«Chocolat» – le film qu’il faut voir absolument

Notre expert cinéma Nicolas Colle a eu le privilège de rencontrer la star du cinéma français Omar Sy et le réalisateur de «Chocolat», Roshdy Zem. En exclusivité.

Nicolas Colle a pu rencontrer Roshdy Zem et Omar Sy, réalisateur et premier rôle de "Chocolat". Foto: Gaumont Distribution

(Par Nicolas Colle) – Rarement au cours de ces dernières années, le cinéma français n’aura offert un film d’époque aussi élégant que «Chocolat». On y découvre l’histoire du premier artiste noir de la scène française du début du siècle dernier, malheureusement tombé dans l’oubli. L’erreur est ici réparée grâce à ce film esthétiquement sublime et émotionnellement très prenant.

A travers ce film d’époque, vous questionnez surtout la fusion artistique et humaine entre Chocolat et Footit (James Thierrée, petit-fils de Charlie Chaplin)…

Roshdy Zem : En fait, j’ai voulu raconter le destin et le parcours de Raphael Padilla (alias Chocolat) à travers ce duo de clowns qu’il formait avec Footit et qui pouvait, effectivement, s’apparenter à une forme de couple vivant une histoire d’amour. Avec, bien sûr, tout ce que ça implique de fusionnel mais aussi de sulfureux et de conflictuel. Au début de leur histoire, on est dans une relation de dominant-dominé puis on aboutit à une recherche d’émancipation de la part de celui qui est dominé. C’est exactement ce qu’on peut vivre parfois en amour et ce parallèle là m’intéressait. D’ailleurs, par rapport à cela, il y a autre chose qui me tenait à cœur, c’était de ne pas tout expliquer sur la complexité de leurs sentiments mais plutôt de les suggérer notamment à travers de simples regards silencieux qui peuvent raconter tout un pan d’histoire que le public peut interpréter. Même si à la base, plusieurs choses étaient écrites mais une fois qu’on est sur le plateau, avec les acteurs, on s’aperçoit très vite que le dialogue n’est pas forcément utile. On raconte toujours des choses plus intenses dans le silence. D’autant qu’il n’y a rien de plus violent que ça dans le parcours d’un couple.

Vous, Omar, j’ai l’impression que c’est votre rôle le plus complet jusqu’à aujourd’hui puisque vous offrez une palette de jeu très large avec du rire et de l’émotion tout en incarnant la dimension physique du personnage à travers l’exercice du cirque ?

Omar Sy : C’est gentil, d’autant plus que c’est exactement comme ça que je l’ai abordé et que c’est ce qui m’a attiré sur ce projet. Mais pour rebondir sur ce que disait Roshdy à l’instant, il ne faut pas oublier que j’ai, jusqu’à maintenant, pratiqué la comédie avec beaucoup de tchatche, d’improvisation et de paroles. Or, grâce à ce projet, j’allais pouvoir apprendre quelque chose de nouveau, à savoir, jouer sans le verbe. Roshdy accorde un grand respect aux spectateurs, en leur laissant de la place et en faisant confiance en leur intelligence et leur compréhension des moments de silence. Du coup, dans mon jeu, j’ai pu aller ailleurs grâce à cette démarche. Ça a été un vrai défi que j’ai pris plaisir à relever car pour moi, qui suis autodidacte et qui n’ai pas de formation classique, j’ai pu aborder des choses qui m’étaient inconnues jusqu’alors, comme la danse et le cirque. Donc j’ai pris tout autant de plaisir que pour mes rôles précédents mais ça a été un plaisir différent et surtout une forme de travail différente qui m’a permis de gagner en confiance.

Comment vous y êtes vous pris pour adapter cette histoire dont on sait très peu de choses ? C’est d’ailleurs de ça dont le film parle… Le personnage de Chocolat a été complètement oublié pendant des années…

R.Z : On a eu accès à de nombreux documents mais qui ne nous permettaient pas de raconter tout son parcours de son statut d’esclave à Cuba jusqu’à sa fin à Bordeaux. J’ai donc collaboré avec deux auteurs, Cyril Gély et Olivier Gorce, pour étoffer toute une partie fictionnelle dans laquelle on s’est permis quelques libertés pour développer l’histoire et le personnage tel qu’on le ressentait. Pour cela, on a imaginé ce qu’aurait pu faire Raphael dans la situation qui était la sienne à ce moment là. Par exemple, j’avais envie qu’après être arrivé au sommet de sa gloire, sa conscience puisse s’éveiller et l’amener à une attitude plus revendicative. C’est ce qui nous a donné l’idée de son passage en prison où il rencontre ce personnage Haïtien, interprété par Alex Descas, qui le radicalise et lui permet de se construire un nouveau personnage. C’est un élément de pure fiction parmi d’autres mais qu’on pouvait se permettre de créer car les événements avérés que nous avions à disposition étaient déjà très forts. Notamment, son mariage avec Marie qui l’aura accompagné jusqu’à la fin de sa vie. Ce qui fait d’elle un personnage très emblématique car aimer un homme noir à cette époque là, c’était plus que de l’amour, c’était un geste de courage et un acte politique.

