Collectivité Européenne d’Alsace : la dernière ligne droite !

Alain Howiller sur la gestation de la Collectivité Européenne d’Alsace (CEA) qui verra le jour dans moins de deux mois. Le compte à rebours n’a pas été stoppé par les crises actuelles.

En moins de deux mois, la CEA sera une réalité - à nous d'en faire le maximum ! Foto: Monsieur Fou / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Alain Howiller) – Le conseil des Ministres du 28 Octobre a adopté les deux ordonnances qu’on attendait pour que s’ouvre la voie vers la « Collectivité Européenne d’Alsace » (CEA) créée par la loi du 2 Août 2019. Les deux textes précisent un certain nombre de modalités de mise en œuvre : leur adoption par le Conseil des Ministres s’est faite sur présentation des textes par Jacqueline Gourault, la Ministre de la Cohésion des Territoires et des Relations avec les Collectivités Territoriales qui avait été chargée par le Président de la République de définir le projet de « CEA » qui elle, devait redonner une visibilité à l’Alsace et qui devait, en même temps, lui reconnaître une identité effacée avec son intégration dans la « Région Grand Est ».

Les sondages avaient révélé, à plusieurs reprises, que plus de 80% des Alsaciens souhaitaient retrouver cette identité : ce sera chose faite à partir du 1er Janvier 2021, sans que, pour autant, l’Alsace quitte le Grand Est dont elle continue de faire partie (…en attendant, disent ceux qui souhaitent aller plus loin pour retrouver une collectivité de plein exercice en dehors de la fusion imposée !).

Macron : souvenirs strasbourgeois ! – Au cours du conseil, Emmanuel Macron a tenu à se féliciter de l’aboutissement d’un projet qu’il a parrainé d’entrée de jeu, sensibilisé qu’il a pu l’être par ses études à Strasbourg à l’Ecole Nationale d’Administration (ENA). Ministre de l’Insertion, Brigitte Klinkert, ancienne Présidente du Conseil Départemental du Haut-Rhin avant de rejoindre le gouvernement de Jean Castex, a tenu, lors du Conseil, à remercier le gouvernement d’avoir porté une CEA pour laquelle elle avait bataillé dès ses anciennes fonctions départementales. L’assemblée constitutive de la nouvelle collectivité se réunira dès le 2 Janvier à Strasbourg où a été établi, à titre transitoire!, le siège de la CEA (1).

En parlant de « siège transitoire », l’ordonnance a écarté (provisoirement !) le débat sur l’adresse de la CEA qui risquait, d’entrée de jeu, de susciter un affrontement entre Strasbourg et Colmar, voire même Mulhouse ! Initialement, le texte fixait le siège à Strasbourg, le terme de « transitoire » a finalement été préféré devant des protestations (essentiellement colmariennes) qui étaient déjà venues miner un terrain fragile !

Un président par… intérim ! – L’ordonnance précise que ce « président par intérim » devra expédier les affaires courantes, celles ayant un caractère d’urgence. Ce sera aux futurs conseillers départementaux de la CEA de trancher. Autre champ de mines écarté : le choix du Président. Ce sera le doyen d’âge de l’assemblée départementale du 2 Janvier qui la présidera jusqu’aux élections qui concrétiseront la fusion avec la mise en place de nouveaux conseillers. Les élections de ces derniers devraient avoir lieu au mois de Mars : à moins que -en raison de la Covid-19- la consultation électorale doive être repoussée.

Ce report éventuel est actuellement étudié. En attendant le résultat de ces élections, les conseillers élus dans le cadre des deux départements alsaciens continueront à « cohabiter » dans une même assemblée. Le conseil élu en Mars désignera son président (ou sa présidente) et aura, en marge du choix du siège définitif qui devra être concrétisé d’ici au 30 Juin 2021, à trancher le point de savoir si cette désignation vaudra pour les six ans du mandat départemental ou si elle sera tournante (tous les deux ans ?). En attendant, c’est le préfet du Bas-Rhin, chargé de ce qu’on appelle le contrôle de légalité, qui sera, côté Etat, l’interlocuteur du conseil de la CEA dont l’adresse sera celle du conseil départemental du Bas-Rhin (Place du Quartier Blanc).

Voici venir les conseillers d’Alsace. – Les « conseillers d’Alsace » (ce sera leur titre officiel) auront à harmoniser les budgets définis, dès cette année, dans le cadre des départements actuels : ce budget à hauteur de la nouvelle collectivité devra être opérationnel d’ici au 31 Mai 2021. Le statut et la rémunération des agents salariés dans les deux départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin devront être harmonisés d’ici au 1er Juillet 2022 au plus tard : les distorsions existant dans ce domaine entre les deux départements actuels avaient conduit un syndicat (FO) à demander un report de fusion, idée que le Président du Bas-Rhin, arguant des progrès déjà réalisés dans la concrétisation des rapprochements entre le deux départements, avait repoussé.

Le conseil des Ministres du 28 Octobre a définitivement ouvert la voie à la « Collectivité Européenne d’Alsace » qui reprendra les compétences qu’exerçaient jusqu’ici les deux départements en y ajoutant des spécificités. Elle aura des compétences dans le développement de l’enseignement de la langue régionale (dialecte alsacien et allemand écrit) : elle pourra recruter des enseignants pour promouvoir cette tâche.

Enfin un coordinateur pour le transfrontalier ? – Il pourra prendre des initiatives pour la promotion de la culture régionale et la valorisation du patrimoine et il aura vocation à développer le tourisme sur le territoire national et à l’étranger.

Il sera le « chef de file » de la coopération transfrontalière et définira un « schéma de développement » de ces relations. Trouvera-t-on enfin, avec la CEA, cette instance de coordination d’initiatives trop souvent disparates et peu efficaces qui pèsent sur la coopération de l’Alsace avec ses voisins allemands et suisses ? Les services de l’Etat, laisseront-ils à la nouvelle collectivité la marge d’action nécessaire à la concrétisation des ambitions régionales dans le transfrontalier ? La CEA est un pari : il faudra qu’elle trouve sa place entre les institutions locales/communales, la Région Grand Est, l’Etat. Elle ne pourra pas se contenter d’être une… structure de plus !

(1) Voir eurojournalist.eu du 22.10.2019.

(2) Voir eurojournalist.eu du 11.08.2020.

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