Charlie Hebdo – Non, l’Europe n’est pas en guerre

Une vague de solidarité et d'indignation secoue toute l'Europe et même le monde. Mais il ne faut pas céder à la tentation de se sentir en guerre. Nous ne sommes pas en guerre en Europe.

La même image partout en Europe (et ailleurs) - la solidarité avec la France et "Charlie Hebdo" doit constituer un point de départ. Foto: Gerry Lauzon, Montréal, Canada / Wikimedia Commons / CC-BY 2.0

(KL) – Les réactions à l’attentat sont intenses, heureusement. Comment ne pas s’indigner contre la barbarie, la folie et le meurtre ? Ceci dit, nous ne sommes pas en guerre. En guerre, comme le dit «Le Figaro», en ajoutant «une guerre qu’il faut gagner». Mais pour qu’il y ait une guerre, il faut des adversaires. Et ces criminels malades mentaux n’ont pas la dignité d’être des adversaires. Ils ne représentent rien et personne, il s’agit de criminels et aucun état, aucun continent ne peut partir sérieusement en guerre contre des malades mentaux.

Déjà hier, les premiers attentats sur des bâtiments musulmans ont été perpétrés. Mais quelle est la différence entre l’odieux attentat de Paris et de telles attaques aussi lâches visant «les musulmans» ? Les auteurs de ces attaques ne sont en rien meilleur que les terroristes ayant attaqué «Charlie Hebdo» – les auteurs ne sont pas des «vengeurs», mais des criminels qui, comme les terroristes de Paris, n’ont rien compris.

Si le Front National tente de récupérer le deuil des Français et des Européens, il convient de décupler son attention. Marine Le Pen et des représentants «faucons» des conservateurs français ont déjà parlé d’une «union» contre l’islamisation, en ajoutant vouloir demander un référendum sur la peine de mort que Marine Le Pen, «personnellement», apprécierait. Cela ne vous rappele rien ? Un leader politique stigmatisant toute une communauté religieuse, profitant d’un attentat sanglant, pour tenter d’instaurer un état encore beaucoup plus repressif ? Avons-nous vraiment oublié ce qui est arrivé en Allemagne dans les années 30 ?!

Comme l’a si bien commenté un lecteur chez nos confrères de Mediapart : «Il faut maintenant sècher les larmes, et être encore plus déterminé dans la construction d’une société dont le leitmotiv doit être le vivre-ensemble.» Bien dit ! Les terroristes et l’extrême-droite nous tendent actuellement le même piège et ce, partout en Europe. Non, l’Europe n’est pas en guerre contre les musulmans – l’époque des croisades est révolue et sauf une poignée de malades mentaux, personne ne veut revenir à cette époque (où c’étaient d’ailleurs les Chrétiens qui avaient commis les pires des atrocités au nom de leur Dieu…). Aujourd’hui, il convient d’aller vers l’autre, de lui tendre la main, de surmonter ensemble le deuil et le choc.

Ne durcissons pas les relations avec ceux qui n’y sont pour rien. 99,9% des musulmans sont autant choqués que nous, et ils ne portent aucune responsabilité dans ce qui vient de se passer. Barrons la route à ceux qui veulent nous faire croire que nous sommes en guerre, que nous devons nous méfier de notre voisin, qu’il faille exclure nos voisins de la vie de la cité – travaillons ensemble en vue de la construction d’une société plus humaine, plus juste et moins exclusive.

L’élan de solidarité, le fait que tous les Européens se sentent visés par cet attentat criminel sur la liberté de l’expression et de la pensée, doit constituer la base d’un avenir meilleur. Ne me dites pas que Wolinski, Charb ou Cabu auraient voulu qu’on les «venge» ! Mais il faudra aussi prendre conscience que nous, Européens, nous ne partageons pas seulement le deuil, mais également des valeurs. A nous d’exercer désormais une vraie pression sur nos élus de mener une politique humaine digne de ce nom.

Retenons ceci : toute l’Europe partage la douleur de la France, toute l’Europe est solidaire. Et je ne parle pas des responsables politiques et de leurs commentaires formatés, je parle des gens comme vous et moi qui se sont rendus spontanément aux ambassades et institutions françaises, pour y allumer des cièrges et pour y déposer des fleurs, en signe de compassion, de leur indignation et de leur solidarité avec la France et avec les victimes de Paris. Retenons qu’en Europe, nous voulons majoritairement une société juste, respectueuse et libre, que l’on pourrait facilement résumer par «liberté, égalité, fraternité». Ce sont des valeurs universelles que nous ne sommes pas en droit de brader dans la colère, aux vautours néofacistes qui n’attendent que notre détresse pour s’emparer de nos pays et sociétés.

Aujourd’hui, toute l’Europe est solidaire, toute l’Europe est en deuil. Retenons-ceci, par respect pour ceux qui ont péri dans un attentat odieux. Et ne laissons pas un millimètre à ceux qui maintenant, voudraient en profiter pour ériger une société aussi peu humaine que celle dont rêvent des terroristes malades. Non, nous ne sommes pas en guerre, serrons-nous les coudes dans la douleur et retroussons ensuite nos manches pour construire une société meilleure en Europe.

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