Chute de l’euro, parité avec le dollar

L’euro a atteint un seuil historique le 12 juillet 2022, la monnaie européenne ayant autant de valeur que le dollar. Retour sur une chute laissant des traces.

Euro - dollar - c'est pareil aujourd'hui et la faiblesse de l'euro n'est pas une bonne nouvelle. Foto: Guillaume Capron from Issy-les-Moulineaux, France / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 2.0

(Anthony Branstett) – Le mardi 12 juillet 2022, la valeur de l’euro était tellement faible qu’elle en est arrivée à un seuil historique : 1 euro équivalait à 1 dollar. Une grande première depuis deux décennies, l’année de sa mise en circulation. Certains analystes prévoyaient que la valeur de l’euro serait même inférieure au dollar dans les jours qui viennent.

Une chute s’expliquant par une situation actuelle peu ensoleillée pour le continent européen. La proximité de l’euro avec la guerre en Ukraine rend les investisseurs de plus en plus inquiets. En Europe, l’inflation a grimpé avec une reprise de l’activité économique à la suite de la crise du Covid-19, et renforcée avec l’invasion russe. Le taux d’inflation moyen de la zone euro étant de 8,6% sur un an en juin, un chiffre record depuis le début de la publication de l’indicateur en 1997. Les pays baltes, encore plus touchés, avec un taux d’inflation de 20%, principalement associé aux prix de l’énergie (électricité, pétrole, gaz) s’envolant avec la guerre. La très forte dépendance des pays européens aux hydrocarbures russes rajoute beaucoup de pression sur leurs économies et les craintes de ralentissement économique : le Kremlin menace de couper son approvisionnement. L’agence Standard and Poor’s signale que le développement de l’économie en zone euro dans le secteur privé en juin, est au plus bas depuis 16 mois.

Depuis des semaines, l’euro est en difficultés. - Les investisseurs sont plus attirés par le billet vert américain qui a gagné 14% depuis le début de l’année, tandis que l’euro a perdu 13,2% sur un an. « Si on regarde depuis le début de l’année, ce n’est pas tant l’euro qui est faible que le dollar qui est fort, traditionnellement parce que le dollar est une valeur refuge quand il y a des conflits internationaux. La preuve de ça, c’est que l’euro est plutôt monté contre d’autres devises comme le Yen japonais ou la Livre britannique », explique François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, sur franceinfo mercredi dernier. Les taux directeurs, remontés par la Réserve Fédérale des Etats-Unis, a stimulé le dollar. Une politique que la BCE doit aussi mettre en œuvre, seulement à partir de la mi-juillet.

Des conséquences, et pas des moindres, seront visibles par tous. La principale, et la plus directe, est l’alimentation de l’inflation, notamment sur le prix des hydrocarbures. « C’est plutôt une mauvaise nouvelle car cela va nourrir l’inflation », explique sur franceinfo Jean-Paul Pollin, membre du Cercle des Economistes. Par exemple, le prix du pétrole est fixé en dollar et si la monnaie européenne baisse par rapport à la monnaie américaine, cela veut dire que le prix en euros va être plus élevé. Les prix à la pompe s’exposent à une hausse si l’euro ne remonte pas rapidement. Cela alourdirait le portefeuille des ménages, même si le litre d’essence vient de passer récemment sous les 2 euros en France.

Les entreprises françaises et européennes n’apprécient pas non plus cette baisse historique de la valeur de l’euro. Les plus touchées négativement sont celles faiblement exportatrices. Premièrement, ces entreprises consomment des hydrocarbures, donc leur facture énergétique va se majorer. Mais le plus important seront les importations : les produits venant des USA seront plus chers, comme ceux venant d’autres parties du globe, donc la facture s’alourdira fortement.

A contrario, cette baisse de l’euro « est plutôt une bonne nouvelle au niveau de l’activité, car c’est un soutien aux exportateurs », souligne François Villeroy de Galhau. Les entreprises auront la possibilité de vendre moins cher leurs produits aux USA ou autres parties du monde. Les secteurs du luxe, de l’aéronautique, du tourisme et de l’agroalimentaire, en particulier le vin, pourront profiter d’un euro plus faible face au dollar. Ces secteurs « peuvent gagner des parts de marché, mais les effets négatifs du dollar fort peuvent peser lourd malgré tout pour ces entreprises qui ne seront pas forcément si gagnantes que cela », estime Mathieu Plane, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) au journal Le Parisen.

Concernant l’avenir des taux de change, il est impossible de l’évaluer avec assurance. Cependant, on peut s’interroger quant aux actions des instituions monétaires face à cet effondrement de l’euro. Actuellement, surveillance accrue de l’évolution sur le marché des changes, explique François Villeroy de Galhau : « Ce n’est pas nous, les banques centrales, qui fixons le taux de change (…), mais nous suivons la situation parce que ça compte sur l’inflation. » La politique monétaire mis en place par la Banque centrale européenne (BCE) sera révélatrice à l’image de ce que la Réserve Fédérale américaine a mis en place. Une série de hausses de ses taux directeurs a été annoncé par la BCE en juin. La conclusion d’une politique de taux faibles historiques qui devrait déjà avoir un effet selon les spécialistes sur les taux de change.

L’Institution financière européenne pourrait être méfiante par la suite. « On a vu ces derniers temps que la Banque d’Angleterre ou encore la Banque du Canada ont relevé fortement et assez vite leurs taux d’intérêt », explique l’économiste Jean-Paul Pollin. « On voit que la Banque centrale européenne hésite parce que cela peut mettre l’économie en récession, mais surtout parce que la zone euro est hétérogène. » L’augmentation des taux d’intérêts de la BCE handicapent les pays (déjà) en difficulté en accroissant leur dette publique. « Si elle [la BCE, n.d.l.r.] veut éviter une nouvelle crise des dettes souveraines comme en 2011, elle doit faire attention et ne peut pas lutter contre l’inflation comme peut être, elle aimerait le faire », décrypte Jean-Paul Pollin. Une réduction des libertés de stratégies de la Banque centrale européenne qui pourraient accentuer les différences par rapport au billet vert à l’avenir.

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