Cinéma : «Coup de Chaud» – un film d’actualité brulante

Aujourd’hui sort en salle le nouveau film de Raphaël Jacoulot, «Coup de Chaud», inspiré d’un fait divers survenu en 2008 en Haute Saône.

"Coup de chaud" est un film qui rapproche les spectateurs des réalités dans les villages. Foto: NC / Coup de Chaud / Raphaël Jacoulot

(Par Nicolas Colle) – Dans «Coup de Chaud», on suit, au sein d’une campagne isolée et frappée par la canicule, le personnage de Josef, un jeune trentenaire simple d’esprit qui, bien que très avenant, va peu à peu déchainer les passions des habitants de son village, en raison de son comportement excessif, jusqu’à un drame inéluctable.

Comment une communauté bienveillante, travailleuse et pleine de bonnes intentions en arrive à projeter toutes ses frustrations les plus enfouies, ses rancœurs et ses difficultés sur un seul individu et commettre l’irréparable?

C’est la question à laquelle tente de répondre le cinéaste à travers ce thriller à la fois sombre et solaire, haletant et étouffant. Un film à l’apparence très «Chabrolienne» et qui n’est pas sans rappeler «Le Corbeau» d’Henri Georges Clouzot dont le réalisateur avoue s’être inspiré, notamment pour ce qui concerne l’effet de propagation de la rumeur.

C’est un véritable retour au source qu’a effectué ici le metteur en scène, originaire du monde agricole de l’Est de la France et qui tenait à montrer toute la dureté de ce milieu, bien loin des envolées poétiques (et appréciables) de Jean Becker : «C’est une réalité qui peut être très éprouvante, avec des tensions très fortes entre les agriculteurs. Les gens peuvent être amenés à s’isoler et se replier sur eux mêmes, au point de laisser la peur les dominer.» C’est Jacoulot qui parle.

L’un des atouts majeurs du film est sans conteste le fait qu’il peut être très immersif pour le spectateur notamment à travers l’utilisation très astucieuse de l’ellipse cinématographique qui amène le public, à l’instar des villageois, à douter des agissements de Josef incarné avec force et conviction par un Karim Leklou habité.

D’abord second rôle auprès de metteurs en scène renommés comme Jacques Audiard, Guillaume Nicloux ou Kattel Quilévéré, il est la vraie révélation de ce film tant il se montre tour à tour attachant, détestable et maladroit comme en témoigne le jeune comédien : «Il évolue en fonction de ce qu’on lui donne, il est d’une nature assez avenante mais il réagit de manière forcément négative à la violence qu’il subit et qu’il ne comprend pas. A la base c’est un personnage positif qui aime aller vers les gens mais son attardement mental le met à l’écart, il a trente ans mais quinze dans sa tête, ce qui l’amène à braver certains interdits mais plus par maladresse que par méchanceté. Du coup, il a des désirs affectifs et sexuels qu’il n’arrive pas à assouvir

La force de ce «Coup de Chaud» réside également dans ses personnages, tous extrêmement bien écrits, chacun d’entre eux étant porteur d’une faille qui va peu à peu se cristalliser au contact de Josef. C’est notamment le cas du personnage de Diane qui, selon Carole Franck, son interprète, finit par avoir : «un déplacement obsessionnel psychiatrique. Elle essaie de rationaliser et de justifier sa haine contre ce garçon qui en réalité ne lui a rien fait. Elle a ce que j’appelle, un trajet d’effondrement, alors qu’elle se croit très solide, bosseuse et lucide. Elle fait un métier très difficile puisqu’elle a une exploitation de vache laitière. Il faut savoir que parmi ces exploitants, tous les deux jours, un d’entre eux en arrive à se suicider. Elle craint le spectre de 76 qui a été une année calamiteuse pour le monde agricole, du coup elle a peur de perdre tout ce qui fait sa vie depuis son enfance, et elle gère mal son angoisse au point de s’aveugler et de prendre un bouc émissaire, ce qui ne résout aucun de ses problèmes et à la fin, elle perd tout. »

Parmi toutes ces dérives, seul le personnage du maire du village, incarné avec toujours autant de justesse et de sobriété par Jean-Pierre Darroussin, essaie de se montrer à la hauteur de sa fonction d’élu.

Ecoutons ce qu’en dit le comédien en personne: «Il ( le maire) représente les valeurs de la République, à savoir la Liberté, l’Egalité et la Fraternité. La Liberté c’est quelque chose d’assez vague, l’Egalité c’est une chose qui est malheureusement un peu vaine. Il reste donc la Fraternité, c’est la seule chose sur laquelle on peut travailler. Il se sent donc investi de maintenir la fraternité, c’est le rôle d’un représentant du peuple. Les gens sont impatients et en colère, ils veulent des solutions rapides à leurs problèmes, il faudrait faire beaucoup de choses, laisser du temps au temps mais malheureusement ça ne fonctionne plus. Du coup, il est dépassé par un nouveau courant qui se veut plus sécuritaire que fraternel. A la fin, il se sent responsable de la mort de Josef car il n’a pas su trouver ni les mots ni les solutions pour redonner de la confiance aux gens et les éclairer. Il a cédé au consensus mou en voulant faire plaisir à tout le monde. De ce point de vue, il est à l’image de François Hollande

En somme, un film qui dresse un portrait de notre société en crise morale qui a peur de ce qu’elle ne comprend pas et se dédouane de toute faute, mais qui prend soin de ne jamais juger ces personnages mais à comprendre leurs maux et leurs dérives à travers une mise en scène sobre et efficace et des comédiens complètement habités.

Pour visionner la bande-annonce de ce film, CLIQUEZ ICI !

Nicolas Colle, ancien élève de l’IECA (Institut Européen du Cinéma et de l’Audiovisuel) est collaborateur de Allo-Ciné et commente désormais et en exclusivité l‘actualité cinématographique sur Eurojournalist(e).

4 Kommentare zu Cinéma : «Coup de Chaud» – un film d’actualité brulante

  1. Bienvenue Nicolas parmi les collaborateurs, réguliers j’espère, d’eurojournalist.eu et continue à nous faire part de tes critiques …
    Celle-ci m’a donné très envie d’aller voir ce film..
    A suivre, donc, pour d’autres rendez-vous…

  2. Excellent article de Nicolas Colle

  3. Nur Schade dass unsere deutsche Freunde nicht immer alles so leicht mit kriegen. Auf der andere Seite vom Rhein ist es das Selbe, hier. Faisons tous un effort et devenons tous bilingues dans le Rhin Supérieur, petit à petit, patiemment . Wir hatten damals ein Schülerbuch genannt ” Wer will, der kann”. Je sais que nombreux sont les lecteurs plus bilingues qu’ils ne le croient. Auf jeder Seite. Dieser Film wird auch in Deutschland erscheinen.

  4. En effet, excellent billet !!! Très heureux de pouvoir accueillir Nicolas sur eurojournalist (e) ! Bienvenue !

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