui, par essence, était social. Et la lutte pour conserver les logements a ressoudé les liens entre les gens.

Les locataires ont rebaptisé le boulevard « Kommerzallee »… En tout cas, ce qui n’arrange rien, c’est que la Deutsche Wohnen a bien mauvaise réputation : celle de ne pas gérer ni entretenir très soigneusement son parc immobilier, de négliger l’équipement et son fonctionnement.

Comment résoudre cet énorme problème bien capitaliste ? La ville de Berlin, et toute une cohorte de juristes et de politiciens écologistes, du SPD et de l’extrême-gauche a bien une solution : c’est l’expropriation des appartements et leur rachat par la commune, et leur gestion par des sociétés de logement public. Voilà qui est expéditif ! Au point que comme on peut bien l’imaginer, la presse conservatrice et libérale, le Spiegel compris, font semblant d’y voir un retour aux bons vieux jours de la RDA, en somme, un RDA 2.0 !

Le maire SPD de Berlin, Michaël Müller, se montre optimiste : il proclame, le torse bombé, que bientôt, ce n’est pas seulement la Karl-Marx Allee qui serait rachetée, mais peut-être un jour, la quasi totalité des appartements que possède la société ! Voilà qui est savoureux pour qui connaît Berlin Est depuis des décennies, et qui est un peu surréaliste. Et pas tout à fait convaincant.

Une objection s’impose très naturellement : combien coûterait une telle opération municipale de rachat ? La Deutsche Wohnen, bien évidemment, ne rate pas une occasion de suggérer que le prix à payer par le contribuable sera important… Un raisonnement que l’on connaît bien en monde capitaliste-libéral : ce sera au citoyen de payer la rapacité d’une entreprise privée et sa légitime protestation provenant de locataires qui peinent à régler la somme chaque mois et à vivre par dessus… le marché. Mais c’est aussi là une manière de mettre le doigt sur la gestion souvent contestable de la municipalité SPD, qui dispose de bien peu de réserves… C’est ainsi la gestion à moyen ou à long terme de cet immense parc immobilier qui nécessairement, poserait problème, dans 5 ans, dans 10 ans. A moins de régler certains problèmes de rigueur, de répartition des différentes parts du budget communal, ce qui dans l’absolu, n’est pas impossible…

A la fin de 2018, une pétition a été lancée : elle propose d’exproprier les sociétés qui possèdent plus de 3000 logements. Et elle remporte un succès considérable. Elle pourra être à la source d’une Volksinitiative, d’un référendum d’initiative populaire si elle dépasse 170 000 signatures ce printemps.

Selon certains sondages, la majorité des Berlinois est favorable à l’expropriation et à la « recommunalisation «  de l’habitat. Sur la Karl-Marx Allee, en tout cas, on comprend parfaitement qu’il s’agit là d’un problème de fond : celui de la manière de vivre, celui des diverses possibilités du vivre ensemble. Et peut-être même du type de société.

1 Kommentar zu Berlin : aux vieux maux de vieux remèdes !

  1. Oui, les prix de l’immobilier en Allemagne augmentent rapidement, surtout dans les grandes villes. Mais si Munich reste la ville la plus chère avec près de 7 000 euros le m2, c’est bien à Berlin que la hausse des prix est la plus spectaculaire d’après ce site web allemand => https://www.immowelt.de/_estate/preisstatistik/chartmietspiegel.aspx?geoid=108110%2c10808111000%2c10805315000%2c10805111000&etype=1&esr=1&timespan=36&tab=orte&groupbysval=false&x=635711084753048842

    La hausse des prix immobiliers à Berlin serait proche de 30% en 3 ans … et ont rejoint les prix de Stuttgart.

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