Ce bilinguisme ne doit pas être tenu pour acquis

Jeune maman de trois enfants et totalement bilingue, Anne, qui connaît la Section Internationale Allemande à plus d’un titre, en parle d’expérience...

Les enfants apprennent souvent en s’amusant. Foto: privée

(Jean-Marc Claus) – Les menaces pesant sur la Section Internationale Allemande à Strasbourg n’étant pas à cette heure totalement écartées, avant de faire très prochainement le point sur la situation avec Me Alice Canet, nous donnons aujourd’hui la parole à Anne, qui a aimablement accepté d’être interviewée. Enseignante bilingue à Strasbourg, elle est la maman de trois enfants, issus d’un couple franco-allemand, dont l’aîné est actuellement scolarisé en maternelle à la Section Internationale Allemande. Interview.

Quel serait l’impact, sur vos enfants, de la fermeture effective de la Section Internationale Allemande dans le premier degré de la maternelle au CM2) ?

Anne : Mes enfants grandissent dans une famille franco-allemande, avec les deux langues. Or, ce bilinguisme ne doit pas être tenu pour acquis : il faut le travailler, l’entretenir. Sans la Section Internationale, ils risquent de baigner dans un univers uniquement francophone en dehors de la maison, ce qui ne serait pas suffisant pour qu’ils acquièrent un bon niveau de langue en allemand.

Je ne voudrais pas que leur apprentissage de l’allemand ne provienne que des échanges intrafamiliaux. À l’école, dès la maternelle, l’enseignant.e diversifie les situations de communication et s’exprime avec un langage de qualité, ce qu’on ne fait pas forcément dans la vie quotidienne. Et j’aimerais évidemment que mes enfants apprennent à lire et à écrire en allemand.

Par rapport à une section bilingue, qu’a de plus une Section Internationale ?

Anne : Ce ne sont pas les mêmes types d’enseignements. Dans le bilingue, la majorité des élèves proviennent de familles francophones et sont donc débutants en allemand quand ils y entrent. Les premières années, on y apprend donc les bases de la langue. En outre, l’enseignant.e adapte son niveau de langue aux enfants et simplifie ses phrases pour se faire comprendre.

La Section Internationale regroupe des enfants parlant déjà l’allemand. L’enseignant.e va donc construire des phrases plus riches, choisir des livres et contenus plus élaborés. De plus, les enseignant.e.s y sont des locuteurs natifs, qui proviennent du pays : on trouve des traits culturels authentiques en classe, comme par exemple la manière allemande de tracer les lettres, qui est légèrement différente du style français.

Un autre point crucial est qu’en Section Internationale, les enfants peuvent parler allemand entre eux. Or, ils apprennent beaucoup entre pairs ! La langue s’immisce dans leurs jeux, dans leurs relations, ce qui est très précieux. C’est surtout chez les jeunes enfants que la différence entre les classes bilingues et la Section Internationale est importante. En effet, avec le temps, les élèves francophones des classes bilingues progressent et la différence de niveau des élèves tend à s’estomper. C’est pour cela qu’à mon sens, c’est surtout dans le premier degré que nous avons besoin des Sections Internationales.

Votre conjoint allemand n’ayant pas une maîtrise suffisante du français, quelles conséquences aurait sur votre dynamique familiale, un apprentissage insuffisant de l’allemand par vos enfants ?

Anne : Comme mes enfants grandissent en France, ils maîtriseront mieux le français que l’allemand plus tard ; l’objectif pour moi est qu’ils parviennent à s’exprimer de manière fluide, sans chercher leurs mots. Sinon, ils pourraient rencontrer des difficultés de communication avec leur père et une partie importante de notre famille.

Vous qui avez suivi cette filière durant votre scolarité, qu’en avez-vous tiré comme expériences et bénéfices ?

Anne: Personnellement, j’ai adoré l’aspect multiculturel de cette école. Le fait d’être entourée d’enfants parlant différentes langues européennes, a ouvert ma curiosité sur ces pays. J’écoutais les différents accents et essayais de les imiter, ce qui a certainement facilité l’apprentissage ultérieur de l’anglais et de l’italien.

À l’école primaire, on chantait la chanson « joyeux anniversaire » en quatre langues lorsque l’occasion se présentait, et au collège, on s’amusait en récréation à apprendre des gros mots en espagnol ou en italien… Ce sont des détails qui ont toute leur importance, car cela stimule l’envie des enfants d’apprendre d’autres langues.

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