Cinéma : «Tout pour être heureux»…

Nicolas Colle a rencontré le réalisateur du film «Tout pour être heureux» Cyril Gelbat et les deux acteurs Manu Payet et Aure Atika. Interview.

Parfois, on a "tout pour être heureux". Et pourtant... Foto: Mars Distribution

(Par Nicolas Colle) – Les thèmes du divorce et de la paternité ont été si souvent traités au cinéma qu’on pourrait se demander s’il peut y avoir beaucoup d’originalité dans ce nouveau film de Cyril Gelbat. Et pourtant, en choisissant un angle assez inédit, le réalisateur nous offre un très joli film, plein de fraicheur et de tendresse. Il nous en parle, au côté de ses deux comédiens, Manu Payet et Aure Atika.

Cyril, votre film est assez réaliste et montre bien à quel point, au sein d’un foyer, les rôles peuvent être extrêmement flous pour chacun des conjoints… Comment expliquez vous cette étrangeté ?

CG : Je pense que ce constat est dû au fait que les choses évoluent de manière perpétuelle et qu’aujourd’hui, comme les femmes travaillent et sont indépendantes, les hommes prennent en charge des tâches qui étaient, jusque récemment, dévolues aux femmes. Il y a évidemment plein d’avantage à cette évolution mais il y a tout de même un inconvénient, à savoir l’émergence d’une sorte de flou artistique dans les rôles que chacun peut avoir à l’intérieur de son foyer… Ce qui peut entrainer des tensions et des conflits. Donc s’il y avait un seul avantage au système familial archétypal d’avant, c’était que les rôles étaient parfaitement définis. Par exemple, le mari allait chasser le gibier puis l’épouse le cuisinait (rires). Nous, nous sommes une génération intermédiaire qui porte l’héritage du féminisme et de la révolution de Mai 68 dont je suis un héritier direct puisque mes parents ont été sur les barricades lors de ces événements. D’ailleurs mes parents ont eu deux enfants, moi et ma sœur, et ils m’ont élevé, comme c’est dit dans le film, « dans la culpabilité de ma bite… » (rires). De façon inconsciente bien sûr, et avec beaucoup d’amour mais c’est vrai que ma sœur a été élevée comme une victime et moi comme un bourreau. De fait, quand j’étais adolescent, je repassais déjà mon linge alors que ma sœur ne savait pas se faire cuir un œuf. Ça m’intéressait de traiter cette question là par le prisme de la comédie.

C’est un film qui se veut très frais et drôle mais également empreint d’un soupçon de gravité. Comment avez vous pu concilier ces différents aspects ?

CG : Même si le point de départ est assez réaliste, j’ai essayé d’amener le film vers quelque chose de plus léger en approchant, par exemple, la comédie romantique mais sans en prendre la voie royale. J’avais envie de parler de la parentalité sous un angle nouveau, à travers un personnage qui a besoin de quitter son noyau familial pour vraiment rencontrer ses enfants alors qu’il était incapable d’assumer son rôle de père à l’intérieur de ce noyau familial. C’est cette approche là, qui se trouvait déjà dans « Un coup à prendre » le roman de Xavier De Moulins dont le film est adapté, qui m’a permis de parler d’une thématique qui m’intéressait à travers un ton de comédie que je voulais à la fois douce et amère comme sait les faire Nanni Moretti. Manu a d’ailleurs une très belle expression, il dit que c’est : « une comédie de la vie ».

Justement Manu, je pense que tu es arrivé à maturité avec ce rôle où tu explores pour la première fois la paternité. Nouvelles donc la relation que tu as pu avoir avec tes enfants de cinéma sur le plateau et les émotions que tu as pu éprouver en incarnant ce personnage. Facile ?

