Brexit : le débat au Parlement européen hier
On attend, on attend...
(Marc Chaudeur) – Plusieurs résolutions devaient être votées hier à Strasbourg à propos du Brexit. L’occasion d’ échanges plutôt vifs, parfois insultants. Pour l’instant, aucune décision. Mais les intérêts et les angoisses des uns et des autres sont apparus de manière on ne peut plus claire. Le point sur la question.
Cette séance suit une rencontre à Londres lundi dernier entre Michel Barnier, Jean-Claude Juncker et l’inénarrable Boris Johnson. Qu’en ressort-il ? Il en ressort les éléments essentiels, graves, qu’il faudra absolument régler.
Deux ans et demi de négociations… Et aujourd’hui ? Le Brexit est-il inéluctable ? Et quel Brexit : après négociation, ou sans négociations (No Deal) ? Le « ministre du Brexit », Michel Barnier, a présenté avec beaucoup de relief la difficulté de la tâche face à Johnson, et le volontarisme inépuisable du Parlement européen… Il est évident, notamment, qu’il faut absolument défendre le Good Friday Agreement, qui a permis une paix durable en Irlande du Nord – mais Johnson ne propose rien, n’avance rien d’autre que des formules creuses. Il en va pourtant de la sécurité des personnes en Irlande, et du respect des normes en matière d’environnement, de droits sociaux, etc.
De plus, avance Michel Barnier, il en va aussi du choix de société à effectuer par Londres, du point de vue fondamental de la régulation et de la nature du marché économique : mais le niveau d’ambition d’un accord de libre échange négocié, pour le Grand Négociateur, dépend des garanties apportées sur le plan des normes environnementales, sociales, de la concurrence et du niveau des aides de l’État. Et pour l’UE, il est indispensable de tenir une main ouverte sur « davantage d’ambition » que celle du seul Brexit sans horizon, éventuellement sur une union douanière particulière, et après avoir leveled the playing field : en jouant sur le même terrain et avec les mêmes règles de jeu. Une évocation qui a fait ricaner les Brexiteers sur leurs bancs du Parlement, où ils se distinguent par une vulgarité agressive que nous n’avions vu que dans les rangs du Rassemblement national.
Guy Verhofstadt, coordinateur du travail du PE sur le Brexit, dans son intervention lors du Débat et lors d’une conférence de presse, a présenté de manière on ne peut plus nette les données du problème. Aux accusations contre le caractère « anti-démocratique » du processus, il rétorque aux Brexiteers que ce n’est pas le PE qui est fermé actuellement, mais bien Westminster ! Par ailleurs, le « projet » de Brexit a entraîné un regain de popularité de l’Union Européenne. Pour Verhofstadt, le message des Européennes du 27 Mai est clair : « Réformez, mais… ne détruisez pas ! »
Ces éléments, d’une importance vitale, font que les dirigeants des institutions européennes, depuis les premiers symptômes de cette folie furieuse, veulent un retrait ordonné, et non un No Deal, non un retrait sans accord.
Avons-nous avancé dans la résolution du problème ? En tout cas, il faut régler 3 éléments cruciaux. Celui de la citoyenneté des ressortissants européens vivant en Grande-Bretagne, et de leurs droits. La presse britannique a présenté presque tous les jours de l’été dernier des cas de telles personnes qui ont vécu 20 ans, 5 ans… au Royaume-Uni et qu’en cas de Brexit, la bureaucratie va refouler ! Un corollaire : qu’adviendra-t-il de Gibraltar ?
Deuxième point, très grave comme on sait : celui de la frontière Eire-Ulster. Des backstops (filets de sécurité) doivent absolument être mis en place pour éviter la montée des violences qu’on ne connaît que trop bien là-bas – ce que confirment certains entretiens confidentiels des dirigeants européens avec les services secrets britanniques et irlandais. Boris Johnson affirme qu’il n’y aura pas de frontière : mais dans ce cas, il y aura quoi ??
Enfin, on l’a dit, il y a le problème des relations futures avec l’Union Européenne. On peut y distinguer 2 volets : la nature de l’organisation économique du Royaume-Uni (peut-être bientôt étêté de l’Ecosse, d’ailleurs…) et la protection sociale des citoyens d’une part, et d’autre part, les répercussions de l’éventuel Brexit sur l’économie européenne. Volets qui s’avèrent bien entendu complémentaires : Verhofstadt réaffirme avec force le refus de voir naître un second Singapour sur les bords de la Mer Noire !
Le processus connaîtra, si tout va bien (ou mal) une phase décisive entre le 21 et le 31 octobre prochains. Le Brexit est-il inéluctable ? Réponse indirecte sous forme de question : avez-vous lu de bons livres sur l’Histoire de l’humanité ? Et vous souvenez-vous du nez de Cléopâtre, si cher à Blaise Pascal ?
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