Ces paroles doivent maintenant être suivies d’actes

Bilan à un mois du début de la mobilisation citoyenne en faveur du maintien de la Section Internationale Allemand à Strasbourg.

Me Alice Canet en visioconférence. Foto: privée

(Jean-Marc Claus) – A maintenant un peu plus d’un mois de notre première publication sur la mobilisation citoyenne en faveur du maintien de la Section Internationale Allemand à Strasbourg, nous faisons le point avec Me Alice Canet, initiatrice de la pétition réunissant actuellement plus de 2.800 signatures. Formant avec son conjoint un couple franco-allemand dont sont issues deux filles, elle cultive au sein de sa cellule familiale une double appartenance, source d’enrichissement pour chacun de ses membres.

Pensiez-vous, en lançant la pétition pour le maintien de la Section Internationale Allemand à Strasbourg, qu’elle connaîtrait un tel succès ?

Alice Canet : Très honnêtement, oui. J’étais convaincue qu’il serait possible de sauver la Section Internationale Allemand, en tout cas dans l’immédiat, parce que cette section permet de vivre concrètement l’Amitié Franco-Allemande, la Fraternité, l’enrichissement par la mixité internationale, dans une ville européenne par essence qui a besoin de cela. En revanche, je ne pensais pas que nous aurions des soutiens politiques aussi nets et directs, comme cela fut le cas avec Monsieur le Député et Vice-Président de l’Assemblée Nationale Sylvain Waserman.

Vous avez obtenu des avancées, mais aussi eu quelques sueurs froides. Quels sont les points positifs que vous retenez à cette heure ?

AC : Le maintien annoncé du statu quo dans l’immédiat, et l’annonce d’une intention de concertation par le Rectorat. Ces paroles doivent maintenant être suivies d’actes. Jusqu’au 2 mars, la Section Internationale n’apparaissait pas sur le site de l’Académie de Strasbourg, et nous, parents ayant lancé la mobilisation, sommes enfin conviés à une réunion avec le Rectorat qui aura lieu le 8 mars. Par ailleurs, la seule réunion de prévue avec les associations de parents d’élèves doit avoir lieu fin avril, sans ordre du jour, ni présentation des options ouvertes, ni communication des éléments d’analyse ayant initialement justifié la fermeture de la section internationale… Dans ces conditions, j’ai besoin de voir des preuves de l’intention du Rectorat de permettre une réflexion large et constructive à un système efficace d’enseignement de l’allemand, de la maternelle à la terminale, pour tous les enfants francophones, germanophones et bilingues.

Beaucoup de parents d’élèves se sont mobilisés et se mobilisent encore. Sans la priver pour autant de sa spontanéité, comment structurez-vous cette mobilisation ?

AC : Pour le moment, en grande partie par groupes WhatsApp, par mails, par visioconférences, et par les intermédiaires des associations qui proposent une nouvelle réunion pour les parents d’élèves le 18 mars. Nous envisageons également à ce stade plusieurs options, qui peuvent se cumuler et ne sont pas exhaustives : créer un sous-groupe dans une association de parents d’élèves déjà existante, créer une association franco-allemande supplémentaire…

Quelles sont actuellement les tendances qui se dégagent et les propositions qui émergent de vos échanges ?

AC : Il y a un vrai mouvement de fond, un vrai élan contributif pour la réalisation d’un grand état des lieux et la co-construction d’une solution pour l’enseignement de l’allemand. Monsieur le Vice-Président Waserman a annoncé l’organisation d’Assises de l’Enseignement de l’Allemand par le Rectorat de Strasbourg à l’automne 2022, mais cela n’a pas été repris à ce jour par le Cabinet de la Rectrice. Nous souhaitons les organiser nous-mêmes, si cela n’est pas fait par le Rectorat. Nous multiplions déjà les contacts, pour avoir un panorama le plus complet possible sur ce qui existe et ce qui pourrait exister, de la maternelle à la terminale, pour des enfants francophones et/ou germanophones natifs, avec des enseignants francophones ou bilingues ou Allemands formés à la pédagogie allemande :

- Auprès de chercheurs en sciences de l’enseignement des langues, pour acquérir une vraie connaissance scientifique sur le sujet.
- Auprès d’enseignants et directeurs d’écoles, de différents niveaux et différents types en France et en Allemagne, pour bénéficier des retours d’expérience de ce qui se fait déjà et des contraintes techniques concrètes.
- Auprès de parents d’élèves scolarisés en classes LV1 allemand, bilingues « lambda », en immersion réciproque, en section internationale, en France et en Allemagne, pour connaître leurs attentes, les raisons de ces attentes (élitisme / volonté d’éviter la carte scolaire principalement, ou vrai intérêt pour la connaissance de l’allemand ?) et leur niveau de satisfaction.

