Brexit ! Les jours d’après !

Encore quelques jours et on saura si David Cameron, qui avait annoncé dès Janvier 2013 qu'il consulterait les Britanniques sur leur volonté de rester -ou non- membres de l'Union Européenne, a gagné son pari d'éviter un « Brexit ».

Et si les Britanniques écoutaient pour une fois leur gouvernement... Foto: MOTORAL1987 / Wikimedia Commons / OGL

(Par Alain Howiller) – Les Britanniques choisiront finalement entre les thèses défendues notamment par l’astrophysicien Stephen Hawking, professeur de math à Cambridge et cosmologiste nobélisable et l’homme politique, ancien Maire de Londres, Boris Johnson. Le premier spécialiste des « trous noirs »(!) n’a-t-il pas déclaré dans une lettre signée par 150 universitaires et chercheurs britanniques : « Les temps où nous pouvions encore nous dresser contre le monde entier sont révolus. Un Brexit serait une catastrophe !… »

Le second, membre du parti conservateur comme… Cameron(!) mais favorable à un Brexit, a fait la « une » des médias avec cette déclaration tonitruante : « Napoléon et Hitler ont essayé de réunir le continent européen sous un seul et unique gouvernement et cela s’est terminé de manière tragique. L’Union Européenne est une autre tentative avec des méthodes différentes !… »

« I do not love Brussels !… » – Depuis des mois, devant une Union Européenne qui retenait son souffle de peur d’envenimer plus encore une campagne venimeuse, les « pour » et les « contre » s’affrontent alors que David Cameron a déjà obtenu de l’Union d’impensables compensations qui viennent s’ajouter au statut particulier (eurojournalist.eu du 24 Février 2016) dont bénéficiait déjà son pays jusqu’ici. Jamais avare d’un bon mot, l’ancien député européen Jean-Louis Bourlanges commente la situation ainsi : « Aujourd’hui, la Grande Bretagne a un pied dedans, un pied dehors. Après le 23 Juin, ce sera…. l’inverse ! »

Dans son dernier ouvrage(1), la députée européenne Sylvie Goulard rappelle qu’à la sortie de la séance de négociation où il avait présenté ses conditions pour défendre le « oui » au maintien de la Grande Bretagne au sein de l’Union Européenne, David Cameron, après avoir obtenu tout ce qu’il réclamait, sa reconnaissance a consisté à jeter : « I do not love Brussels ! ». Et l’auteur de souligner : « Les dirigeants européens se contentent d’une Europe où certains membres picoreraient leurs devoirs à leur guise…. Le drame, ce n’est pas la force du Royaume Uni, c’est la faiblesse de ses partenaires…. Personne ne semble s’être posé la question de savoir si la meilleure façon de retenir les Britanniques était vraiment de céder à toutes leurs demandes… » La question se posera avec d’autant plus d’acuité si Cameron devait perdre « son » referendum et si la Grande Bretagne devait s’engager dans le Brexit dont la perspective semblait, ces derniers jours, reprendre de la vigueur.

La France et l’Allemagne paralysées ?… – Mais quelque soit le résultat de la consultation, le débat autour du referendum, ce dernier lui même auront contribué à poser ces questions auxquelles les membres de l’Union Européenne ne pourront plus échapper, même si les deux membres-moteurs de l’Union -la France et l’Allemagne- ne se retrouvent pas, à quelques mois d’échéances électorales déterminantes, dans la meilleure situation possible pour prendre des initiatives !

Que « Brexit », il y ait ou pas, les tensions nées ces derniers mois entre membres à propos notamment de l’accueil des réfugiés pose le problème de fond des valeurs auxquelles adhèrent les membres. Il pose cette question simple : tous les membres de l’Union Européenne ont-ils encore, dans le respect des Traites, pour objectif de jeter les fondements d’une « union sans cesse plus étroite » et de respecter ces valeurs fondamentales que sont, notamment, la dignité humaine, l’égalité, le droit des minorités…. « La vérité est que, au bout de soixante ans, le système a besoin d’une refondation », écrit Valery Giscard d’Estaing dans le « Point » ou plus exactement, poursuit l’ancien Chef d’Etat, « d’une double refondation : l’une pour les états qui souhaitent aller de l’avant sur la voie de l’intégration européenne. L’autre pour ceux qui se satisferaient d’un Grand Marché plus libre et moins bureaucratique. » Ce serait enfin lever ce « malentendu » dont se prévaut (avec beaucoup de mauvaise foi) David Cameron quand il affirme que « nous n’avons adhéré qu’à un Marché Commun ». N’aurait-il pas lu les Traités, pourtant explicites quant à la finalité et aux structures de l’Union !

Le retour des noyaux durs. – Qu’il y ait « Brexit » ou pas, les partenaires de l’Union ne pourront pas faire comme si rien ne s’était passé. Dès le 28 Juin, ils auront l’occasion lors de leur rencontre, à Bruxelles, de faire le point de la situation et le Parlement Européen se penchera le 4 Juillet à Strasbourg sur les lendemains de référendum. L’Allemagne et la France voire la Commission lanceront-ils des initiatives allant dans le sens d’une refondation pour reprendre l’image giscardienne ? « Nous devons trouver un moyen de rendre possible la participation à l’UE sans l’adhésion à la zone euro », rappelle Wolfgang Schäuble qui attire l’attention sur le fait que la finalité de l’Union reste l’adhésion à la zone euro et à la poursuite de l’intégration.

