« Blutmai » et chemises brunes

Retour sur quelques 1er mai historiques : cette année, celui de 1929, à Berlin.

Gedenkstein zum Blutmai 1929, nahe der Walter-Röber-Brücke (Wiesenstraße). Foto: Mfriedrich111 / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Jean-Marc Claus) – Historiquement, le 1er Mai est souvent associé à la grève générale, suivie aux USA ce jour de 1886 par 350.000 salarié(e)s revendiquant la journée de 8 heures. Le 3 mai, 10.000 grévistes se rassemblèrent devant les usines Mc Cormick Harvester à Chicago. La police puis l’armée chargèrent, faisant de nombreux blessés et des morts. Le lendemain, alors que se dispersaient les 150.000 participant(e)s d’un meeting de protestation à Haymarker Square, la police chargea et une bombe jetée dans ses rangs, fit des morts. Au final, les manifestants obtinrent gain de cause. Cela coûta des vies humaines de part et d’autre.

Si la journée de 8 heures a démarré aux USA pour commémorer cette victoire des luttes sociales, la « Fête des Travailleurs » et non du Travail, n’oublions pas que le combat s’est poursuivi en Europe. Certains 1er Mai furent, sur notre continent, au moins aussi sanglants que les manifestations de 1886 aux USA. Nous les évoquerons ici en commençant, sans forcément respecter l’ordre chronologique, par celui de 1929 à Berlin, appelé « Blutmai ».

Les nazis ne sont arrivés au pouvoir qu’en 1933, mais le parti hitlérien Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei (NSDAP) fondé en 1920, comptait alors de nombreux militants. Après des années d’interdiction dans la capitale, Adolf Hitler avait prononcé en novembre 1928 un discours au Sportpalast. Ce qui provoqua de l’agitation politique jusque dans la rue. Le chef de la police, un socio-démocrate nommé Karl Zörgiebel, fit alors interdire toutes manifestations en plein air dans la capitale, y compris celle devenue traditionnelle du 1er Mai.

Les socio-démocrates du SPD (Sozialdemokratische Partei Deutschlands), se soumirent à cette interdiction et restèrent au niveau du Sportpalast, mais pas les communistes du KPD (Kommunistische Partei Deutschlands) qui descendirent dans la rue. La République de Weimar (1918-1933), après des débuts difficiles, connaissait une période de stabilisation. Elle répliqua par des interventions musclées de la police. Ce qui fit les choux gras du NSDAP, car d’un côté les socio-démocrates du SPD y virent une victoire sur l’agression bolchevique, et de l’autre, les communistes du KPD, un exploit militant héroïque.

Ces deux partis de gauche qui s’unirent dans les années trente pour former des Fronts Populaires dans certains pays d’Europe, étaient, par certains côtés, antagonistes dans les années vingt en Allemagne. Hitler arrivé au pouvoir en 1933, les deux partis devinrent des cibles prioritaires, et leurs militants durent bien faire des concessions pour s’unir dans la résistance. Mais entre 1929 et 1933, la béance dans les luttes sociales, provoquée par l’antagonisme SPD – KPD, contribua en partie à favoriser la montée en puissance du nazisme.

Quand l’extrême-droite prétend s’engager sur la voie du social, et que la gauche se retrouve dispersée sur ce même terrain, le résultat se fait rarement attendre. Actuellement en France, sur fond d’atomisation de la gauche, le ripolinage et la dédiabolisation du Front National (FN) rebaptisé Rassemblement National (RN), associé à l’intervention de ses élu(e)s sur des thématiques sociales et plus exclusivement migratoires, devrait rendre l’électorat attentif à des précédents historiques. L’extrême-droite est le bras armé du capitalisme. La collusion de nombre de grands patrons avec le régime nazi en Allemagne et le régime de Vichy en France, l’a démontré très clairement.

Ainsi à l’approche d’élections présidentielles décisives en 2022, l’extrême-droite n’est-elle plus en embuscade, mais au balcon avec qui plus est, un joli billet de VIP offert par les puissances d’argent. En vue de cette échéance qui décidera de l’avenir de la France, et qui enverra aussi un puissant message à l’Europe, l’atomisation de la gauche, n’est-elle pas un avantage pour l’extrême-droite, au même titre que les événements du 1er mai 1929 en Allemagne ?

 

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