Nous souhaitons réussir à nous faire une opinion qualifiée pour savoir ce qui est vraiment mieux pour nos enfants germanophones, et qui bénéficie bien sûr également aux enfants non germanophones. C’est pour cela que nous sollicitons :

- des juristes, pour comprendre les différences de cadre juridique entre section internationale / classe bilingue « lambda » ou renforcée, ou d’immersion réciproque, du Lycée franco-allemand, et éventuellement utiliser les voies de droit disponibles.
- des politiques, pour comprendre les motivations/contraintes derrière les décisions et influer pour obtenir un enseignement de l’allemand excellent et au mieux adapté pour tous.
- des médias, pour avoir un relai visible de tous.
- des autres parents et le grand public, pour maintenir la mobilisation et célébrer tant que nous le pouvons encore, l’Amitié franco-allemande.

Aujourd’hui plus que jamais, il faut nourrir et célébrer les envies de paix et de fraternité transnationale. Nous envisageons pour cela d’organiser des goûters festifs réguliers devant l’école, ou ailleurs (Rectorat, Inspection Académique, par exemple). Ce qui est certain, c’est qu’il y a une envie énorme de contribuer à permettre un enseignement de qualité de l’allemand, à Strasbourg et au-delà, et que cela n’est pas prêt de s’arrêter !

Quels sont vos soutiens et de quoi avez-vous besoin ?

AC : Nos soutiens sont en premier lieu les parents d’enfants scolarisés en section internationale allemand, ou dans d’autres sections internationales à Strasbourg qui craignent légitimement que leurs sections aussi soient prochainement supprimées. Ce sont aussi toutes les personnes attachées à l’enseignement de l’allemand en France, notamment celles ayant signé la pétition contre la disparition réelle des possibilités d’apprentissage de l’allemand au collège-lycée : Ce sont également les politiques, comme Madame le Maire de Strasbourg et la Collectivité Européenne d’Alsace, qui ont écrit directement à Madame la Rectrice. Messieurs les Députés Studer et Waserman nous ont contactés directement et à plusieurs reprises, pour nous écouter et annoncer le maintien et la volonté de concertation : cela nous donne l’impression que ce dossier est suivi depuis Paris. Mais d’une curieuse manière, puisque comme je le disais, pour le moment les paroles ne sont pas suivies des actes concrets qu’elles impliqueraient pourtant…

Notre combat pour l’Amitié Franco-Allemande du quotidien, a également été à la suite d’Eurojournalist(e), relayé par de nombreux médias. Au passage, nous vous remercions encore pour votre intérêt toujours présent pour nos actions ! Nous souhaitons maintenant que les responsables politiques liés au franco-allemand, en particulier la Collectivité Européenne d’Alsace, mais aussi l’Assemblée Parlementaire Franco-Allemande, et aussi les institutions politiques allemandes, s’engagent visiblement. Je ne le dirai jamais assez : nous partageons le même objectif de contribuer à créer une solution innovante, et surtout vraiment efficace pour l’enseignement de l’allemand, pour les germanophones et pour les francophones ! Unissons nos forces, politiques et citoyennes pour cela !

Au-delà de l’apprentissage d’un vocabulaire et d’une grammaire, la section internationale permet d’apprendre à connaître, comprendre et vivre deux cultures et la vraie amitié franco-allemande. C’est exactement cela que nous voulons préserver. C’est une richesse infinie et tellement précieuse en ces temps de guerre… Or, pour cet apprentissage de la biculturalité, nous sommes actuellement persuadés qu’il faut :

- 1. commencer dès le plus jeune âge, c’est-à-dire dès la maternelle.
- 2. un groupe suffisamment important d’enfants germanophones réunis.
- 3. des pédagogues, français et allemands, formés à cet enseignement biculturel.

Ce qui est le cas avec la section internationale. Cela pourrait éventuellement l’être également avec une école franco-allemande, sur le modèle de celles existant à Freiburg en Allemagne et à Buc en France, en y intégrant également les classes maternelles.

Nous avons besoin d’éléments d’information et de compréhension. À ce jour, nous ne savons toujours pas ce qui a conduit à la décision de suppression de la Section Internationale Allemand. Sur quels éléments d’évaluation de la politique de l’enseignement de l’allemand ? Et concrètement : qui recrute et rémunère les enseignants en section internationale ? Dans le lycée franco-allemand ? Est-ce que cela coûte vraiment plus cher ? Pourquoi et pour qui ? Tout cela par exemple, nous ne le savons toujours pas, malgré nos demandes réitérées au Rectorat. J’ai fait une demande d’accès aux actes administratifs sur lesquels la décision de suppression doit se baser, pour le moment sans résultat. Strasbourg jouit d’une situation géographique, politique et sociologique particulière. S’il ne doit y avoir qu’une ville en France dans laquelle l’enseignement de l’allemand fonctionne, ce doit être Strasbourg. L’enseignement bilingue ne fonctionne actuellement pas, l’enseignement en section internationale oui. Changer l’enseignement bilingue est à l’évidence nécessaire, mais pas en sacrifiant la section internationale.

Merci, Me Canet pour vos réponses à nos questions.

Pour accéder à la pétition, qui a toujours besoin de signatures, veuillez cliquer ici.

D’autres articles seront consacrés à ce sujet dans Eurojournalist(e), qui suit de près cette affaire depuis le début.

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