C’est quoi, le « mode de vie européen ? »

Une des nouvelle délégations de la Commission Européenne, cette étrange institution bruxelloise, s'intitule « Protection du mode de vie européen ». Derrière ce titre se cache la version européenne de la « Homeland Security » américaine.

Voilà la seule vision partagée par les 27 (28) - transformer l'Europe en une forteresse - pour protéger un imaginaire "European Way of Life". De mal en pis... Foto: Tony Webster / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(KL) – L’Union Européenne, sous la direction de sa nouvelle présidente Ursula von der Leyen, suit l’exemple américain et s’éloigne, de ce fait, de plus en plus de ses citoyens et citoyennes. Après les attentats du 11 septembre 2001, l’administration de George W. Bush avait créé un super-ministère « Homeland Security » doté de budgets et de pouvoir hors norme dont la mission consistait à tenir éloigné des Etats-Unis tout danger venant de l’étranger. On retrouve le même esprit dans la nouvelle délégation de la Commission Européenne, dirigée par le commissaire grec Margaritis Schinis, intitulé « Protection du mode de vie européen ». Si ce titre pourrait encore faire sourire, il convient de regarder ce que ce commissariat fera réellement.

La désignation anglaise est encore pire – « Protecting our European Way of Life » – comme si les 500 millions d’Européens et Européennes avaient un mode de vie commun. Déjà à l’intérieur des 28 Etats membres (oui, nous sommes encore 28, autant en profiter…), il existe différents modes de vie. Cette diversité n’est pas un problème, au contraire, elle fait la richesse de notre continent. Mais comment alors protéger un « mode de vie européen » qui n’existe pas ? Un regard sur les responsabilités de ce nouveau commissariat donne un début de réponse.

Sous la responsabilité de ce commissariat tombent les sujets « Migration », « Emploi » « Education » et « Sécurité ». Le « mode de vie européen » se résume donc à cela : une lutte commune contre la migration, l’engagement pour les grandes structures économiques européennes, une politique sécuritaire intérieure et extérieure et aussi, heureusement,l’éducation. Le message est clair, et Viktor Orban n’aurait pas pu mieux le formuler : « La migration constitue une menace pour notre sécurité, notre emploi, et notre « éducation ». Voilà les valeurs européennes millésime 2019, l’adoubement européen de tous les mouvements identitaires, xénophobes et de l’extrême-droite.

Le 26 Mai dernier, lorsque nous étions appelés aux urnes pour élire le Parlement Européen et soi-disant, le nouveau président de la Commission Européenne (l’un ou l’autre se souvient peut-être que nous avions alors le choix entre le Bavarois Manfred Weber et le Néerlandais Frans Timmermans, avant que quelqu’un à Bruxelles avait décidé que ce serait Ursula von der Leyen), personne n’avait alors parlé d’un commissariat européen de la xénophobie. Ce commissariat sera donc chargé de mettre en œuvre les systèmes de surveillance au niveau européen, il continuera la guerre européenne contre les migrants (qu’on nous vend comme la « guerre contre les passeurs », malgré le fait que depuis que l’Union Européenne coopère étroitement avec tous les dictateurs de l’Afrique, les affaires des passeurs se portent mieux que jamais avant), et il fera en sorte que nos industries d’armement, surtout en Allemagne et en France, fassent de bonnes affaires pour assurer à la fois l’emploi et la sécurité.

L’Europe ressemble de plus en plus à une épouse que l’on adore, mais qui vous trompe trois fois par semaine : et il devient de plus en plus difficile de dire à vos amis, qui vous conseillent de la virer le plus vite possible, « mais non, elle est adorable, je l’aime et je suis sûr qu’elle comprendra que c’est pas bien et elle changera ». Un moment donné, face aux regards inquiets de vos amis, les mots sonnent creux car vous savez qu’elle ne changera pas.

Il nous faut une « Révolution Européenne ». Le système composé du Conseil Européen (qui regroupe les chefs d’état et de gouvernement,), de la Commission Européenne (avec ses 32.000 fonctionnaires désignés et non pas élus et dont personne ne sait exactement ce qu’elle fait) et du Parlement Européen qu,i vis-à-vis des deux autres institutions, a le moins de poids, est dépassé, en proie aux lobbys bruxellois et aux intérêts des « marchés financiers » qui eux, font encore et toujours la pluie et le beau temps. Nous avons besoin, pour tenter de sauver l’Union Européenne, d’une toute nouvelle structure, plus démocratique, plus transparente. En principe, nous n’aurions besoin que d’une institution européenne, à savoir du Parlement Européen. Un parlement démocratiquement élu, qui élit en son sein, comme tout parlement démocratique au monde, son gouvernement. Personne n’a besoin d’une institution dont la mission est d’être la « gardienne des traités européens » et qui décide, sous l’influence des lobbys, des grandes lignes de la politique.

Le nouveau commissariat qui veut protéger « le mode de vie européen », risque d’éloigner l’Europe encore un peu plus de ses citoyens et citoyennes et surtout, des valeurs qui avaient conduit à la création de cette Europe, projet de la paix, projet humaniste, projet pour la vie.

2 Kommentare zu C’est quoi, le « mode de vie européen ? »

  1. Il me semble pourtant qu’Ursula von der Leyen avait assorti la présentation de ce Commissariat d’un rappel certes facile à passer sous silence, mais incontournable et déterminant : les VALeurs qui ont façonné l’Europe, qui la font respirer, innover, avancer VAiLle que vaille, sont précisément humanistes ; elles seules peuvent concilier, coordonner et réaliser des rêves aussi divers que l’accueil des Migrants, l’Education novatrice, l’assouplissement de l’Emploi, la liberté solidaire indispensable à la Sécurité.
    Régis Debray vient d’écrire contre une “Europe fantôme” et Daniel Riot avait traité l’Europe d’”emmerdeuse” : elle le reste comme une épouse vive et pourtant fidèle, trop maternelle pour se désintéresser de ses enfants, trop passionnée pour ne pas devenir toujours plus patiente, trop originale, orientale et natale pour laisser rougir la Méditerranée…
    La VALeur n’est-elle pas dans son étymologie indo-européenne le gage, la mesure et la condition de la santé, qu’il s’agisse d’un cours en bourse ou d’une VAiLlante course dans l’aventure des civilisations ?

  2. Je comprends votre objection, Martine, mais entre les annonces politiques et les réalités, il y a un clivage. Parmi les peu de choses sur lesquelles l’Europe institutionnelle a pu se mettre d’accord ces dernières années, se trouve la coopération avec des dictateurs africains et le financement de bandes criminelles qui organisent des marchés d’esclaves, des camps de concentration, qui torturent, violent et tuent, pour “protéger notre mode de vie européen”. Cela correspond à quelle valeur européenne ? Le choix de la désignation de ce commissariat ne promet rien de bon. Bonne oratrice, le bilan politique d’Ursula von der Leyen dans la politique allemande est mauvais. Elle n’a qu’à changer cette politique meurtrière que l’UE mène en Méditerranée non pas contre les passeurs, mais contre des réfugiés. Si je me trompe, je m’en excuserai publiquement ici-même.

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