Cinéma : «Une dernière leçon» vraiment nécessaire

La grande Marthe Villalonga brille dans le film de la réalisatrice Pascale Pouzadoux «Une dernière leçon» - Nicolas Colle les a interviewées pour Eurojournalist(e).

Marthe Villalonga et Sandrine Bonnaire - les deux "géantes" du cinéma français brillent dans "La dernière leçon". Foto: Wild Bunch Distribution

(Nicolas Colle) – Qui a dit qu’il fallait enfermer des artistes dans des cases bien définies ? Après avoir interprétées un grand nombre de personnages comiques et réalisées plusieurs comédies, l’actrice Marthe Villalonga et la cinéaste Pascale Pouzadoux nous offrent un tout nouveau panel de leur talent en nous livrant ce film grave, émouvant et solaire qui aborde le thème douloureux de la fin de vie. Toutes deux se sont confiées à Eurojournalist(e).

Marthe, quel plaisir de vous voir dans un rôle qui se démarque fortement de tout ce que vous avez pu faire auparavant…

Marthe Villalonga : C’est ce qui m’intéressait, de pouvoir montrer autre chose. D’autant plus qu’on peut souvent être amené à nous mettre dans des cases… Surtout en France. C’est vrai que pendant très longtemps, j’ai été considérée comme «la comique de service». Et j’en suis très contente car je me suis beaucoup amusée et c’est vrai qu’entendre les gens rire dans une salle de théâtre et être heureux, c’est quelque chose d’extrêmement gratifiant. Et puis il faut se faire une raison, je n’ai jamais eu un physique de «jeune première» mais de toute façon, ça ne m’intéressait pas, donc tout va bien. Du coup, en raison de mon physique, de mon accent et de mon tempérament, j’ai souvent joué des concierges ou des bonnes mais ça m’amusait beaucoup car ça peut avoir quelque chose d’assez jubilatoire de jouer une bonne qui se met en colère contre ses patrons comme dans «Maguy». Mais par moments, c’est vrai qu’on aimerait montrer autre chose. Alors quand on vous présente un sujet aussi fort que celui-là, on ne peut pas passer à côté. Et c’est vrai que c’est assez émouvant de se retrouver, à mon âge, en tête d’affiche. Mais je dois vous avouer que même si j’en suis très heureuse, c’est quelque chose que je n’ai jamais recherché. Je n’ai jamais vraiment eu de plan de carrière. La seule chose qui compte pour moi, c’est d’avoir des rôles, d’amuser et/ou d’émouvoir les gens et de raconter une belle histoire.

Et vous Pascale, je crois savoir que ce film est une adaptation d’un livre de Noëlle Châtelet, la sœur de Lionel Jospin, qui a également vu sa mère l’implorer de la laisser partir au moment où ses dernières forces l’abandonnaient. Qu’est ce qui a résonné en vous en découvrant le livre et vous a donné envie d’en faire un film ? Et puis, vous aussi, vous donnez un nouveau tournant à votre carrière en mettant en scène un drame… Qu’est ce que vous pouvez nous en dire ?

Pascale Pouzadoux : En lisant ce livre, je me suis souvenu d’une expérience de vie que j’ai pu avoir quand j’avais trente ans où j’ai moi même été amené à accompagner une personne en fin de vie. Et le fait d’avoir eu cette approche de la mort assez jeune m’a fait tirer une conclusion, c’est qu’on regrette souvent de ne pas avoir assez dit à la personne qui s’en va qu’on l’aime. Et avoir des regrets quand la personne est partie, c’est extrêmement douloureux. Je pense qu’il est fondamental pour faire son deuil de dire ou d’écrire à la personne pour lui communiquer tout son amour et ses souvenirs heureux. Du coup, j’ai abordé ce film comme une sorte d’hymne à la vie. Et puis c’était important pour moi de rappeler qu’il est nécessaire de se rapprocher des personnes âgées car on est parfois amener à les isoler. Et pour répondre à la deuxième partie de votre question, il faut savoir que c’est justement parce que Marthe et moi-même venons de la comédie, que l’on est capable avant tout de faire des films émouvants. Car en réalité, nous sommes des personnes extrêmement sensibles, et le fait de traiter certains sujets avec humour nous aide à nous protéger et à prendre du recul sur les difficultés des choses. L’humour c’est la politesse du désespoir et c’est une énergie de vie.

Vous parlez d’hymne à la vie, je suis assez d’accord avec vous, du coup pouvez-vous me dire en quoi cette histoire est un hymne à la vie pour vous ?

MV : Parce que c’est une femme qui veut vivre et mourir librement.

PP : C’est exact. Pour moi c’est cette liberté qui donne cet aspect d’hymne à la vie. Cette femme aime tellement la vie que le choix de mourir lui permet d’éviter de vivre à moitié car son corps est complètement en train de la lâcher. Il faut savoir qu’à son âge, c’est à dire à plus de quatre vingt dix ans, les mois sont des années au niveau de l’énergie et de la fatigue. Elle sentait qu’elle plongeait vers un handicap et qu’elle n’allait bientôt plus être en capacité physique de se donner la mort. Elle a donc préféré partir car elle ne voulait pas se voir et qu’on puisse la voir vivre ainsi.

Ce qui est terrible, c’est tout le chaos familial que cette décision amène ?

PP : Bien sûr. On voulait vraiment montrer que même si les proches peuvent être d’accord sur le principe, il est tout de suite plus difficile de l’accepter dès lors qu’il faut le mettre en pratique. Nous mêmes, on peut tous être d’accord sur le fait d’aider nos proches à partir quand ils ne se sentent plus en état de continuer mais si on devait être vraiment confronté à une telle situation, je pense qu’on ne serait pas aussi affirmatif et qu’on douterait. On ferait tout pour reculer ce moment fatidique le plus longtemps possible. Donc il y a tout un parcours émotionnel à faire pour arriver à accepter et à se résoudre à la situation. Du coup, le personnage de la fille, joué par Sandrine Bonnaire, accepte car il est très proche de sa mère mais le personnage du fils, lui, est dans le refus. Dans la réalité d’ailleurs, il n’était pas dans le refus mais dans le déni, il ne voulait pas en entendre parler. Mais dans un film, il faut des enjeux et des conflits pour créer de l’émotion. Filmer un homme qui ne veut rien dire et rien entendre, ça n’apporte pas grand chose d’intéressant. Et le fait d’amener ce personnage vers plus de colère nous permettait de montrer que l’on peut très bien refuser cette situation.

Ce qui rend le film attrayant, c’est que malgré la lourdeur de son sujet, il est extrêmement solaire et agréable à regarder d’un point de vue purement visuel… C’était important pour vous d’apporter toute cette chaleur et cette lumière dans cette histoire ?

PP : Absolument. C’est un parti pris très franc de mise en scène. Cette lumière permet de montrer qu’elle part sereine. Et puis ça correspond aussi à l’évolution de l’esprit du film car je ne sais pas si vous avez remarqué mais à partir du moment où le personnage de la fille accepte d’aider sa mère à mourir, tout devient plus lumineux et léger. Car elles entreprennent cela comme quelque chose de positif et de libérateur. Cette lumière a une fonction, bien sûr, esthétique car elle rend le film visuellement beau et agréable, mais elle a aussi une dimension symbolique car plus on se rapproche de la fin et donc de l’au-delà, plus on baigne dans des couleurs blanches. La légèreté était également nécessaire car on m’avait parlé d’un vieil homme très diminué physiquement et qui avait soudainement remarché pendant six mois dès lors qu’on lui a apprit qu’il allait pouvoir choisir sa propre mort. Cela rejoignait mon idée de rendre le film plus lumineux et léger dès lors que le personnage savait qu’il allait pouvoir partir comme il l’entendait et qu’il serait accompagné dans son geste par sa fille qui l’aime.

Âmes sensibles et cœurs d’artichauts… surtout… ne vous abstenez pas !!!

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