Ce qu’on ne vous a pas dit sur le 14 Juillet…

Alain Howiller revient sur un 14 Juillet qui aura duré plus longtemps que d'habitude...

Les 14 et 15 Juillet passés, il reste beaucoup de travail à faire... Foto: NicolasPamart261079 / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Par Alain Howiller) – Rare -mais heureuse- conjonction de deux évènements qui ont amenés des dizaines de milliers de Français dans la rue : ceux qui, le 14 Juillet sont « allés fêter, voir et complimenter l’armée française »(1) qui défilait sur les Champs Elysées et ceux qui, le lendemain, se sont retrouvés en masse, sur les mêmes lieux, pour fêter la victoire pacifique de l’équipe de France de football au « mondial » de Moscou. Les premiers ont sacrifié à ce qui appartient depuis si longtemps au « patrimoine d’une France laïque et républicaine »(2), les seconds se sont retrouvés autour de ce qu’ils espèrent être devenus… une tradition : la victoire aux championnats du monde de football !

Pour les premiers, encore, leur présence sur les « Champs » illustre ce qu’un sondage « Odoxa » pour Le Figaro a mis en évidence : 87% des Français ont une bonne opinion globale des militaires et 90% leur font confiance. Ce qui explique aussi l’extraordinaire affluence du 14 Juillet et met en relief ce qu’un autre sondage (de 2013 par CSA) démontre : seuls 29% des Français étaient favorables à l’abandon d’un défilé militaire que la France est l’un des rares pays à encore offrir aux citoyens ! Quant aux seconds : ils sauront dans quatre  ans, à l’issue de la coupe du monde de football organisée au Qatar (!), si une nouvelle tradition est née ! En tous les cas, la conjonction des deux évènements de ce week-end illustre une ferveur qui, fort heureusement, sait ne pas se contenter d’être… belliqueuse !

14 Juillet, la « Fête de la Fédération ! » – Bonne occasion aussi pour se souvenir que si la fête du 14 Juillet est devenue, au fil du temps, une tradition militaire plus qu’un cérémonial illustrant l’unité nationale, cette dernière n’est jamais absente même si au départ la « fête nationale » avait été, dès 1790, un an après la prise de la Bastille et l’amorce de la Révolution Française, une sorte d’hommage rendu à… la diversité de la France ! Au moment où le gouvernement a mis en place un statut particulier pour la Corse et alors qu’il réfléchit (du moins on l’espère après la remise au Premier Ministre du rapport du Préfet de Région Jean -Luc Marx)(3) sur l’avenir institutionnel de l’Alsace, il n’est pas inutile de rappeler que le nom de baptême de la manifestation de 1790 était « Fête de la Fédération  » ! Pas moins de 22.000 délégués des régions avaient alors été envoyés à Paris.

Cet aspect « fédératif » avait tout particulièrement été souligné le 14 Juillet 2000 lorsque, à l’invitation du Président du Sénat (alors Christian Poncelet), quelques 16.000 représentants des collectivités locales s’étaient retrouvés dans les jardins du Palais du Luxembourg, à quelques centaines de mètres du Palais de l’Elysée, revendiquaient la mise en place d’un véritable pouvoir régional. C’était dans la foulée du « Plan Jospin » (alors Premier Ministre) pour la Corse approuvé par l’assemblée de ce qu’on appelle « l’île de beauté » ! C’était aussi au moment où les pouvoirs publics envisageaient une suppression du Sénat que le chef du gouvernement qualifiait « d’anomalie parmi les démocraties » !(3)

S’ensuivit un combat pour la survie du Sénat et pour une relance d’un pouvoir régional auquel le gouvernement transfèrerait autre chose que des charges nouvelles tout en le dotant de nouveaux pouvoirs de décision. Le Sénat a survécu, mais le transfert des charges a bel et bien continué sans être accompagné de l’autorité nécessaire. La « décentralisation » poursuivait sa dérive vers plus de charges et moins d’autonomie pour les collectivités. Il est intéressant de noter que, 18 ans après la manifestation dans les jardins du Sénat, le14 Juillet de cette année s’est inscrit dans une belle continuité ! Une réforme constitutionnelle prévoit une réforme (en débat) des deux assemblées législatives, avec notamment une diminution du nombre d’élus !…

Quand les élus locaux boycottent le Premier Ministre. – En ce 12 Juillet, trois des principales associations d’élus locaux (l’Association des Maires de France (AMF), l’Assemblée des départements de France (ADF) et l’Assemblée des Régions de France) ne sont pas venues assister à la Conférence Nationale des Territoires (CNT) installée un an plutôt par Emmanuel Macron, en personne. Le CNT devait préparer et engager selon les propos du président de la République « un pacte de confiance entre l’Etat et les territoires » ! Le Premier Ministre Edouard Philippe, qui n’avait pas hésité à qualifier les trois associations de « syndicats des élus », devait intervenir lors de la réunion du CNT pour préciser la politique (très critiquée) du gouvernement envers les territoires.

Les représentants des trois associations ne seront donc pas présents lors de l’intervention du chef du gouvernement confirmant ainsi le divorce qui menace de s’installer entre l’Etat et les collectivités. Au cœur du problème : l’insuffisance des pouvoirs reconnues aux collectivités, l’absence de volonté de relance de la politique de décentralisation, les mesures d’encadrer les dépenses des collectivités avec notamment la mise en place de contrats Etat/Collectivités qui lient les subventions de l’Etat à l’engagement des partenaires locaux de respecter une limitation des dépenses, la refonte de la fiscalité locale !

Une France forte de ses régions ? – Certes le « divorce » est aussi lié au fait que les collectivités sont assez largement dominés par des élus appartenant à l’opposition : il n’empêche que l’approche par les pouvoirs publics des institutions locales et régionales fait débat. Au point que le personnel des Chambres de Commerce et d’Industrie (CCI) a débrayé parce que le Ministère des Finances avait décidé de limiter les moyens mis à la disposition des compagnies consulaires. Les imprécisions qui pèsent sur les compétences des nouvelles régions, des départements, des communautés de communes, des métropoles urbaines -difficultés héritées de la réforme des régions décidées par François Hollande- posent également des problèmes.

On est à la fois proche et… loin des intentions déjà définies en… 1790 dans le cadre d’un 14 Juillet qui se voulait fédérateur. Ancien Président de la Région Alsace alors qu’elle n’avait pas encore été intégrée dans ce qu’on appelle le « Grand Est », Adrien Zeller avait écrit… en 2002(4) : « La décentralisation ce n’est pas le démembrement de l’Etat, c’est sa réforme… Elle contribue… à réconcilier les citoyens avec un exercice plus immédiat de la politique, plus concret, plus proche de la démocratie…. La décentralisation ce n’est pas du fédéralisme… » 16 ans après ce propos, on a l’impression que le message peine toujours à passer !

(1) Extrait d’une célèbre chanson du 14 Juillet 1886 intitulée : « En revenant de la Revue ». Elle avait été créée par le chansonnier Paulus, propriétaire notamment du… Ba-Ta-Clan !

(2) Cité par « Mediapart.fr ».

(3) Voir « Entre le Coq et l’Aigle – Géopolitique du Rhin » – La Nuée Bleue Editeur – Octobre 2000.

(4) « La France enfin forte de ses régions – Glossaire engagé de la décentralisation », par Adrien Zeller, Gualino Editeur – Février 2002.

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