Bulgarie : le gouvernement mord

Contre-attaque diffamatoire contre le journalisme d’investigation

Le Premier ministre bulgare, Bojko Borissov, avec son ami le dictateur azerbaidjanais Ilham Aliyev... Foto: Presidential Press & Information Office of Azerbaidjan/Wikimédia Commons/CC-BY-SA 3.0Unp

(Marc Chaudeur) – La Bulgarie, 7 millions d’habitants, est entrée dans l’Union Européenne en 2007. L’aurait-on oublié ? En tout cas, il est dangereux là-bas de dévoiler quel degré de corruption les dirigeants ont atteint : l’animal vorace mord pour se défendre.

Vers le mois de mars 2019, le média d’investigation Bivol (https://bivol.bg/) a levé un gros lièvre dans ce pays troué de terriers. Ce qu’on a vite appelé l’Apartmentgate a mis en évidence une pratique de corruption et de favoritisme immobilier qui permettait aux membres du parti au pouvoir, le GERB, fondé en 2006 (et dont le nom signifie, on en goûtera la saveur : Citoyens pour le développement européen de la Bulgarie…) de s’attribuer des appartements pour un prix dérisoire, très éloigné du prix de vente normal. Les révélations des journalistes de Bivol ont conduit, de manière très inhabituelle, à la démission du ministre de la Justice et des chefs de la commission anti-corruption qu’il dirigeait. Le procureur général bulgare, Sotir Tzatsarov, avait déclaré vouloir ouvrir une instruction sur les principaux suspects.

Et les investigateurs de Bivol ont ainsi engendré un scandale assez fracassant dans ce pays en crise et dont les classes populaires et moyennes sont très endettées. Mais voilà que voici quelques semaines, ces em…deurs de Bivol montrent dans une investigation encore un peu plus fouillée que Tzatsarov lui-même serait impliqué dans une telle pratique de rachat immobilier à prix cassé !

Eh bien, depuis lors, le pouvoir contre-attaque. dans le journal TRUD proche du gouvernement, un article non signé prétend que les 2 journalistes Atanas Tchobanov et Assen Jordanov auraient eux mêmes acquis des biens immobiliers à des prix ridicules.

Comme le relate l’OCCRP (https://www.occrp.org/), excellent média partenaire de Bivol, Tchobanov, selon Trud, se serait approprié une maison de 100 m2 à la campagne pour… rien ! Le même scribouilleur anonyme accuse Jordanov d’avoir acquis, en 2015, un terrain boisé à la campagne d’une valeur de 4500 euros pour 60 euros seulement…

Or, on est loin de la réalité, selon l’OCCRP, et les « preuves » qu’exhibe Trud ne sont que de faux papiers. Tchobanov a montré aux médis indépendants le document de vente, d’un montant de plus de 4000 euros. Et ce qu’a acquis Jordanov, ce n’est comme le prétend un terrain boisé de grande valeur, mais un champ abandonné dans une région très isolée du pays, où il pratiquait l’élevage depuis les années 1980…

Mieux : les choses s compliquent depuis le 10 juin, puisqu’ un officier de police, Nikolaj Goranov, a appelé les 2 journalistes pour les informer qu’une enquête a été entreprise contre eux. Elle aurait été, selon le policier, diligentée contre eux par l’association BOETS, une ONG anti-corruption très estimable et active. Mais dans une déclaration publiée sur leur page web, les membres de BOETS ont formellement nié être à l’origine de l’enquête ! L’ONG a ensuite déposé plainte pour « usurpation d’identité ».

Le 10 juin, Tchobanov et Jordanov ont essayé d’en savoir plus sur l’enquête et sur leurs instigateurs et ont appelé notamment la porte-parole du Bureau de Procureur, Rumjana Arnaunova : bernique, aucune réponse…

Trois jours plus tard, les 2 journalistes ont été convoqués à la Direction générale de la Police nationale. Tchobanov était parti à l’étranger, craignant sans aucun doute à juste titre ce qu’il appelle ” une opération de vengeance et d’investigation “. Jordanov, lui, a subi un interrogatoire qui a duré environ 3 heures.

Nous devons absolument suivre l’évolution de ce genre de harcèlement étatique et judiciaire, et soutenir aussi loin que possible de telles personnes qui accomplissent une tâche absolument nécessaire, courageuse et inestimable. Il faut leur permettre de poursuivre leur excellent travail d’information et d’éclaircissement et éviter jusqu’au bout qu’ils puissent être inquiétés.

Dans TOUTE l’Europe et plus loin.

 

 

1 Kommentar zu Bulgarie : le gouvernement mord

  1. Jacques Holzscherer // 24. Juni 2019 um 2:50 // Antworten

    C’est très grave ! La corruption a encore de beau jour devant elle, en Bulgarie… et ailleurs ! Quand la sphère gouvernementale est aussi pourrie, comment peut-elle gouverner loyalement un pays ? Surtout un pays, dont la population est très pauvre.

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