Comment l’extrême-droite allemande s’attaque aux valeurs européennes

La chef de l’AfD (Alternative für Deutschland), Frauke Petry, suggère à ce que les garde-frontières allemands utilisent des armes à feu pour empêcher des réfugiés à entrer en Allemagne – «si nécessaire».

De nombreuses personnes ont payé de leur vie la tentative de franchir les "installations de sécurisation des frontières" de lex-RDA. L'AfD veut les réintroduire. Foto: Irish Typepad / Wikimedia Commons / CC-SA 2.0

(KL) – Frauke Petry est la patronne de l’AfD, le parti d’extrême-droite qui ne tente pas seulement de copier le Front National français, mais qui se fait un point d’honneur d’être encore pire. Si, si, vous avez bien lu, encore pire. Frauke Petry craint que l’occident puisse être submergé par l’Islam et elle pense qu’il faille se défendre par tous les moyens. Et quand Frauke Petry, dont l’agressivité du discours est proche de celui du mouvement de rue «Pegida», évoque «tous les moyens», elle pense vraiment à tous les moyens. Le pire – ses phantasmes qui constituent un mélange étonnant entre certaines idées de la période la plus noire d’Allemagne du siècle dernier, mais également de la SED du temps de la RDA, ne choquent pas les électeurs allemands, au contraire – son parti ultra-nationaliste ne cesse de grimper dans les sondages.

Dans une interview accordée au «Mannheimer Morgen», Frauke Petry parle de la mise en œuvre «d’installations de sécurisation des frontières», en utilisant la terminologie de l’ex-RDA – «Grenzsicherungsanlagen». Il serait bon de se souvenir que la RDA échouée en 1989, avait transformé l’Allemagne de l’est en un état hermétiquement fermé, non pas pour empêcher des gens de venir en RDA (bien qu’il s’agissait également d’empêcher l’importation de biens, d’idées, d’œuvres culturelles occidentaux…), mais surtout pour empêcher les citoyens de la RDA de quitter le pays. Une sorte de prison immense, dotée «d’installations de sécurisation des frontières» équipées d’automates de tir et coûtant la vie à de nombreuses personnes ayant tenté de franchir ces «installations de sécurisation des frontières». C’est un drôle de phantasme qu’évoque Frauke Petry qui par ailleurs, voudrait que les garde-frontières utilisent des armes à feu pour tirer sur des réfugiés qui tentent de pénétrer illégalement sur le sol allemand. La peine de mort pour avoir franchi une frontière nationale.

Des garde-frontières allemands qui tirent sur des réfugiés qui tentent de passer la frontière ? Les réactions ne se laissaient pas attendre. Thomas Oppermann, chef du groupe du SPD au Bundestag, s’indignait que cette proposition lui rappelle justement l’époque de la RDA, la chef du groupe de Verts, Katrin Göring-Eckert, estimant que Frauke Perty «montre le visage moche de l’AfD», tandis que le chef des Die Linke, Jan Korte, trouvait la formule : «ces déclarations font penser que Frauke Petry devrait se sentir chez elle en Corée du Nord». Le chef adjoint du Syndicat de la Police Jörg Redek a, quant à lui, déclaré qu’aucun policier allemand n’allait tirer sur un réfugié en désignant les propos de Frauke Petry comme «radicaux et méprisant pour le genre humain». D’autres commentateurs se limitaient à qualifier Frauke Petry simplement comme «malade mentale».

Mais les propositions de Frauke Petry ont également trouvé un écho positif chez une eurodéputée, Beatrix von Storch (AfD, bien sûr), qui estimait bon de répondre à la question si elle voulait laisser tirer la police sur des femmes et enfants franchissant la frontière allemande, par un simple «oui». Suite à de nombreuses réactions, elle a toutefois relativisé cette réponse en précisant que la police devait s’organiser de manière à ce que cette mesure ne doive pas être appliquée et qu’après réflexion, il vaudrait mieux ne pas tirer sur des enfants. Tirer sur des femmes alors ? Pas de problème pour Beatrix von Storch – les femmes ayant conscience de leurs actes et on peut donc leur tirer dessus. Schengen ? Europe ? Valeurs humanistes ? L’extrême-droite allemande ne respecte aucun de ces paramètres. Et dire que les défenseurs de telles idées farfelues siègent au Parlement Européen…

Mais les chiffres sont ce qu’ils sont – l’AfD est devenue la troisième force politique en Allemagne, derrière la CDU/CSU dont de nombreux électeurs quittent actuellement le parti d’Angela Merkel pour rejoindre l’AfD, et le SPD, mais déjà devant les Verts, Die Linke et le FDP. Tendance : l’AfD creuse l’écart avec les «petits» partis pour s’approcher du SPD, du moins dans certains Länder aux élections du mois de mars. Si les courbes dans les sondages devaient poursuivre leur évolution, l’AfD gagnera encore des points pendant les six semaines de campagne. L’ambiance stimulée par les discours de haine et de peur que répètent presque quotidiennement des politiques comme le ministre-président de la Bavière Horst Seehofer et d’autres faucons de la politique allemande, profite avant tout à elle – Frauke Petry.

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