Comment l’Europe «sauve» la Grèce

Les milliards versés à la Grèce n'ont quasiment pas servi à la Grèce, mais surtout aux banques allemandes et françaises. Les chiffres en disent long.

Pendant que le nombre de SDFs augmente en Grèce, nos banques se remplissent les poches... Foto: Oscar at nl.wikipedia / Wikimedia Commons / CC-SA 2.5nl

(WB) – Jörg Rocholl, le président de la «European School of Management and Technology» (ESMT) à Berlin, a l’habitude d’analyser des chiffres. Ainsi, son université s’est penchée sur la question des milliards que l’Europe a versé à la Grèce, soit-disant pour «sauver» le pays. Il n’en est rien – l’Europe a sauvé les intérêts des banques, surtout allemandes et françaises, en laissant des miettes à la Grèce qui ne pouvait pas relancer son économie avec le peu d’argent disponible pour mettre en œuvre des réformes. Ces jours-ci, le drame grec entrera dans son prochain chapitre – les prochaines échéances sont dues.

L’Europe reproche aujourd’hui à la Grèce que les centaines de milliards d’euros versés n’aient pas été utilisés pour relancer l’économie grècque, mais force est de constater que ces centaines de milliards d’euros ne sont pas arrivés dans le budget grec – seulement 5% de ces milliards ont pu être utilisés pour éviter le pire à la population grecque, les 95% de ces sommes ont été utilisés pour : recapitaliser les banques grecques, payer des intérêts (!) aux banques internationales et pour rembourser des crédits. C’est le principe «on accorde des crédits pour payer des crédits avec des intérêts énormes» qui empêche la Grèce de retrouver une dynamique économique – l’Europe instiutionnelle a choisi une mauvaise voie, une voie qui condamne le peuple grec et qui permet aux banques et spéculateurs à la bourse de gagner beaucoup d’argent sur le dos d’une Grèce en pleine crise. Vous avez dit «solidarité européenne» ?

Pour pouvoir satisfaire les banques internationales, la Grèce a du violer son propre peuple. Baisse des retraites, augmentation des impôts, privatisation des dernières grandes entreprises qui généraient encore des bénéfices, licenciements massifs de fonctionnaires, tout cela pour obtenir 216 milliards d’euros depuis 2010.

Sur cette somme, 86,9 milliards d’euros ont été utilisés, sur les ordres des créanciers, pour rembourser d’anciens crédits. 52,3 milliards d’euros ont été payés pour des intérêts – car on peut facilement gagner de l’argent avec la misère des autres. 37,3 milliards d’euros ont servi à récapitaliser les banques grècques qui se trouvaient déjà en état de faillite. Et – 9,7 milliards d’euros ont pu être utilisés pour le relancement de la Grèce. 9,7 milliards d’euros sur six ans, ce qui correspond à environ 1,5 milliards d’euros par an. Peu étonnant que la Grèce n’ait pas réussi à créer une dynamique économique avec aussi peu d’argent.

Les 37,3 milliards d’euros ayant servi au sauvetage des banques grecques méritent à ce que l’on s’y attarde un moment. Ce sont les banques allemandes et françaises qui tenaient à ce sauvetage, puisqu’elles avaient prêté des milliards d’euros à ces banques à des taux irréalistes, dans l’espoir, bien entendu, de réaliser des bénéfices aussi irréalistes. Et effectivement, ces banques ont pu rembourser beaucoup d’argent aux banques allemandes et françaises, tout en perdant pendant ce temps, 98% de leur propre valeur boursière. Ce qui fait penser au pillage de la Reichsbank en 1942, lorsque la banque de l’état nazi avait vidé les caisses de la Banque Nationale grecque sous forme de «crédits» que l’Allemagne a toujours refusé de rembourser sous le faible prétexte que la RFA n’était pas le successeur légal de l’Allemagne nazie.

La Grèce n’a pas besoin de cette «aide» – elle a besoin d’un «haircut», de l’annullation de la dette contractée auprès de banques qui autrement continuent à s’enrichir sur la misère de tout un peuple. L’argent encaissé par les banques comme intérêts aurait suffit pour relancer l’économie d’un pays qui, ces prochains jours, sera obligé à opérer davantage de coupures sociales pour pouvoir honorer les intérêts des banques internationales.

L’Europe ne doit pas se contenter d’agir comme agent des intérêts financiers des pays qui actuellement, se portent mieux. Si l’Europe veut réellement aider la Grèce, il suffirait de faire passer les intérêts légitimes du peuple grec avant les intérêts des banques. C’est aussi simple que ça.

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