Brexit : Et à la fin c’est la Grande Bretagne qui gagne !

Alain Howiller sur le « Brexit » et sa suite…

Theresa May n'est pas pressée pour déclencher le "Brexit", elle veut négocier des conditions favorables pour la Grande Bretagne. Thatcher 2.0 ? Foto: Andrew Burdett / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Par Alain Howiller) – Dans les milieux de la Commission de Bruxelles, les Britanniques passaient pour les meilleurs négociateurs et diplomates. D’ailleurs, même si finalement sa malheureuse initiative de referendum a mal tourné pour lui, ce que David Cameron avait obtenu de ses partenaires européens dans l’espoir que la Grande Bretagne choisirait de rester dans l’Union Européenne, apportait de l’eau au moulin des admirateurs de la diplomatie britannique. L’ex Premier Ministre avait pratiquement déjà obtenu que, sans Brexit, la Grande Bretagne soit dans l’Union Européenne, sans y être… tout en y étant ! (eurojournalist.eu du 24 Février 2016)

Ce à quoi nous assistons depuis le référendum pourrait conduire à détourner la fameuse définition venu du monde du football (1) : « Le Brexit est une négociation à 28 et à la fin c’est la Grande Bretagne qui gagne! »

Car enfin il est quand même étrange que ce pays qui a décidé de quitter l’Union Européenne, sous prétexte qu’il ne sait pas trop quoi en faire de sa « souveraineté retrouvée », prévienne ses partenaires que le divorce voulu, n’est pas urgent, qu’il faut procéder à un inventaire des demandes qu’on va présenter (!) et de dresser les conditions dans lesquelles on négociera !

L’inénarrable Monsieur Johnson ! – Bien plus, M. Boris Johnson, hier exécuteur es hautes œuvres des partisans du Brexit et aujourd’hui Ministre des Affaires Etrangères britanniques, se veut rassurant (!) : « Ce n’est pas parce que la Grande Bretagne a décidé de quitter l’Union Européenne qu’elle quittera l’Europe… En aucun cas nous quitterons notre rôle de dirigeant en Europe ! » Et en plus, le Ministre se paye le luxe de faire état d’un courrier que lui a adressé Jean Marc Ayrault, le Ministre français des Affaires Etrangères qui souhaite que les rapports entre la Grande Bretagne et la France se poursuivent le plus agréablement et le mieux possible : pourtant, on sait que le même ministre français avait publiquement reproché à Boris Johnson « d’avoir beaucoup menti durant la campagne référendaire ! »

Tout ce dont certain nombre de dirigeants (français ou allemands par exemple : dont François Hollande ou Angela Merkel) avaient menacé la Grande Bretagne pour essayer de peser sur les résultats avant le référendum, on peut rester songeur après les premières déclarations de Theresa May (« Nous allons tout faire pour faire de cette sortie un succès… avant de négocier, il faut que nous fassions le point sur nos demandes ! ») après sa désignation comme chef du gouvernement ou à l’issue de ses entretiens, à Berlin, avec la chancelière allemande ou, à Paris, avec le président français.

Quand Theresa May prend son temps ! – « Bien sûr nos relations vont changer », affirme Theresa May à Berlin, « mais les relations économiques -ce qui concerne le libre échange- devront rester très étroites ». A Paris, elle précise : « Préparer nos négociations prendra beaucoup de temps ». La Grande Bretagne ne déposera pas avant la fin de l’année, sa demande de sortie de l’Union Européenne : pour les spécialistes, la sortie pourrait bien ne pas avoir lieu avant le 1er Janvier 2019, les Traités prévoyant que les négociations peuvent durer… deux ans ! Et la Grande Bretagne compte ne rien accélérer !

S’il est vrai que les négociations seront difficiles, la Grande Bretagne veut préserver son accès au marché commun de l’Union, mais sans accepter la libre circulation des personnes. François Hollande fait du respect de la liberté de circulation des biens et des personnes un préalable, le maintien éventuel d’un accès au marché commun exigera des contreparties (participation au budget de l’Union ?), négociations des 53 accords de libre-échange que l’Union a signé (au nom de ses membres) avec des pays tiers. L’approche de l’Union ne souffrira-t-elle pas des divergences qui éclateraient entre ses membres d’autant que le front commune France-Allemagne -toujours fédérateur jusqu’ici- reste incertain en l’état actuel des choses. La chancelière allemande a déjà fait valoir auprès de Theresa May que « l’Allemagne défendra ses intérêts ».

Les pays dits de l’Est au secours des Anglais ?… – Les états du groupe de Visegrad (Pologne, Hongrie, Tchéquie et Slovaquie), inquiets du fait que tant la France que l’Allemagne voudraient mettre un terme aux possibilités d’avoir recours à des travailleurs détachés dans des conditions favorables aux entrepreneurs, pourraient bien devenir des alliés pour la Grande Bretagne : ces pays -dont viennent nombre de travailleurs détachés- pourraient appuyer les revendications en faveur d’une Europe économique sans grandes perspectives d’intégration politique !

Un bras de fer s’esquisse entre ceux qui voudraient poursuivre l’intégration quitte à constituer un noyau dur de pays désireux d’avancer dans cette voie et ceux qui, in fine, pourraient se satisfaire d’une « Europe économique » dont le modèle rappellerait « l’Association Européenne de Libre Echange (AELE) » que la Grande Bretagne avait créé, en 1960, pour contrer la Communauté Européenne !

L’Europe en mauvaise posture ? – Ce débat de fond sur l’avenir intervient à un moment où les gouvernements subissent la pression de partis d’extrême droite, à un moment où François Hollande va engager la bataille de l’élection présidentielle, où Angela Merkel va tracer les axes des élections législatives de 2017 et où Matteo Renzi, qui aurait pu être le troisième homme de la relance, se prépare à affronter, en octobre, un référendum sur une réforme constitutionnelle en Italie ! En attendant, François Hollande a chargé son premier ministre de lui faire des propositions pour une relance de l’Europe d’ici au sommet européen de septembre.

Jamais, sans doute, la situation -à moins d’une relance- n’a été aussi favorable aux idées défendues par la Grande Bretagne. Le risque est grand que, de concessions en concessions, ce soit elle qui gagne à la fin ! Avec le risque d’une « implosion de l’Union Européenne » que redoute Martin Schulz, le président du Parlement Européen. Allons, les Européens : réveillez-vous !

(1)    « Le football est un sport qui se joue à onze contre onze et, à la fin, c’est l’Allemagne qui gagne » (de l’attaquant anglais Gary Lineker, Juillet 1990) – (il est vrai que depuis la dernière coupe d’Europe, ce n’est plus tout à fait… exact !)

1 Kommentar zu Brexit : Et à la fin c’est la Grande Bretagne qui gagne !

  1. En effet, c’est un comble! Cela illustre la mollesse des
    prétendus vrais Européens.

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