Canicules marines : écosystèmes menacés

Les canicules marines entraînent des conséquences dramatiques pour les écosystèmes. Qu’en est-il en ce moment ?

Le bel aspect du réchauffement des Océans... qui risque de tourner en catastrophe. Foto: Alain NEGRONI / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Anthony Branstett) – Une eau à 25°C : c’est agréable pour nos vacances, surtout en été. Mais cette température n’est aucunement rassurante pour la planète. « Nous sommes enfermés dans une situation où, d’ici 2050, l’ensemble de l’océan mondial sera proche d’un état de canicule marine presque constant », alerte Robert Schlegel, chercheur à l’Institut de la Mer de Villefranche (IMEV). 

Le 27 juin 2022 a marqué l’ouverture du sommet sur les océans à Lisbonne. Emmanuel Macron s’y est rendu le 30 juin 2022. Dès le début, Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU, met le ton : il déclare « l’état d’urgence océanique ». Que s’est-il passé pour en arriver à ce point ? En premier lieu, le réchauffement climatique et en second lieu, l’apparition plus itérative des canicules marines, peu connues et peu médiatisées.

Actuellement, la mer Méditerranée est victime d’une chaleur exorbitante : « À l’exception de la mer d’Alboran (entre le Maroc et l’Espagne), toute la Méditerranée occidentale connaît une vague de chaleur marine depuis le 16 mai environ », détaille Robert Schlegel. « La température de surface de la mer (SST) s’élève à des pics à +5°C par rapport à la moyenne le long des côtes espagnoles, françaises et italiennes. »

Comment ces vagues de chaleur ont pu se produire ? En laissant les températures franchir un seuil extrême pendant plus de 5 jours consécutifs. Comment est défini ce seuil ? Par des enregistrements historiques des températures qui sont « basés sur une moyenne de 30 ans (par exemple, 1990-2020) et qui sont déterminés en lissant les températures quotidiennes moyennes sur ces années ». En science, cela représente la « climatologie » et permet de simuler la température moyenne attendue pour chaque jour de l’année.

En un siècle, 50% de jours de canicule marine en plus. - « Entre 1925 et 2016, le nombre de jours annuels de vagues de chaleur marines dans le monde a augmenté de plus de 50% », rapporte Carole Saout-Grit, physicienne océanographe. Grâce au climat actuel, les canicules océaniques ne durent qu’approximativement 15 jours en Méditerranée. Cependant, dans le pire scénario du GIEC, elles seront quatre mois plus longues et quatre fois plus intenses, selon une étude sur l’évolution des canicules océaniques en Méditerranée du CNRS.

Pour les scientifiques, l’unique scénario pour endiguer l’aggravation de ces canicules, serait de limiter le réchauffement à +1,5°C par rapport à 1990. Une étude de la revue scientifique « Nature Climate Change », il y aurait un lien direct entre l’amplification de ces vagues et le réchauffement à long terme des océans. Même si le réchauffement était contenu à +2°C, « la quasi-totalité des océans connaîtront des vagues de chaleur marines plus fréquentes et plus longues », poursuit Carole Saout-Grit.

Quelles en sont les conséquences ? - Des modifications capitales des écosystèmes. En 1999, 2003 et 2006, la Méditerranée était frappée par une canicule provoquant « de nombreux cas de mortalité massive d’espèces », déplore le Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Des canicules moins véhémentes occasionnent aussi des effets rebond colossales sur les écosystèmes. Sous l’impact des anomalies de chaleur, les coraux se couvrent d’un linceul blanc. Ainsi, les organismes stressés rejettent les micro-algues avec qui ils vivent en symbiose et blanchissent. Malheureusement, ce blanchissement les rend vulnérables, et « il est presque certain que la grande barrière de corail aura complètement disparu d’ici 10 à 20 ans », ajoute Robert Schlegel.

Une autre conséquence des canicules, non négligeable, est l’accélération de la migration des espèces vers les pôles où la température de l’eau est plus basse. « C’est un problème à l’équateur, qui pourrait (mais nous n’en sommes pas certains) devenir une zone morte, car il n’y aura pas d’organismes sur la planète capables de s’adapter aux températures élevées », continue le chercheur. Les espèces en incapacité de migrer sont vouées à mourir avec une telle augmentation des températures. En Arctique, les écosystèmes dépendant de la glace seront éradiqués avec la fonte de la glace de mer.

Si nous continuons sur la trajectoire actuelle d’ici 2050, « la plupart des océans du monde seront contraints de changer. Mais changer en quoi, c’est difficile à dire. » Le constat est alarmant, il est difficile d’être optimiste. Cependant, si nous maîtrisons nos émissions, il est possible que certains écosystèmes puissent survivre. Les scénarios d’une étude sur les projections marines au 21ème siècle, démontrent qu’une augmentation des températures à +2,5°C entraîneront la plupart des océans à connaître « des événements de catégorie 1 (modérée) et 2 (forte) », ce qui serait néfaste.

Si les les engagements adoptés lors de la COP26 étaient respectés, cette trajectoire pour « sauver » la Planète bleue est encore possible. Mais plus pour longtemps.

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