Brexit ou Bremain, dehors ou dedans, un problème assuré

Après le 23 juin, quoi qu’il advienne, l’UE sera confrontée à un grave problème dont la solution sera difficile mais que certains espèrent néanmoins salutaire. Paradoxal ?

Un débat animé et enrichissant sur le "Brexit" à l'APE à Strasbourg. Foto: Fiona Goerg

(Par Antoine Spohr) – En la circonstance, on est trop souvent tenté d’abuser de son anglais (political english ?), car cela sonnerait mieux que « rester ou partir », du moins le croit-on. On dira donc « c’est oui ou c’est non », soit pour le statu quo ante déjà outrancièrement particulier ou pour un adieu triste ou serein. Passons.

Une expérience édifiante à l’APE à Strasbourg.

L’APE (Association Parlementaire Européenne) lors de la dernière session ordinaire de juin, avait invité ses membres à un dîner convivial pour y débattre ensemble des lendemains d’une sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne. Simple hypothèse qui, d’emblée, a conduit, comme souvent, à une interprétation déviante, hors sujet, dès les premières interventions des eurodéputés britanniques, tous conservateurs et ici, pour l’heure, ouvertement réactionnaires. L’eussent-ils moins été avec une concession à un retour à la CEE, cette étape de la construction européenne dans laquelle le R-U avait été accepté quelques années après la disparition du général de Gaulle qui y avait été hostile. Il ne s’agissait pourtant alors que d’une Communauté Economique Européenne (Marché Commun) bien loin d’une grande association tendant à une ambition plus haute d’union des peuples avec une fédération des Etats à l’horizon lointain.

Si l’on en croit les Britanniques présents, l’affaire est « pliée » : demain il ne seront plus dans l’UE bien qu’ils reconnaissent tous les attraits pittoresques, gastronomiques, culturels ( ?) et autres de Strasbourg (on s’y trouve). Et avant même que d’autres aient pu s’exprimer, les arguments d’une mauvaise foi évidente illustrée par Roger Helmer, dit Rodger à l’humour irrépressible, font feu, les premiers.

D’abord, les Anglais ne sont pas moins solidaires que d’autres puisque « la Cornouaille bien pauvre est largement aidée par le R-U, mais cette solidarité ne va pas au delà des frontières du Royaume. » (sic). En raccourci : réfugiés restez où vous êtes ou rentrez chez vous ou ailleurs.

Les données objectives présentées par le professeur Michel Devoluy, économiste de premier rang, spécialisé dans les affaires européennes (chaire Jean Monnet à Strasbourg) sont religieusement suivies et partagées par l’ensemble de l’auditoire et soutenues par des eurodéputés allemands comme Jo Leinen, italiens comme le brillant trentenaire Brando Benefei, autrichiens comme Elsabeth Köstinger et surtout le français Robert Rochefort, brillant, compétent et combatif… et bien d’autres. En clair, hormis les Britanniques venus en groupe, tous sont peu ou prou fédéralistes et contre toute exception favorisante à l’intérieur de l’UNION.

De l’eurodeputée de la république irlandaise, Mairead MacGuinness, élue vice-présidente du Parlement en deuxième position dès le premier tour, personnalité remarquable à tous égards, on ne retiendra qu’une idée force en une seule formule à interpréter comme on voudra : « Vous les Britanniques, vous êtes plus forts (ou plus grands) que çà, vous ne pouvez vous comporter de la sorte ». Inutile d’évoquer l’Histoire et les menaces qui planent à nouveau à l’ouest insulaire du continent.

Les représentants présents acquis sans faille au Brexit, ont montré, par exemple en fustigeant les votes français de 2005 pour le « non » partagé entre les pro-européens exigeant plus d’Europe et ceux qui n’en voulaient pas, comme en dénonçant des positions du FN au même niveau que celles de l’Extrême Gauche, ceux –là ont bien montré ipso facto qu’ils n’avaient pas besoin de tels partis. Ils en étaient au moins des sympathisants (complexes), sans le savoir. Nationalistes avant tout. Comme l’assassin de Jo Cox ? L’exaspération peut expliquer de tels rapprochements de l’observateur.

Refonder, reconstruire, réinitialiser avec tous ceux qui le voudront.

Mais les britanniques ne sont pas tous à l’image de ceux-là, tous assez âgés, grincheux, nostalgiques d’un empire perdu, le Commonwealth n’approuvant même pas leur posture. Eux iront massivement voter. Si les autres, surtout les jeunes qui peuvent se montrer plus raisonnables, se manifestent aussi fortement, les jeux ne sont pas faits. En outre, les sondages encore favorables au Brexit peuvent aussi engendrer de surprenantes réactions de sursaut. Nous y croyons tout de même.

Les enjeux, les mécanismes, l’état des lieux ont été efficacement décrits sur Eurojournaliste par Alain Howiller.

Alors, choc le jeudi 23 ? Avec toutes les analyses et prédictions qui s’égrènent sur tous les médias, on est préparé. Pas de traumatisme, exit ou remain, car on finit par s’y faire, indifféremment, jusqu’à l’indifférence. Attitude non politique ? Plus complexe ? Nous le savons et on nous a largement aidé à anticiper.

Qu’ils restent et c’est le statut quo ante, comme hier et l’Europe n’en sort pas guérie pour autant. Qu’ils nous quittent et l’Europe se voit confrontée au risque de la contagion vers ses acolytes du nord-ouest du continent. En fait, une clarification nécessaire du style trivial du « Tu veux ou tu veux pas ».

Une idée ancienne poursuit alors son chemin, de plus en plus crédible : celle d’une Europe à la carte, avec un noyau dur, ferme, déterminé et des satellites associés ponctuellement, s’il le faut.

Cette perspective nous occupera sûrement après le référendum du 23 en Albion.

En attendant les fédéralistes sincères boivent du petit lait ou la boisson qu’ils préfèrent, car ils apparaîtront sûrement bientôt comme un ligne de pensée trans-partisane d’Européens convaincus, peut-être résignés dans un premier temps à n’être considérés que comme un puissant aiguillon avant de devenir un vrai parti qui compte (un peu comme le cursus des « Verts »).

Mais qui organiserait cette démarche refondatrice, reconstructrice à réinitialiser ?
Une idée à peine saugrenue jaillit de l’imagination d’un politologue un peu utopiste : il faut au moins consulter le Conseil de l’Europe.

L’Europe est si belle !

H. Dorfmann, Président de l'APE à Strasbourg. Foto: Gervaise Thirion

H. Dorfmann, Président de l’APE à Strasbourg. Foto: Gervaise Thirion

L'eurodéputé français Robert Rochefort se bat pour une Europe unie. Foto: Fiona Goerg

L’eurodéputé français Robert Rochefort se bat pour une Europe unie. Foto: Fiona Goerg

 

1 Kommentar zu Brexit ou Bremain, dehors ou dedans, un problème assuré

  1. Les photos sont toutes de Fiona Goerg, l’assistante dePaul Clad à l’APE.

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