Manu Payet : On pourrait penser que c’est crevant de tourner avec des enfants mais là, au contraire, ça m’a juste permis de donner le meilleur de moi-même. Notamment en jouant avec la plus petite, Raphaëlle, qui est la fille de Cyril et qui était tellement désarmante de naturel que j’en suis revenu aux fondamentaux de mon métier qui consistent à redécouvrir le texte et la situation de la scène à chaque fois que l’on fait une prise. Donc ça a davantage été une leçon de jeu et de comédie que ça n’a été épuisant. Et puis tu as raison, ça a été très émouvant pour moi car ça m’a fait toucher du doigt certaines choses que je n’ai pas voulu approcher à d’autres moments de ma vie parce que je voyais mes potes devenir des parents mais je les voyais aussi galérer avec ça. Alors c’est sympathique quand tu les vois le week-end en allant « bruncher » chez eux mais après il y en a un qui pleure pendant deux heures et là tu te dis : « Cool, moi je ne suis pas père, je peux me barrer quand je veux… » (rires). Mais le fait de voir comment Raphaëlle se comportait avec moi comme si j’étais son papa, ça m’a fait faire appel à des choses que je n’avais encore jamais sollicitées auparavant. Et moi qui ai eu peur de tout ça, j’ai enfin compris ce qu’ils peuvent ressentir… ces gens là… les parents… (rires).

CG : Et puis, pour ma part, je trouvais excitant le fait que Manu ne soit pas père dans la vie car je m’étais dit qu’il allait faire le même trajet que celui de son personnage qui découvre la paternité. Et il y a un moment qui a été très émouvant pour moi, c’est quand je me suis rendu compte, au moment du montage, que Raphaëlle s’était totalement abandonnée et avait eue avec Manu, des attitudes très viscérales qu’elle n’avait eues auparavant qu’avec moi. Je pense notamment à la scène où elle se retrouve dans ses bras et que tous ses muscles se relâchent complètement… C’est quelque chose que seuls les parents peuvent vraiment comprendre. C’est en montant cette scène et en constatant le comportement anthropologique de ma fille que j’ai compris à quel point elle avait pu se laisser aller et que Manu était devenu son père de cinéma.

Quant à vous Aure, la relation qu’entretient votre personnage avec son frère, joué par Manu, est également très touchante car on la sent évoluer de manière positive tout au long du film. Ce rapprochement qui s’opère peu à peu entre eux deux n’a pas été évident. Si ?

Aure Atika : C’est le fait qu’elle le voit évoluer et prendre conscience de certaines choses qui les amènent à redécouvrir les liens du sang et une affinité qu’ils ne soupçonnaient pas. Au début, ils se sont mis chacun dans une case. Elle, de son côté, le considère comme un « looser, musicien, branleur » et lui, la voit comme une « avocate, ambitieuse, snob ». Ils ne se regardaient pas et ne se considéraient même plus. Donc quelque part, c’est l’humain qui se redécouvre. En vérité, ce film parle avant tout de « La Rencontre ». En quittant son foyer, le personnage qu’interprète Manu rencontre en effet ses deux enfants mais aussi sa sœur.

Et enfin, pour conclure, je pense qu’il est nécessaire que nous parlions d’Audrey (Lamy) qui nous offre ici une prestation à l’image du film, juste et profonde. Manu, que peux tu me dire sur ta collaboration avec elle ?

MP : Ça a été un tournage qui nous a permis de nous retrouver tous les deux dans des émotions qu’on n’avait jamais explorées au cinéma mais qui nous ont surtout fait comprendre que lorsqu’on interprète un personnage un peu clownesque tels que ceux qu’on a pu jouer tous les deux par le passé, on abandonne plus facilement le personnage quand on finit sa journée de tournage. Alors que le fait de jouer toutes ces scènes d’engueulade nous a parfois fait quitter le plateau avec une humeur très toxique et néfaste. Ça a été quelque chose de vraiment nouveau pour nous et qui nous a un peu déstabilisé au début mais ça nous a fait prendre conscience qu’il était nécessaire qu’on prenne le temps de se parler à la fin de chaque journée de tournage afin de décompresser au mieux. Donc d’une certaine manière ça nous a aussi permis de nous rapprocher.

Du rire, de la fraicheur, de l’émotion, de l’originalité, des acteurs au top, une musique entrainante…Vos impressions sincères ici, maintenant, très intéressantes. Bref, tout pour être heureux !

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