Cinéma : Nathalie Baye excelle dans «La Volante»

Nicolas Colle a rencontré pour Eurojournalist(e), l’équipe de tournage du film «La Volante», y compris la grande actrice Nathalie Baye. Un moment fort. Très fort.

Avec son talent hors du commun, Nathalie Baye incarne "La Volante". Nicolas Colle l'a rencontré pour Eurojournalist(e). Foto: Affiche Distribution

(Par Nicolas Colle) – Un titre énigmatique. «La Volante», c’est un terme qui désigne les secrétaires administratives intérimaires qui effectuent des remplacements ci et là. La sonorité du mot n’est pas sans rappeler celle d’autres mots plus troublants comme la «Violente» ou la «Voleuse» !

C’est dans ce rôle inédit que l’on retrouve la grande Nathalie Baye qui interprète ici Marie-France, une mère qui a perdu son enfant, renversé accidentellement par une voiture alors que le conducteur, Thomas (Malik Zidi), se rendait à l’hôpital pour l’accouchement imminent de son épouse. Neuf ans après le drame, Marie-France se fait engager comme la nouvelle secrétaire de Thomas qui ignore tout de sa véritable identité. Peu à peu, elle met en place les ressorts de sa vengeance.

C’est ainsi que débute ce thriller à l’ambiance très marquée, aux allures Hitchcockiennes : certains plans évoquent notamment «Fenêtre sur cour» et «Psychose» et sans temps morts.

Polar ou pas ? – On est tout d’abord surpris par l’absence de tout aspect juridique et policier alors que le film s’ouvre sur le drame de l’accident avant de faire un bond de neuf ans dans le temps sans que l’on sache ce qu’il est alors advenu des personnages au moment où on les retrouve, comme en témoigne Malik Zidi : «Pour ma part, c’est ce qui m’a séduit, le fait qu’il n’ait jamais été question de faire un film policier qui soit trop réaliste. La stylisation du film est davantage dans l’inconscient des personnages et justement cette ellipse temporelle de neuf ans qui suit l’accident, permet aux spectateurs d’imaginer ce qu’ils veulent quant à ce qu’ont pu vivre les personnages. Cela leur permet d’être plus impliqués dans l’histoire. Moi, c’est quelque chose qui m’a emballé car c’est très rare dans le cinéma français de trouver des films aussi stylisés et où chaque spectateur peut faire partie intégrante de l’histoire qui lui est racontée…»

En plus de surprendre par ces zones d’ombres, le film prend peu à peu une tournure inattendue quand il devient évident que le personnage de Marie-France est davantage animé par un trouble qui se rapproche du transfert psychologique comme les deux metteurs en scène, Christophe Ali et Nicolas Bonilauri ont pu nous l’expliquer : «Effectivement, il y a quelque chose de cet ordre là. On ne peut bien sûr pas trop en dire pour ne pas «spoiler» l’histoire mais la notion de transfert est quelque chose de central dans ce film. Marie-France cherche d’avantage une réparation sentimentale et affective qu’à se venger véritablement.»

Encore le Grand-Est frontalier. – L’image est servie par l’ambiance ici souvent grisâtre et pluvieuse de la région de l’Est où le tournage s’est partagé entre Metz, le Luxembourg et la Belgique comme nous l’explique le producteur Tom Dercourt : «Initialement, le film était écrit pour la région Parisienne mais quand on produit un film, il faut être très pragmatique. Or, nous manquions d’argent pour boucler le budget. On a donc démarché le Luxembourg et la Belgique pour trouver les finances manquantes. A partir de là, on a décidé que le tournage s’effectuerait dans la région. Ce qui a été une bonne chose car cela a permis de reconsidérer l’histoire. Quand on regarde le film fini, on ignore où l’action se situe véritablement car aucun lieu n’est jamais nommé, mais les paysages et l’atmosphère générale dégagent une ambiance oppressante qui faisait partie intégrante du projet dès son origine. On est souvent confronté à ce genre de problématique quand on fait une coproduction. Soit on la fait pour des raisons organiques car on doit se rendre dans une certaine région où le scénario s’inscrit dans un lieu bien défini, soit ce n’est pas le cas et là, on doit rendre l’histoire organique pour l’adapter à la région qui veut bien nous accueillir».

Enfin, comment pourrait-on ne pas parler du face à face saisissant entre Malik Zidi, touchant, fragile et fort à la fois dans ce rôle de père meurtri, lui aussi, par le drame et qui tente d’aller de l’avant, et Nathalie Baye composant cette fois un personnage jusqu’ici inédit dans sa filmographie : sorte de femme fatale au sourire très angélique pour mieux masquer une souffrance enfouie ainsi que ses troublantes intentions comme nous l’expliquent les réalisateurs : «Nous cherchions une comédienne de sa génération avec une aura très particulière. Elle a accepté très vite car elle souhaitait justement incarner un personnage inédit et jouer sur le paradoxe entre le monstre qu’elle est devenue et le sourire, le masque radieux qu’elle semble porter… Elle souhaitait jouer ce côté bienveillant et ne pas laisser transparaître sa folie trop vite…».

Quand vient le moment de rencontrer la grande Nathalie en personne, on ne peut s’empêcher de lui demander comment elle en est arrivé à donner une interprétation si paradoxale et nuancée de son personnage : «Quand j’accepte un film, ce n’est pas tant pour un rôle mais surtout parce que j’ai envie de rentrer dans une histoire qui me plaît à la lecture du scénario, que je relis plusieurs fois afin de trouver les clés de mon personnage qui, parfois, se trouvent dans des scènes où lui, n’est pas. Du coup, après plusieurs lectures, j’ai fini par comprendre qu’il y a une sorte de folie qui s’est installée chez cette femme après la mort de son fils. Quelque chose s’est brisée en elle et elle a basculé. Ainsi, elle rentre dans un personnage qu’elle s’est construit au cours des neufs années qui ont suivi la perte de son enfant, celui de la secrétaire idéale, de la femme bienveillante et irréprochable… Je l’ai proposé comme ça à Christophe et Nicolas et ils l’ont accepté, mais c’est venu naturellement. L’interprétation d’un rôle, c’est quelque chose de l’ordre de l’instinct. J’aime me fondre et disparaître dans un personnage, je n’essaye pas de me retrouver ou de jouer le même personnage ou de jouer moi jouant le même personnage. Ceci dit, fort heureusement, ce rôle est relativement loin de moi». Dont acte.

Et demain pour la grande Nathalie. – Un nouveau grand rôle de composition dans ce vrai film de genre pour l’actrice française que l’on retrouvera très bientôt au côté de Gaspard Ulliel, Marion Cotillard, Léa Seydoux et Vincent Cassel dans «Juste la fin du monde», le nouveau et très attendu long métrage du jeune Xavier Dolan. On ne peut d’ailleurs s’empêcher de sortir du sujet et de questionner la comédienne quant à ses retrouvailles avec le cinéaste québécois après «Laurence Anyways» : «Il s’agit d’une adaptation d’une pièce de théâtre de Jean-Luc Lagarce où un jeune homme revient dans sa famille pour annoncer à ses proches qu’il est malade et qu’il est sur le point de mourir. Mais il n’arrive pas à leur dire et même si certains d’entre eux le sentent, ils ne veulent ni entendre ni accepter cette terrible nouvelle. Xavier a fait une superbe adaptation avec beaucoup de respect pour le texte original, tout en y ajoutant un peu de son imagination et de sa folie. J’aurai pu jouer n’importe quoi pour lui. C’est devenu un ami, il est absolument remarquable et c’est tellement enrichissant de tourner avec lui, on apprend tout le temps…».

Et à vous entendre aussi, Madame Nathalie Baye.

Pour visionner la bande annonce sur YouTube, CLIQUEZ ICI !

Un film à voir absolument ! Foto: Affiche Distribution

Un film à voir absolument ! Foto: Affiche Distribution

1 Kommentar zu Cinéma : Nathalie Baye excelle dans «La Volante»

  1. Passionnant ! Merci

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