Bollywood versus Sherwood

Grâce au Brexit, l’Inde va rattraper la Grande-Bretagne…

A l'Exposition de l'Empire britannique, Wembley, 1924 : le pavillon birman Foto: Unknown / Wikimédia Commons / CC-BY-SA PD

(MC) – La livre est sur le point de devenir tout simplement insignifiante. Le Brexit accentue très fortement ce mouvement. Ainsi, la nostalgie d’un grand passé glorieux, largement fantasmé, cette nostalgie qui a pour une grande part mené le Royaume-Uni au vote sur le Brexit, est le moteur principal de la dégringolade britannique. Une contradiction savoureuse…

On remarque beaucoup d’implicites dans le rêve brexitien. Implicite, surtout, de la grandeur passée de l’Empire, des temps bénis des… colonies (sans lesquelles la Grande-Bretagne n’eût été… rien), de la suprématie maritime et commerciale. Les temps où la livre sterling dominait le monde. Et implicitement donc, on entretient l’illusion que l’isolement de la Grande Ile pourrait à nouveau lui permettre de retrouver cette grandeur.

Parmi bien d’autres, un article économique paru dans Die Welt (https://www.welt.de) retrace en lignes épaisses le déclin constant de la monnaie anglaise jusqu’à ce fichu Brexit. Dont le processus même devrait faire rougir de honte chacun des 37 % d’électeurs britanniques qui ont voté la tribulation hors de l’Union Européenne. Ceux qui n’en rougiront pas, c’est bien évidemment le petit groupe particulier de ceux qui s‘en rempliront les poches (nous y reviendrons dans un prochain article).

Mais la livre joue au yoyo depuis le vote du Brexit ; elle est tributaire, voire enchaînée aux turpitudes grotesques des contorsions et des marchandages sur la sortie de l’Union Européenne. La livre, ces derniers jours encore, a plongé. Par un mouvement contradictoire et qui donne aux Européens encore sensés le mal de mer, quand le Brexit mollit, la livre remonte ; quand il est en érection, elle chute – parfois à pic. Car la valeur de la livre a chuté, mais aussi son importance internationale. Vue dans une perspective plus large, elle joue un rôle insignifiant aujourd’hui, tant du point de vue d’une monnaie de réserve que comme monnaie d’échange. Et assurément, cette situation ne s’améliorera pas après que la Grande-Bretagne se sera séparée de ses principaux partenaires commerciaux européens !

Certes, la décrépitude de la monnaie britannique ne date pas de 2016 , mais des années 1970. Si la livre était la monnaie dominante dans le monde jusqu’à cette décennie, vers 1965 encore, elle représentait un quart des réserves mondiales de devises. Dix ans plus tard, elle n’en représentait plus que 4 %. Niveau qui est le sien aujourd’hui. Le Deutsche Mark l’a remplacée en importance, puis l’euro à partir de 2001 : ce dernier représente actuellement, ensemble avec le dollar, 80 % des réserves monétaires mondiales ; yen, livre sterling, dollars canadien et australien, franc suisse et quelques autres devises se partagent le reste.

Même chose pour ce qui est du commerce international : 43 % pour le dollar, 36 % pour l’euro, et ensuite, très loin derrière, le yen et la livre : chacun 4,5 %, et… le yuan chinois (1%).

La Chine et l’économie indienne : voilà qui doit blesser comme une écharde l’amour-propre des perfides insulaires d’Albion. Le yuan, soutenu par un gouvernement qui finalise ses projets de façon très serrée (et dictatoriale, certes) ne cesse d’avancer dans la hiérarchie des pays qui montent et se hissent aux meilleures places, tandis que la Grande-Bretagne se ramasse toujours plus lourdement dans ses chaussettes. La Chine, aujourd’hui, occupe la place de Poulidor des économies nationales, derrière les Etats-Unis. Et sans doute la guerre commerciale que le Trumpoland lui a déclarée n’y changera pas grand-chose. L’Ile au Brexit, elle, occupe la 5eme place – et grâce aux tribulations actuelles, elle risque fort de descendre à la sixième place.

Quant à l’Inde, eh bien voilà : la plus immense des anciennes colonies britanniques va bientôt supplanter son ancienne puissance tutélaire dans l’économie mondiale. Ironie de l’Histoire et juste retour objectif des choses, surtout eu égard au dynamisme et au génie particulier de la population indienne.

Merci Brexit ! L’illusion nostalgique de l’Empire, le racisme anti-polonais et la régression narcissique sont très mauvais conseillers, nous l’avons toujours su.

 

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