Boualem Sansal doit être libéré…

...mais certains ne se pressent pas pour le défendre, et d’autres ne lui rendent pas service en le défendant.

Boualem Sansal doit être immédiatement libéré. On ne peut pas enfermer des pensées... Foto: Christoph Rieger / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Jean-Marc Claus) – Voilà maintenant seize jours que l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal est détenu en Algérie. Son arrestation à l’aéroport Houari Boumédienne d’Alger le 16 novembre dernier, fait penser à celle de Fariba Adelkhah et Roland Marchal, survenue le 5 juin 2019 à l’aéroport Imam Khomeini de Téhéran. Espérons que la durée de sa captivité, soit plus proche de celle de Roland que de celle de Fariba, mais rien n’est moins sûr.

Contrairement à l’arrestation arbitraire des deux chercheurs, il n’aura pas fallu attendre longtemps, pour que celle de l’écrivain génère de gros titres, dans la dite grande presse. Ce qui aurait logiquement dû susciter de nombreuses réactions de politiques à gauche. Un grand écrivain originaire du Maghreb, qui tire régulièrement la sonnette d’alarme à propos de la progression de l’islamisme en France, mériterait logiquement plus d’intérêt que les gesticulations d’un petit polémiste issu d’une famille d’origine berbère, défait aux présidentielles et aux législatives !

Binational depuis cette année, Boualem Sansal serait de fait « promu » citoyen de seconde zone, si l’extrême-droite gouvernait effectivement le pays, et non en sous-main comme actuellement. Placé sous mandat de dépôt pour « acte terroriste ou subversif », il risque l’emprisonnement à perpétuité. Selon l’écrivain et académicien Jean-Christophe Rufin, qui rapportait hier sur Radio France les propos de ceux qui ont pu le voir, « il a pris cinq ans en 15 jours. » .

Ce n’est pas le buzz fait le 27 novembre, par Marion Maréchal au Parlement Européen, qui va contribuer à sa libération. L’échanger contre 3.500 vrais délinquants et criminels algériens détenus en France (dixit MM), non mais allô quoi ! On peut aisément imaginer l’hilarité générale, que cette proposition a provoqué, dans toutes les strates de la société algérienne ! Gageons que l’instrumentalisation à des fins de basse politique, d’une affaire aussi grave et sérieuse, se retourne contre son auteure, afin de démontrer sa méconnaissance totale de la géopolitique.

Dans son roman « 2084 : la fin du monde », publié en 2015, Boualem Sansal écrivait : « Pour les bien-pensants, critiquer l’islamisme, c’est critiquer lIslam. ». Plus récemment, dans l’ouvrage suscitant débat et intitulé « Au cœur de l’islam de France, Trois ans d’infiltration dans 70 mosquées », le journaliste Étienne Delarcher affirme que l’absence d’aggiornamento de l’Islam, conduit à ce que « les Frères musulmans, qui sont dans le collimateur, n’ont en fait pas un discours plus radical que celui qui a cours dans des mosquées soi-disant modérées. » (sic).

En fait, le monde, ayant visiblement perdu la boussole de la raison, éteint progressivement la lumière. Les obscurantismes des trois monothéismes se livrent en Occident une concurrence acharnée. Les chrétiens fondamentalistes de toutes chapelles confondues, rêvent autant de théocratie que les israélites hassidiques et les islamistes. Et tout ce petit monde trouve des soutiens aux extrêmes de l’arc politique, à droite pour les premiers et les seconds, à gauche pour les troisièmes.

Nos sociétés, se voulant jusqu’ici progressistes, ont besoin de penseurs tels que Boualem Sansal qui, tout en avertissant des dérives de la religion, n’adoptent pas pour autant des postures laïcardes, empêchant par nature tout dialogue. Quant à la laïcité à géométrie variable, pratiquée de manière indifférenciée par l’extrême-droite et l’extrême-gauche, chacune chouchoutant une catégorie bien précise de son électorat, elle est à la laïcité ce qu’est une huile de vidange à une huile d’olive vierge.

Mais le Grand Timonier LFIste et la Jeanne d’Arc RNiste ne l’entendant pas de cette oreille, ceux qui ne se pressent pas pour le défendre, tout comme que ceux qui ne lui rendent pas service en le défendant, ne sont d’aucune utilité à Boualem Sansal. Sans compter que l’origine de son arrestation, pourrait bien être une maladresse géopolitique jupitérienne. Donc par nature, quelque chose dont la négation par son auteur, n’empêche pas pour autant l’existence dans le réel

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