Cannes 2025, la mémoire du cinéma – István Szabó
Esther Heboyan présente l'une des vedettes du 7e art qui honorera la 78e édition du Festival de Cannes par sa présence – le réalisateur hongrois István Szabó.

(Cannes, Esther Heboyan) – István Szabó, un vétéran du cinéma hongrois s’étant forgé une réputation internationale, revient à Cannes dans la sélection « Cannes Classics » avec Sunshine réalisé en 1999 et dont les rôles principaux sont tenus par Ralph Fiennes.Comme chaque année, le Festival de Cannes se réserve l’exclusivité des films inédits, qui ne pourront être projetés dans les salles qu’après l’événement cannois.
Mais le Festival programme aussi des films anciens restaurés qui constituent la mémoire du cinéma et qui méritent d’être mis à l’honneur tels The Gold Rush/La Ruée vers l’or (1925) de Charles Chaplin, Des Jours et des Nuits dans la forêt/Aranyer Din Ratri (1970) de l’Indien Satyajit Ray ou À toute épreuve/Hard Boiled (1992) du Hong-Kongais John Woo. Ainsi, Cannes 2025 rendra hommage à István Szabó, en présence du réalisateur, du producteur Robert Lantos et de György Raduly, directeur de l’Institut National du Film Hongrois. Le site du Festival précise : « SUNSHINE retrace le destin de trois générations d’une famille juive hongroise, confrontée à l’antisémitisme, aux bouleversements de l’assimilation, au fascisme, à la guerre, au communisme puis à la révolution. Ralph Fiennes y incarne tour à tour un homme, son fils et son petit-fils, traversant un siècle d’histoire européenne. »
Szabó a été membre du Jury de la sélection officielle au Festival de Cannes en 1986.
Son court-métrage Toi, présenté à Cannes en 1963, a reçu la Mention spéciale du Jury. Toi est un hymne à la femme, belle, immobile, languissante comme dans les œuvres signées par de grands peintres, en mouvement dans les rues de la ville comme une citadine avisée, minaudant devant la caméra. On sent l’esthétique et l’insolence propres à la Nouvelle Vague dont Szabó se réclame sans détours. Quatre longs-métrages de Szabó ont concouru pour la Palme d’or : Contes de Budapest (Budapesti Mesek) en 1977 ; Mephisto en 1981, récompensé du Prix du scénario et du Prix de la Critique Internationale ; Colonel Redl (Redl Ezredes) qui s’est vu attribuer le Prix du Jury en 1985 ; Hanussen en 1988.
Szabó est un cinéaste politique qui pose un regard acerbe sur l’histoire de son pays et sur la complexité de la nature humaine. Un film d’amour (1970) conte une histoire banale d’amitié entre deux enfants habitant le même quartier, fréquentant la même école. Dans l’adolescence, cette amitié évoluera en histoire d’amour. La banalité de l’intrigue se joue à Budapest pendant la deuxième guerre mondiale, puis à l’ère de l’influence soviétique qui mène à la révolution de 1956. Voyageant vers la France pour rejoindre son amour de jeunesse, Jancsi (Andras Balint) se souvient des époques passées avec Kata (Judit Halasz), des moments tant euphoriques que traumatisantes. Les réminiscences surgissent pendant le voyage à bord du train reliant Budapest à Paris, mais de manière décousue, non-chronologique, parfois redondante, d’autres fois surprenante. Pour traduire le désordre de l’existence et celui des émotions qui laissent finalement les êtres face à eux-mêmes, les repères du passé et du présent disparaissent, tantôt métaphoriquement tantôt littéralement. Et le futur peine à se concrétiser entre vaine projection et réalité déjà vécue. Une profonde mélancolie engloutit ce film d’amour où les amoureux se cherchent, se trouvent, puis se perdent dans le monde réel des bruits et silences ou bien la diagonale des quais de gare. Un film d’amour, quelque peu moins épique, mais tout autant historique que Sunshine, aurait pu être sélectionné dans « Cannes Classics » de la 78ème édition.
L’hommage à István Szabó sera rendu le 16 mai dans le cadre de la célébration du centenaire de la Fédération Internationale de la Presse cinématographique qui avait récompensé, non pas Sunshine en 1999, mais Mephisto en 1981 (qui reçut aussi l’oscar du meilleur film étranger 1982). Mephisto, à ce jour, reste une œuvre très forte dans laquelle l’acteur autrichien Klaus Maria Brandauer est d’une prestance époustouflante. Il prête ses traits à Hendrik Höfgen, un acteur de théâtre névrosé, narcissique, passionné, enthousiaste, ambitieux, qui, après Hambourg, se fait connaître à Berlin, mais doit bientôt travailler sous le régime nazi. Compromissions, trahisons, frustrations vont égrener son quotidien jusqu’au piège fatal sous les projecteurs d’un stade qui feront dire au protagoniste face à la caméra : « Je ne suis qu’un acteur ».
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