Ce qui s’est produit à Pedrógão Grande se reproduira…
Ces paroles de Tiago Oliveira, président de l’agence chargée de la prévention et de la gestion des incendies ruraux au Portugal, sont inquiétantes, mais...
(Jean-Marc Claus) – Selon Tiago Oliveira, le président de l’Agência de Gestão Integrada de Fogos Rurais (AGIF) chargée de la prévention et de la gestion des incendies ruraux, l’a dit courant juin : « Ce qui s’est produit à Pedrógão Grande se reproduira. Nous ne savons tout simplement pas quand. ». Il faisait référence à ce gigantesque incendie de forêt d’origine accidentelle qui, du 17 au 22 juin 2017, au centre du pays, a brûlé 24.000 hectares de végétation, mais surtout causé à Pedrógão Grande, la mort de 65 personnes, dont 47 piégées sur la route nationale 236 par le feu qu’ils fuyaient, et fait 254 blessés, dont 13 pompiers et 1 gendarme.
Un drame national qui a abouti à un procès sans précédent, dont le verdict est attendu en septembre. Au nombre des accusés d’homicide par négligence, figurent des élus locaux en responsabilité à l’époque des faits, une entreprise chargée de l’entretien de la route nationale 236, plusieurs employés d’une société de distribution électrique, le commandant des pompiers de la commune. Un drame dont la répétition à Pedrógão Grande n’est pas exclue, d’après Dina Duarte, la présidente de l’association des victimes, car rien n’a vraiment changé.
Selon Tiago Oliveira, entendu par une commission de l’Assemblée de la République, peu importe le nombre de moyens aériens et terrestres dont on dispose pour combattre le feu, la solution au problème résidera toujours dans l’amélioration des conditions économiques des propriétaires. Ce qui peut paraître une déclaration d’amour au capitalisme, mais procède en fait d’un raisonnement très pragmatique, car 85% des incendies se déclarent dans un rayon de 500 mètres autour d’un village ou d’une route et que plus de 60% sont le résultat d’un brûlage traditionnel ou de l’activité humaine.
L’analyse faite par le responsable de l’agence créée en 2017, suite au drame de Pedrógão Grande, est très claire et il appelle à « une mobilisation sociale, sans querelles, sans agendas privés ou corporatistes ». A la priorité immédiate consistant à prévenir les incendies et à lutter contre ceux se déclarant, se superpose comme le rapporte l’agence de presse Lusa, la nécessité de débatte au Parlement de plusieurs points, dont : le régime des successions et l’épargne forestière crée en 1996, mais jamais réglementée.
Il faut savoir qu’au Portugal, seulement 15% des forêts relèvent du domaine public, contre 25% en France et que les lobbies de l’industrie de la pâte à papier, ont favorisé le développement de plantations d’eucalyptus hautement inflammables au détriment des chênes lièges résistant aux incendies. Ce dernier point étant au début des années 2000, l’œuvre du gouvernement du très caméléon José Manuel Durão Barroso dont l’ancien président du Parlement Européen Martin Schultz disait : « Quand il parle aux socialistes, il est socialiste. Quand il parle aux libéraux, il est libéral. Il dit aux gens ce qu’ils veulent entendre. ».
Actuellement, sur les 11 millions de propriétés forestières rurales, 30% sont des héritages indivis. Ce qui n’en facilite pas la gestion écologiquement responsable, sachant qu’il est alors plus facile de s’en remettre à une multinationale de la pâte à papier à qui on va louer la parcelle ou alors que personne ne s’occupera du site laissé sans entretien. Quant aux grandes propriétés, la surface en augmentant le gain, l’attrait du bénéfice à court terme prévaut sur tout le reste.
En 2021, le Portugal a investi 316 millions d’euros dans la gestion des risques d’incendie en milieu rural, répartis en 46% pour la prévention et 54% pour la lutte. C’est 9% de plus que l’année précédente et le résultat s’est soldé par une réduction du nombre d’incendies de 15% et une diminution de 38% des incendies volontaires. Mais il faut que les propriétaires s’engagent à mieux gérer et entretenir leur patrimoine forestier. Ce à quoi une politique fiscale peut efficacement contribuer.
Selon l’AGIF, 56% des incendies ruraux sont causés par des feux destinés à l’élimination des surplus agricoles et au renouvellement des pâturages. Des pratiques d’un autre temps, pouvant disparaître si on s’applique à faire changer les mentalités. Les pouvoirs publics s’y attellent, même si cela ne va pas assez vite pour les riverains, mais réparer les dégâts causés par le libéralisme économique et faire machine arrière, ne peut se réaliser sans étapes.
Le Président de la République Marcelo Rebelo de Sousa et le Premier Ministre António Luís Santos da Costa agissent de concert à ce sujet, bien qu’issus de partis politiques différents. Une fois de plus, la Péninsule Ibérique donne l’exemple, mais d’autres démocraties européennes préfèrent regarder ailleurs…
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