Ceuta, c’est où ça ?

Le long de la côte marocaine, les enclaves espagnoles peu ou mal connues, ne font parler d’elles que lors d’événements tragiques.

Juste en face de Gibraltar, Ceuta témoigne de l’histoire liant le Nord de l’Afrique au Sud de l’Europe. Foto: Rémy Sanchez / Wikimedia Commons / CC-BY 3.0

(Jean-Marc Claus) – Il a fallu l’arrivée, par la mer et à la nage, de 8.000 Africains dont près d’un tiers de mineurs, pour que l’on reparle d’une des enclaves espagnoles au Maroc. Que l’on reparle, car à l’automne 2005, cinq clandestins tentant de franchir les grillages isolant Ceuta avaient trouvé la mort. Melilla, autre enclave espagnole plus à l’Est, avait connu le même phénomène. Plusieurs centaines de réfugiés-migrants issus de l’Afrique Subsaharienne, s’étaient dès la fin de l’été, lancées à l’assaut des grillages de ces deux confettis d’Europe.

Située en face de Gibraltar, Ceuta est un peu le pendant de l’enclave britannique en territoire espagnol. A ceci près que le Brexit n’a pas provoqué vers Gibraltar, un afflux d’Européens voulant se réfugier au Royaume-Uni. Ceuta par contre, comme d’autres côtes et îles de Méditerranée, est un pôle d’attraction de plus en plus fort pour les réfugiés-migrants africains. D’autant plus que, comme le rapportaient El Diario et El País, les autorités marocaines ont récemment relâché la vigilance à la frontière.

Relâchement dû selon certaines analyses, à des tensions diplomatiques entre les deux pays, mais le roi marocain Mohammed VI n’est, sur ce plan là, en rien comparable à Recep Tayyip Erdoğan. Par ailleurs, l’histoire de Ceuta, comme celle de Melilla et des quelques autres possessions espagnoles le long de la côte marocaine, est imbriquée dans celle de l’Europe. Possession romaine en 42 après JC, elle fut envahie à partir du 5e siècle par les Vandales, puis les Byzantins, puis les Goths de la Péninsule Ibérique.

Point de départ en 711 des troupes berbères du général Tariq Ibn Ziyad, renforcées par l’armée arabe du général Moussa Ibn Noçaïr, Ceuta fut en quelque sorte le tremplin de la conquête de la Péninsule Ibérique, qui permit aux bataillons arabo-berbères de franchir ensuite les Pyrénées. La Reconquista démarrant en 718 fut longue, car s’achevant en 1492 avec la prise de Grenade, elle dura près de 8 siècles.

Ce fut le Portugal qui a conquis Ceuta en 1415, mais à l’issue des soixante ans d’unification malheureuse avec l’Espagne (1580-1640), l’enclave portugaise peuplée alors majoritairement d’Espagnols, revint à la Couronne d’Espagne. Un parcours totalement différent de Melilla, conquise par les Espagnols en 1497. Depuis son indépendance en 1956, le Maroc revendique ces territoires sur lesquels de nombreux pays d’Afrique ne reconnaissent pas la souveraineté de l’Espagne.

L’Union Africaine, l’Organisation de Coopération Islamique, l’Union du Maghreb Arabe et la Ligue Arabe, organismes dont le Maroc fait partie, réclament la décolonisation de ces possessions. Comme à Gibraltar, jusqu’il y a quelques mois, plusieurs milliers de frontaliers entraient et sortirent quotidiennement de Ceuta. Mais là, ce sont des « femmes-mulets », qui travaillant pour quelques euros dans l’économie dite informelle, transportent des marchandises de Ceuta vers la ville marocaine de Fnideq.

Le Maroc a unilatéralement fermé le poste frontière dédié à leur passage. Soit l’inverse de l’attitude ayant facilité le passage des réfugiés-migrants via la côte. Ainsi, avec une économie partiellement ébranlée, une frontière hermétique par ici et poreuse par là, l’enclave espagnole subit une véritable tentative de déstabilisation dont on peut penser que l’idée d‘une reconquête, fut-ce à plus long terme, n’est pas totalement absente.

Or, les langues qui y sont parlées allant de l’arabe ceutien au castillan, en passant par l’amazighe des Berbères, le jaquitía des Juifs Espagnols, le sindhi des Roms, le portugais et le français, sont autant de témoignages que ce territoire a un caractère multiculturel et international. Ce qui rend la question de sa souveraineté un peu plus complexe que les diatribes et affirmations cocardières des uns et des autres.

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