¡Caga tió!

Le Tió de Nadal, personnage du légendaire noëlien espagnol, est au centre d’une tradition quelque peu scatologique...

La bouille souriante du Tió de Nadal, n’augure pas du sort qui lui est réservé. Foto: Slastic / Wikimedia Commons / PD

(Jean-Marc Claus) – Si d’une manière générale en Espagne, les enfants doivent, pour recevoir leurs cadeaux, attendre l’Épiphanie, fête conservée le 6 janvier dans les calendriers de la Péninsule Ibérique, en Catalogne ainsi qu’en Aragon le 24 ou 25 décembre, ils sont invités à un rituel des plus surprenants : « golpear el Tió de Nadal ». Mais qu’est donc cette Bûche de Noël qu’ils doivent dès le 8 décembre ramener à la maison, nourrir quotidiennement puis la veille ou le jour de Noël frapper à coups de bâtons et dans quel but ?

Selon la tradition arago-catalane, il s’agit d’une robuste souche (tió) soigneusement choisie, qui offre à la famille réunie la chaleur produite pas sa lente combustion dans l’âtre, de Noël à l’Épiphanie. Autant dire que ce devait être du lourd, car selon les pratiques, ses restes étaient ensuite exposés dans un endroit discret, servant alors d’amulette protégeant la maison, et ses cendres répandues dans les champs, les locaux abritant des bêtes mais aussi sous les lits en rituel de fécondité. Petite précision : en Aragon, le Tió de Nadal est appelé Tizón de Nadal et en Occitanie, car les Pyrénées ne sont pas infranchissables, Soc de Nadal.

A cela s’est ajouté, personne ne saurait vraiment dire quand, une autre tradition spécialement destinée aux enfants. Ainsi partent-ils le Jour de la Puríssima (Immaculée Conception – 8 décembre) à la recherche, dans les régions boisées pour ceux qui le peuvent, d’un gros morceau de bois qu’une fois rentrés à la maison, ils coiffent d’un bonnet rouge (bareretina) et lui dessinent une figure humaine. Lorsque l’accès à une forêt n’est pas possible, il y a toujours moyen de se procurer au préalable dans le commerce, une bûche qui, le moment venu, fera bien l’affaire.

Le mieux est de disposer d’un morceau de bois creux, car les enfants le nourrissent tous les soirs. Comme il n’est pas très difficile, il se contente d’épluchures de légumes, de pain rassis, de coquilles de noix et autres déchets alimentaires, mais ne répugne pas un peu de vin. Les enfants le protègent aussi des froideurs de la nuit avec une couverture de préférence de couleur rouge. On pourrait alors penser que nous sommes à l’opposé de la tradition initiale. Mais il n’en est rien, car le 24 ou le 25 décembre, selon les pratiques familiales ou locales, le Tió de Nadal restitue tout les bienfaits dont il a bénéficié durant plus de deux semaines.

Armés de bâtons, les enfants le frappent en scandant une chanson scatologique faisant office de formule magique :

Caga tió, tió de Nadal (Chie bûche, bûche de Noël)
No caguis arangades (Ne chie pas de harengs)
Que són massa salades (Qui sont trop salés)
Caga torróns (Chie des nougats)
Que són més bons (Qui sont meilleurs)

Les parents retirent alors la couverture et les enfants découvrent, à l’arrière du Tió de Nadal, douceurs et petits cadeaux qui leur permettront d’attendre l’arrivée des mages le 6 janvier, leur remettant alors de vrais et gros cadeaux de Noël. Dans certaines localités, le Tió de Nadal est collectif, rassemblant alors les enfants d’une commune ou d’un quartier. Pour les familles disposant d’une cheminée, il est ensuite brûlé, ce qui permet de revenir à la tradition initiale.

Quelle symbolique accorder au Tió de Nadal ? Peut-être que dans la vie, on n’obtient rien sans effort, et qu’il faut nourrir la terre pour qu’elle porte des fruits. Comme d’autres personnages du légendaire noëlien, le Tió de Nadal est doté d’une faculté particulière, lui permettant de savoir si les enfants ont été sages. Selon le degré atteint, ils ont plus ou moins de douceurs, d’où la nécessité de ne pas battre à mort le Tió de Nadal. Encore un possible lien avec la terre, dont la surexploitation et la maltraitance, sont à terme sources d’appauvrissement.

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste