Carnaval : quand les masques tombent !

Au vu du comportement du monde politique pendant le carnaval en Allemagne, ce n’est peut-être pas plus mal que les festivités soient terminées…

L'humour pendant le carnaval allemand est d'un niveau... Foto: © Raimond Spekking CC BY-SA 4.0 (via Wikimedia Commons)

(Par Alain Howiller) – La polémique sans doute n’est pas neuve, mais elle n’a jamais été aussi vive que cette année : elle n’a peut-être jamais non plus été aussi révélatrice, aussi « psychanalytique » sur l’état d’une société, qu’en cette année 2019 !… Maintenant que la période de carnaval est passée et qu’on réfléchit sur les cendres de ce qui fut, il n’est pas inutile de faire le point. Tout est parti de deux interventions de soirée carnavalesque : deux « büttenreden » musclées ! L’auteur de l’un des sketches incriminés est du à l’humoriste-chanteur-acteur-compositeur-auteur d’entre Bonn et Cologne : Bernd Stelter.

Ce dernier s’est fendu – on l’a connu mieux inspiré !- d’un couplet ironique sur le nom d’Annette Kramp-Karrenbauer. L’autre texte, d’un rare cynisme, a été lu par cette dernière qui se moquait de l’apparition d’une nouvelle sorte de toilettes : des WC « transgenre » réservés « à ceux qui ne savent pas s’ils doivent faire pipi debout ou assis ! » Ces deux interventions ont fait le « buzz » sur les réseaux sociaux relayés par les médias. Des associations LGBT ont réclamé des excuses de la nouvelle présidente de la CDU, peut-être future chancelière d’Allemagne. Une sorte de cyclone est née que personne n’a été tenté de qualifier de « tempête dans un verre d’eau ! »

Quand on dit… Sieg Heil ! – On aurait aussi pu s’étonner du fait que personne ne se soit… étonné de ce sketch dont l’auteur a associé une série de mots (ex. : blanc/noir, droite/gauche etc…) pour finir par « Sieg… » : que la salle sans complexe ni hésitation a fait suivre d’un « Heil !… » Les lanceurs de « Sieg Heil », de sinistre mémoire, un peu gênés, ont eu beau esquissé un rire qui voulait dédramatiser, mais comme disait un autre humoriste « ce qui est dit, est dit ! » Ces dérapages sont d’autant plus regrettables que dans la plupart des soirées carnavalesques, on a souvent découvert des interventions favorables à l’immigration et fustigeant l’AfD et ses thèses. En Allemagne, comme cela a déjà été le cas en France depuis des années, on s’interroge de plus en plus sur ce qu’on peut encore passer ou non au nom de l’humour, fût-il de carnaval. De ce côté-ci du Rhin, on s’interroge si des humoristes comme Desproges, Thierry le Luron, Coluche ou Jaques Martin auraient encore, aujourd’hui, accès au public avec les propos qu’ils ont tenu naguère.

Outre-Rhin, le débat est, une nouvelle fois : « Peut-on, doit-on tout pouvoir dire ? ». Surtout pendant le Carnaval, dont les racines plongent jusqu’aux « Lupercales » des Romains ou aux « Dionysiaques » des Grecs. A vrai dire, si on sait toujours quand commence la censure (surtout l’autocensure), on ne sait que très rarement quand elle… s’arrête ! Il n’empêche qu’on peut s’interroger sur l’adaptation des vieilles recettes de carnaval à l’évolution de nos sociétés.

Le sexisme en marche ! – On continue de se moquer des curés, des « homos », des « alcolos » plus ou moins sympathiques, des « cocus », etc… « En Allemagne, le sexisme tombe le masque », avait titré à ce propos le quotidien Libération (du 4 Mars), en relevant les interrogations qui entourent les manifestations carnavalesques qui semblent être en décalage avec les évolutions de la société, sauf lorsqu’elles s’attaquent aux… hommes et femmes politiques. Ces formes d’exutoires (parfois salutaires, il faut le dire !) sont-elles liées à l’âge de la plupart des intervenants ? Au fait que les comités organisateurs sont très majoritairement composés d’hommes ?

Le carnaval est peut-être un exutoire : il est aussi une sorte de « révélateur » des fractures sociétales qu’on supporte, voire tolère durant le reste de l’année. Si ce n’est certes pas un antidote ou un somnifère, il faut cependant accepter l’adage de l’humoriste Pierre Desproges qui disait : « On peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui », il convient de compléter avec cette amère citation de Patrick Timsit qui rappelait, après avoir été l’auteur d’un sketch douteux sur les handicapés : « On peut rire de tout, mais pas n’importe comment ! »

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