Même s’il s’agit d’une histoire qui s’est déroulée au début du siècle dernier, j’ai le sentiment qu’elle est assez intemporelle… Et même s’il n’est pas directement question de vous, j’ai également le sentiment qu’il s’agit de votre film le plus personnel ?

R.Z : D’une manière générale, il y a toujours quelque chose de personnel dans les films que je fais, même quand j’adapte une histoire qui n’est pas la mienne. Donc, j’ai cherché ce qui m’interpellait dans l’histoire de Raphael Padilla car il a un parcours très singulier et ma personnalité, même inconsciente, est venue se greffer naturellement à l’écriture. Et puis, je savais aussi pour qui j’écrivais le rôle et il y a une mise en abîme évidente entre le parcours d’Omar ainsi que le mien et celui de Chocolat. Omar et moi venons de quartiers réputés difficiles où accéder à un milieu aussi fermé que le cinéma était quelque chose d’inconcevable. Tout comme il était inconcevable d’imaginer qu’au début du siècle dernier, un noir puisse devenir la vedette du Nouveau Cirque de Paris. Donc la dimension intemporelle et personnelle du récit vient de là.

Je pense qu’il s’agit probablement d’un des films français les plus aboutis esthétiquement de ces dernières années. Comment avez vous collaboré avec votre équipe technique pour élaborer cet univers si foisonnant et coloré ?

R.Z : Ça a été la communion d’un travail collectif. Mon exigence était que les chefs de postes ne travaillent pas chacun dans leur coin. Donc j’ai réuni la chef costumière, le chef décorateur, le chef opérateur et l’assistant mise en scène afin qu’on travaille tous dans une cohésion constructive. En sachant qu’on ne pouvait pas choisir le décor sans avoir décidé du costume qui irait avec, ou de la lumière qu’il faudrait pour l’éclairer et rendre tout ça harmonieux. On s’est beaucoup inspiré des toiles et des photos de l’époque, que ce soit pour les couleurs et les textures. J’ai aussi eu la chance d’avoir ces personnes à ma disposition, plusieurs mois avant le début du tournage. Ça nous a permis de travailler très en amont et d’obtenir notamment ce rendu au niveau des couleurs. Le numérique a aussi permis ça, même si c’est aussi un outil qui peut être dangereux car il peut ne pas rendre la couleur telle qu’on la voit à l’œil nu. On a donc fait plusieurs essais d’image avec les acteurs dans leur costume. Tout cela a rendu la préparation vraiment passionnante car je n’avais jamais été confronté à ce genre de travail avant un tournage. C’est ce qui constitue, d’ailleurs, une des parties les plus intéressantes dans l’élaboration de ce projet.

Et pour conclure, Omar, il y a un film que vous avez tourné dernièrement et que j’attends impatiemment, c’est «Demain, tout commence» qui sortira le 7 Décembre prochain. Que pouvez-vous me dire sur ce projet ? Ça a l’air très émouvant et pourtant assez «impitchable» ?

O.S : C’est effectivement un sujet assez «impitchable». Tout ce que je peux dire sans «spolier» quoi que ce soit, c’est que c’est l’histoire d’un père qui élève seul sa fille. Mais ça a été un tournage très agréable avec un jeune réalisateur très prometteur, Hugo Gélin. Le casting était également super avec Antoine Bertrand, un acteur québécois qu’on a vu récemment dans Starbuck ainsi que Clémence Poésy qu’on a pu voir dans la saga Harry Potter. Sans oublier une petite actrice dans son premier rôle de cinéma, qui s’appelle Gloria Colston et avec laquelle j’ai pu avoir un superbe échange. D’ailleurs, ce qui m’a le plus touché, c’est que grâce à elle, je n’étais plus vraiment le débutant qui se fait accompagner par d’autres acteurs plus expérimentés. Là, j’ai assisté aux débuts d’une jeune actrice que j’ai pu accompagner. Ça ma filé un petit coup de vieux mais ça m’a aussi fait beaucoup de bien.

Un petit coup de vieux certes, mais à la vue de ce film, cher Omar, l’avenir est toujours devant vous.

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chocolat affiche Gaumont Distribution OK

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