Brexit : la seconde phase

Où l’on avance à reculons

Michel Barnier, le pugnace négociateur en chef de l'Union Européenne Foto: GUE/NGL/CC-BY-SA/2.0Gen

(Marc Chaudeur) – Avant la seconde phase des tractations en vue du Brexit, le Parlement européen a précisé hier, à Strasbourg, ce qu’il comptait faire à l’égard du Royaume-(Dés)Uni. Et comme son négociateur en chef Michel Barnier, il optera vraisemblablement pour une conduite dure.

Mercredi à Strasbourg, en effet, le Parlement européen a adopté une résolution dont il est difficile de ne pas comprendre ce qui s’annonce, globalement : en somme, pas de quartier pour les Brits. Il est exclu que l’Union européenne fasse des cadeaux ou pêche par laxisme dans les domaines les plus essentiels, et par conséquent, les plus aigus : les normes sociales, celles de la protection des consommateurs et de l’environnement, dont il faudra veiller (dans la mesure du possible, faut-il ajouter…) qu’elles ne s’écartent pas trop des règles européennes. Et la concurrence fiscale vers le bas – le Royaume-Uni risque évidemment de devenir un paradis fiscal aux portes de l’UE, perspective tout à fait inacceptable. Mais c’est bien ce que les Brexiteers les plus ardents désirent et réclament, à mots à peine voilés.

Au contraire, ce que le PE appelle de ses vœux et a commencé depuis de nombreux mois à préciser sur le papier, c’est ce qu’on a pris coutume d’appeler level playing field : une mise à niveau des prétentions, et des ajustements réciproques. Dans la Résolution mentionnée, on parle d « obligations fortes et de clauses réalisables », nécessaires à la réalisation d’un accord cohérent.

Michel Barnier est chargé d’examiner si, en matière d’importation de marchandises agricoles et dans quelques autres secteurs sensibles, on assurera la mise en marche de taxes d’importation et de douane. Dans les diverses possessions du Royaume-Uni (comme la fameuse Île de Man), il faudra que les Britanniques empêchent tout dumping fiscal. Réaliste ? On attend encore d’apprendre comment les institutions européennes vont s’y prendre pour contrecarrer, face à l’ultra-libéralisme d’un Boris Johnson, ces possibles mesures qui entraîneraient de graves inégalités sociales et une concurrence déloyale envers l’UE.

Dans le domaine financier, la City de Londres devra déchanter : on ne lui facilitera pas la tâche, et la réalisation d’opérations fructueuses sera rendue plus difficile par sa sortie de l’UE. Michel Barnier et les parlementaires européens s’y emploieront ; pas d’inquiétude sur ce point ! Le chancelier de l’Echiquier (c’est-à-dire le ministre des Finances), Sajid Javid, l’a peut-être compris, puisqu’il vient de démissionner…

Un secteur très important dans cette histoire de divorce : celui de la pêche. Important symboliquement surtout, puisque l’apport économique de la pêche est pour ainsi dire négligeable ; mais il a permis à Johnson de circonscrire sa guerre sur un territoire concret, ce qui est toujours avantageux pour un démagogue. Le PM et ses troupes ont en effet promis que les eaux de pêche seraient « rendues » aux pêcheurs britanniques. Mais sur ce point, Barnier montre sa pugnacité : il a martelé très distinctement qu’un traité commercial devait nécessairement impliquer l’accès réciproque aux eaux et aux marchés. Aux marchés : Barnier veut signifier que si les pêcheurs britanniques empêchaient l’accès aux eaux de leur pays, ils devraient se passer des débouchés européens. Et les débouchés européens représentent 70 % des produits de leur pêche…

Enfin, mercredi à Strasbourg, Michel Barnier a rappelé à toutes fins utiles que le Brexit comprenait une particularité : c’est qu’il est lié à une durée courte. Si aucun traité n’est signé d’ici le 31 décembre 2020, on sera face à ce hard Brexit que chacun redoute, y compris les Brexiteers les moins bornés.

Avec cette clause inquiétante de l’unanimité : si on ne l’atteignait pas dans tous les domaines,bien des éléments du Traité seraient remis en cause – ou anéantis. Et ce qui inquiète surtout, c’est qu’à mesure que le temps passe, elle est de moins en moins assurée : car les Etats examinent de plus en plus, au fil des mois, en quoi consiste leur avantage particulier – bien plus que l’avantage de l’Union.

Les tractations commenceront le 25 février, après que les Etats-membres auront donné le feu vert au négociateur en chef. Le temps presse.

 

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