Brexit in the Foggy Dew

Le Livre Blanc de Theresa May se porte pâle

Theresa May, RIP Brexit dur Foto:AVAAZ / Wikimédia Commons / CC-BY-SA 1.0 PD

(MC) – « Ce n’est pas de davantage de temps dont nous avons besoin, c’est de choix, de décision, de clarté et de certitude juridique »… Eh bien ! Il ne reste pas grand-chose : un Attila justicier est passé… Michel Barnier, chef des négociations européennes sur le Brexit, a donné vendredi dernier, lors d’une conférence de presse à Bruxelles, les réactions de la Commission Européenne sur les propositions contenues dans le Livre Blanc. Ce fameux Livre Blanc remis par Theresa May, produit de longs mois de chamailleries, de tergiversations et d’incisions gordiennes dans le nœud de cette fichue sortie de l’Union Européenne.

Traduisons la phrase citée de Michel Barnier : les propositions du Livre Blanc pour le Brexit sont indécises, confuses et sans fondement juridique sérieux. Voilà qui est très juste, et très fâcheux. Surtout à 13 semaines de la deadline.

Avant même de débattre de la future relation entre Grande-Bretagne et UE, l’objectif premier est de finaliser l’accord de retrait « en ordre » de la Grande-Bretagne. Barnier estime que 80 % de cet accord de retrait est déjà sur le papier ; mais 80 % de la totalité 13 semaines seulement avant la date de retrait effectif, c’est très peu : car Theresa May et ses petits camarades conservateurs s’expriment d’ores et déjà comme si le Brexit était réalisé. Ce qui est loin d’être le cas, puisque précisément, les conditions ne sont pas réunies, comme l’a excellemment fait remarquer Barnier vendredi dans son inimitable rhéto-anglais.

Nous ne ferons pas de cadeau à Londres, a annoncé Barnier en substance. Cette attitude est liée d’abord à de sérieuses inquiétudes quant aux relations entre Eire et Irlande du Nord : pour la Commission, il est hors de question de risquer le rétablissement d’une frontière intra-irlandaise ; cela 20 ans après le Good Friday Agreement et les 20 ans de paix que l’Union Européenne a occasionnées alors. Le temps presse, oui, puisque ce problème doit être impérativement réglé AVANT le Brexit, et non traîner durant une période indéterminée après l’éventuelle signature. La Commission se sent, à juste titre, directement responsable de la sécurité de l’ensemble des Irlandais, et doit ainsi s’assurer que le moindre risque sera écarté au plus vite. Michel Barnier a désigné en ce sens les membres de la CE comme les stakeholders – parties prenantes – des citoyens d’Eire et d’Ulster.« Sans solution pour l’Irlande, pas d’accord et pas de période de transition », a-t-il ajouté.

Le coût financier de ces absurdités est très lourd ; et depuis plusieurs mois, le ton monte de plusieurs crans sur la  frontière irlandaise. Conservateurs et unionistes accusent le Sinn Fein de tout gâter par des menaces de vilains hooligans loqueteux ; gauche et Sinn Fein nous informent qu’ils lutteront de fait pour conserver les choses en l’état actuel. Sale temps en Irlande, et il ne s’agit plus seulement de la météo, cette fois.

Lors de sa conférence de presse à Bruxelles, Barnier a surtout réaffirmé l’inséparabilité des 4 libertés fondamentales : liberté des échanges, des services, des capitaux et des personnes. On ne saurait accepter ici de cherry pick, d’écorniflage de raisins secs dans le kugelhopf européen.

Et c’est exactement ce cherry pick que Londres désire pratiquer. Londres veut restreindre l’immigration provenant du Continent, et par ailleurs, mettre en place un accès sélectif au marché intérieur européen : le commerce des biens doit pouvoir se poursuivre sans obstacles, mais la prestation des services doit être tamisée. La Commission n’aime point cela ; Barnier, vendredi dernier, a exhibé son portable en rappelant que 20 % à 40 % de la valeur de ce bien tenait au coût des services. Faire abstraction de cela reviendrait à permettre aux Anglais une concurrence déloyale. Ce qui fait les gorges chaudes des conservateurs anglais et du Daily Mail : «Ah ! Bin tins,vous voyez bien, disent-ils en substance : il sera plus avantageux pour nous Rossbifs de vendre nos plum puddings sans supporter le coût européen des services ! ». Et un député tory a indiqué avec une élégance très britannique à quel point il sera délicieux de quitter cette « Europe-mafia »…

Autres propositions rédhibitoires pour la Commission : d’abord, l’adoption sélective des standards européens pour le marché, un filtre qui risque fort de ressembler à un chester mité et de présenter des dangers pour la santé : exportation non contrôlé de denrées manipulées génétiquement, pesticides,…

Ensuite, la création d’un système de douane double : pour les produits arrivant dans l’UE et par ailleurs, pour le marché intérieur britannique. Aberrant, car ce système suppose un redoublement de la bureaucratie, déjà bien lourde, s’pas, avec ses coûts immenses, et des risques de fraude bien évidents.

La balle est maintenant dans le camp de la Commission, a fait savoir Theresa May vendredi dernier à Belfast. La prise de position de Michel Barnier, adoptée après consultation des membres et des 27 ministres des Affaires étrangères, est une réaction à ce discours de May. La balle est renvoyée dans la surface de… réparation du gouvernement britannique. Le négociateur en chef a notamment déclaré : « Il n’y a aucune raison que des entreprises européennes supportent le poids de cette décision ». On ne doit pas affaiblir le marché intérieur européen simplement parce que la Grande-Bretagne part en vaisseau spatial pour Vénus, en somme.

La situation est grotesque, on l’a vu, et de très mauvais goût. La Commission Européenne ne saurait , en l’état, accepter un accord qui se fonderait sur les propositions du Livre Blanc. Mais Londres, en la personne de son ministre du Brexit tout frais, Dominic Raab, a répliqué hier dimanche dans une interview au  Daily Telegraph que sans accord, Londres ne réglerait pas la facture du Brexit. Cynisme éhonté ! Il faudra impérativement, en tout cas, que l’UE trouve les points faibles par lesquels Londres cédera.

 

 

 

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