Cannes, clap de fin : Elvis de Baz Luhrmann

Esther Heboyan vous présente l'un des films hors compétition ayant fait le plus fait parler de lui lors de la 75e édition du Festival de Cannes : Elvis, excès et urgences du biopic.

Elvis, une icone américaine. Foto: © 2022 Warner Bros. Entertainment Inc. All Rights Reserved/ / Festival de Cannes

EJ CANNES 2022 klein(Cannes, Esther Heboyan) – Elvis de l’Australien Baz Luhrmann a créé l’événement sur la Croisette, obligeant les malchanceux qui n’avaient pas pu obtenir une place pour la séance de 18h45 au Grand Théâtre Lumière à constituer des heures durant, une longue file d’attente autour du Palais des Festivals, dans l’espoir d’une place ou d’une chance dite « Last Minute ».

Imaginez le King du rock ‘n’ roll en images, du moins sous les traits lisses du talentueux et bel Austin Butler, et sa veuve Priscilla Presley en personne, star sur le tapis rouge et de la photocall, en tous cas plus star qu’Olivia DeJonge qui incarne l’icône dans sa phase « sois belle, aimante et discrète ». Il ne manque plus que Lisa Marie au tableau cannois. Justement, sa fille Riley Keough, donc la petite-fille d’Elvis et de Priscilla Presley, est venue présenter le film War Pony, co-réalisé avec Gina Gammell, dans la section Un Certain Regard – rien à voir avec « Elvis le Pelvis », juste une coïncidence de programmation. War Pony remportera la Caméra d’Or du premier film, tandis que Elvis, présenté hors compétition, donnera lieu à des critiques acerbes.

On le sait, Baz Luhrmann aime les projets grandioses. C’est le réalisateur de la démesure, un peu comme le Fellini des années 1970, mais utilisant la caméra, les couleurs, les décors, les mouvements, la composition de l’écran jusqu’au vertige. N’a-t-il pas modernisé, musicalisé Romeo et Juliette de Shakespeare ? N’a-t-il pas adapté Gatsby le Magnifique, défiant l’écriture métaphorique de F. Scott Fitzgerald ? N’a-t-il pas peint dans Moulin Rouge une fresque luxuriante de Paris au XIXème siècle? Ne s’est-il pas essayé au récit épique avec Australia ? Et donc pourquoi pas ce biopic d’Elvis Presley ? Après tout, Luhrmann aime la musique, le chant, la danse. Il avait commencé sa carrière avec Strictly Ballroom qui racontait des concours de danses de salon.

Elvis donne au cinéaste l’occasion non seulement de narrer la vie et la carrière du King mais aussi de s’intéresser aux racines de la musique américaine. Né à Tupelo dans le Mississippi, Elvis Presley grandit dans le plus grand dénuement. Après avoir déménagé à Memphis dans le Tennessee, il devient une figure de la scène musicale en enregistrant aux Sun Studios de Sam Phillips. Il est vite remarqué par le Colonel Tom Parker (Tom Hanks), un snowman, un bonimenteur de foire qui deviendra son manager, pour le meilleur jusqu’au pire. Dans le documentaire d’Ethan Coen (présenté à Cannes dans la section Séance Spéciale), Jerry Lee Lewis dit que Parker a traité Elvis « comme un singe en cage ». D’ailleurs, le biopic commence avec l’outrecuidant Tom Parker vivant ses dernières heures et qui se défend d’avoir tué Elvis Presley. Le film va démontrer le contraire, décrivant ses rapports difficiles avec Elvis le showman, la bête de scène. La dernière partie du film narre le déclin moral et physique d’Elvis, otage d’un contrat juteux à Las Vegas. Des photographies d’Elvis en jeune rockeur concluent le film sur une touche nostalgique.

Elvis n’est pas un biopic ordinaire. Même s’il comprend des séquences conventionnelles : influence de la musique gospel dès son très jeune âge, émotion engendrée par les enregistrements de Sister Rosetta Tharpe (Yola), fascination pour le héros de bande dessinée Captain Marvel Jr., tendresse pour sa mère Gladys (Helen Thomson), rencontre avec Priscilla, spectacles devant un public déchaîné, solitude du chanteur au sommet de sa carrière… Même s’il mentionne les traumatismes de l’Amérique : l’assassinat de Martin Luther King Jr. et celui de Robert Kennedy, les discriminations raciales soulignées par le personnage de B. B. King (Kelvin Harrison Jr.)… La vie de l’artiste est traitée comme une matière documentaire sans cesse secouée, assemblée par un kaléidoscope qui escamote tout attachement aux personnages.

En fait, Elvis Presley appartient à l’Amérique des années cinquante et soixante. L’époque de la naissance du rock en opposition au country que chantent Hank Snow (David Wenham) et son fils Jimmie Rodgers (Kodi Smit-McPhee). L’époque de l’effervescence sur Beale Street à Memphis, des clubs de blues et de jazz, de Tutti Frutti par Little Richard (Alton Mason)… Elvis n’appartient ni aux spectateurs ni aux critiques. D’ailleurs, Luhrmann dira que peu lui importe l’avis des critiques de cinéma, du moment que Priscilla Presley a été bouleversée par le biopic.

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