Dans un livre d’entretiens croisés entre les deux ministres(2) à la question : « Ne serait-il pas possible de créer un noyau européen qui marche plus rapidement ? », Michel Sapin, le Ministre français de l’économie et des finances, complète : « Evidemment nous ne pourrons avancer que par des noyaux durs, soit des noyaux durs juridiquement…. soit des noyaux durs politiques. Au fond, la France et l’Allemagne considèrent qu’elles sont forcément toutes les deux dans le noyau dur quelque soit l’expression de ce noyau dur ! »

En fait, si le problème de de l’avenir de l’Union et de la zone euro, de leur « refondation » se pose dans tous les cas de figure, à plus forte raison se pose-t-il en cas de Brexit !

Schäuble : « Dehors, c’est dehors !… » – Si ce dernier l’emporte, il ne faudrait pas croire qu’il suffira de claquer la porte et d’en tirer les conséquences : la sortie de la Grande Bretagne exigera de longues négociations qui, selon les traités, pourraient durer jusqu’à…. deux ans ! Il faudra régler la sortie du Parlement Européen, débattre des conséquences budgétaires, régler le problème de la présence britannique au sein des structures, renégocier toute une série de règlements qui pèsent sur les rapports avec les pays tiers, régler les problèmes liés aux rapports entre la Grande Bretagne et l’Union sur le plan des relations commerciales (droits de douane sur les marchandises importées dans l’Union).

Dans une interview au Spiegel, Wolfgang Schäuble est, cette fois, très clair : « Dedans c’est dedans, dehors c’est dehors », affirme-t-il poursuivant : « Le Royaume Uni devra respecter les règles du club qu’il vient de quitter ». La rigueur s’imposera d’autant plus nécessairement qu’il s’agira d’éviter que l’exemple britannique soit suivi par d’autres états (notamment à l’Est) qui seraient tentés de suivre l’exemple du « Brexit » ou de vouloir, tout simplement « y être sans y être » !

Comment seront menés les négociations d’après un éventuel « Brexit », combien de temps dureront-elles : personne, en l’état, ne peut le prévoir ! Ce qu’on peut prévoir c’est que ceux qui font semblant de croire que ce sera facile, sans douleurs et rapide, sont un peu comme ces partisans de l’arrêt des centrales nucléaires qui croient qu’il suffira d’appuyer sur un bouton pour tout arrêter ! Les conséquences économiques d’un « Brexit » sont d’autant plus difficiles à prévoir que les pronostics établis ont tous été plus ou moins influencés par des approches militantes entre partisans du « pour » ou du « contre » !

Certes le risque sera grand pour les Britanniques de voir relancées les revendications d’indépendance des Ecossais trés attachés à à l’Union Européenne, de voir revenir des tensions autour de l’Irlande qui vivra le retour d’une frontière entre Irlandais. Quelle frontière reverra-t-on entre la Grande Bretagne et les pays de l’Union ? Comme le rélève Wolfgang Schäuble dans son interview : « ce serait étonnant que la sortie de la Grande Bretagne de l’Union Européenne n’avait pas de répercussions négatives sur l’économie britannique ». Quelles conséquences aura le « Brexit » sur l’Union elle-même ?

A contrario : une chance pour Strasbourg ? – La « refondation » sera-t-elle au rendez-vous de l’après ? En profitera-t-on pour organiser, structurer une « zone euro » qui manque de direction ? Ira-t-on vers une sorte de « parlement de l’eurozone » et un « gouvernement économique » ? Personne n’ose le dire et pourtant un « Brexit » pourrait bien profiter à Strasbourg où le « Parlement Européen » aurait perdu ces éternels champions britanniques du « siège unique à Bruxelles ». L’idée du Maire de Stasbourg de construire un nouveau bâtiment à proximité des immeubles européens actuels, pourrait anticiper les besoins : ceux qui naîtraient de futures structures nées de la « refondation ». Cela couperait l’herbe sous les pieds de ceux qui verraient bien à… Paris, les structures nées de la « refondation » !

A moins que les Britanniques ne renoncent au Brexit, suivant ainsi les conseils de Stephen Hawking et se souvenant qu’il y a près de soixante ans, ils avaient fait l’amère découverte qu’ils n’étaient plus une puissance majeure alors qu’intervenant sur le Canal de Suez -avec les Français et les Israéliens- ils avaient été obligés de se retirer sous les pressions américaine et soviétique. La leçon vaut pour l’ensemble des membres de l’Union Européenne qui, on s’en souvient, s’est nourrie de ce constat. Reste à tirer les leçons des derniers mois.

Martin Schulz, le Président du Parlement Européen, plaidant pour une réforme rapide des institutions actuelles, met en garde : « Nous risquons de vivre une implosion de l’Union Européenne… Si les Britanniques quittent l’Union, le risque est grand de voir s’exprimer d’autres revendications de retrait. L’Union a été créée pour résoudre des problèmes, trop de gens la perçoivent aujourd’hui comme étant un élément des problèmes. La règle de l’unanimité, le fait de repousser, faute d’accord, les décisions de crise en crise est une catastrophe. Il faut réformer, en tout état de cause ! »

Alors l’Europe retrouvée : c’est maintenant ?

(1) « Goodbye L’EurOpe », par Sylvie Goumard -Editions Flammarion- Collection « Café Voltaire » -133 pages- 12 Euros.

(2) « Jamais sans l’Europe. Entretiens croisés de deux européens convaincus » par Michel Sapin et Wolfgang Schäuble (propos recueillis par Dominique Seux et Ulrich Wickert – Préface de François Hollande et Angela Merkel). Editions « Débats Publics » – Maison d’édition et de débats -239 pages- 18 Euros (existe aussi en édition allemande).

1 Trackbacks & Pingbacks

  1. Brexit ou Bremain, dehors ou dedans, un problème assuré | Eurojournalist(e)

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste