Comme elle vient, avec Georges Federmann

Le film-interview de Swen de Pauw reprojeté et mis en perspective

Georges Federmann lors d'un débat avec le grand écrivain Boris Pahor, résistant et ancien détenu du Struthof Foto: Claude Truong Ngoc/Wikimédia Commons/CC-BY-SA/3.0

(Marc Chaudeur) – En janvier 2019, après Le Divan du monde, Swen de Pauw nous a livré son deuxième film avec et sur Georges Federmann, fameux psychiatre christique et atypique (hélas) de Strasbourg. Avec l’impression d’être entré par effraction dans la cuisine de Georges et dans les bobines de contrebande du réalisateur… Le film a été projeté mardi soir à Strasbourg et suivi d’un Débat, dans le cadre du Festival Strasbourg-Méditerranée. Débat d’où étaient absents, comme c’est étrange, les politiciens régionaux invités… Mais les acteurs sociaux qui les y ont remplacés se sont avérés passionnants.

Alors que Le Divan du Monde se passe dans le cabinet de Georges Federmann et montre quelque chose de la pratique professionnelle quotidienne du psychiatre consacré aux étrangers en difficulté, Comme elle vient se centre bien davantage sur la personnalité de Georges et sur les principales réalisations de son existence.

Plan fixe immuable, pellicule verdâtre, et discours passionnant. Les études de médecine, la mort de sa compagne Véronique, les combats pour la reconnaissance des expérimentés par les nazis de Strasbourg en 1941-1944, l’expertise pour les Incorporés de force alsaciens, la lutte pour la simple reconnaissance de milliers d’êtres humains en détresse, réfugiés et migrants en souffrance et toujours davantage menacés par des législations stupides et démagogiques…

Au fond, ce n’est pas tant la “méchanceté”  des hommes qu’expose et que mettent en évidence ces images et ces paroles que leur aveuglement. Aveuglement dû le plus souvent à l’incapacité de se situer ailleurs que bien au chaud dans son appartenance sociologique : parodiant Hésiode (Les Travaux et les Jours), on pourrait dire : le potier connaît le potier, le politicien connaît le politicien, l’épicier connaît l’épicier, et surtout… le médecin connaît le médecin. Et à part cela… rien.

La partie la plus importante de Comme elle vient, à notre sens, st contenue dans les paroles au fond inaugurales et englobantes du début : le début des études médicales de Georges correspondant à ce qui explique presque tout, précisément cet aveuglement sociologique. Qui certes, est une constante déjà fort bien aperçue par Marx et par les grands analystes sociologiques de l’idéologie comme  ou Karl Mannheim ou Thorstein Veblen… Allons ensemble cueillir Miss Cerise à Westhoffen.

Ce qui constitue précisément, en partie, le champ d’action (le champ de bataille…) de l’un des participants au Débat qui a suivi la projection de Comme elle vient : Philippe Gillig avait mis en œuvre en 2017 un cycle de conférences en 2 ans, « L’Université en campagne contre les idées reçues ». D’autres acteurs sociaux actifs et précieux sont intervenus : Nadine Schmitt, active en pédopsychiatrie, et Alexandre Feltz, médecin de formation chargé de l’accueil des réfugiés et des migrants au sein de la municipalité. Avec des péripéties et des vicissitudes incroyables au gré des gouvernements et des municipalités successives… Face à des pratiques et des décisions tout simplement humaines, les accusations de complaisance, et même parfois de vénalité, ne sont jamais loin.

Tout simplement humaines, oui… Mais comment ceux qui demeurent plongés dans l’aveuglement évoqué plus haut pourraient-ils comprendre ce simple fait d’empathie minimale et même, de simple bon sens !

Le film Comme elle vient, comme avant lui Le Divan du Monde, passionnants par les propos de Georges Federmann, ne font que conforter ce que nous savons depuis des décennies de ce grand hospitalier et ce pourquoi nous l’admirons profondément : son ouverture absolue, sa générosité sans limites et son désintéressement zénithal. Georges Federmann est le deuxième, avec Bartek dont nous avons parlé lundi dernier, de ces personnages christiques que compte Strasbourg, capitale de l’humanisme rhénan et de la démocratie européenne.

Et voilà pourquoi nous devons nous lever avec la plus profonde indignation contre les attaques basses, totalement infondées et suscitées par le ressentiment de médiocres envieux hargneux frustrés dont Georges Federmann est la victime actuellement. A la base de ces calomnies : la générosité même du grand psychiatre strasbourgeois. Selon l’addition grand-beaufesque qui fait des ravages actuellement : quelqu’un qui aide les autres est nécessairement intéressé plus il y a beaucoup (trop) de migrants plus tout les maux du monde proviennent des méchants étrangers égale Federmann est un individu dangereux, intéressé et nuisible. Eh bien non.

Mais cela n’empêchera pas Georges, nous en sommes certains, de continuer à œuvrer pour le vivre et le bien-vivre de centaines d’êtres humains, qui ont besoin de lui et d’hommes et de femmes comme lui. Du moins, de gens qui lui ressemblent. Pour aller ensemble cueillir des cerises à Westhoffen, surtout.

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste