Comment nous avons étranglé la Grèce avec nos « aides »

La fin des « programmes de sauvetage » pour la Grèce est célébrée partout comme un magnifique succès. Mais en réalité, nous avons étranglé la Grèce. Tout en permettant à nos banques de gagner beaucoup d‘argent.

Paradisiaque, la Grèce. Sauf pour le peuple grec, une fois que l'UE est passée par là... Foto: Tango7174 / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(KL) – Cette semaine, la fin des « programmes de sauvetage » pour la Grèce a fait l’objet de pompeuses célébrations. Pendant huit ans, la Grèce dépendait des infusions financières de différentes institutions financières européennes telles que le Fonds de Stabilité européen FSE, mais les résultats de ces « programmes de sauvetage » sont plus que décevants – la Grèce est à terre. Des fonctionnaires européens ont étranglé le pays par des mesures d’austérité extrêmes et ce, autant au niveau économique qu’au niveau sociétal et moral. Les « aides européennes » ont surtout profité à une branche qui semble se trouver sous une protection particulière : les grandes banques européennes.

Pendant la période des « aides européennes », la Grèce a perdu un million d’emplois et le taux de chômage a doublé. Le chômage des jeunes atteint, surtout dans les zones urbaines, des valeurs record inquiétantes. Le manque de perspectives, devenu systématique, pèse sur le moral des gens ; les sondages traduisent un pessimisme plus lourd que depuis longtemps. Une partie du système de santé ne fonctionne qu’en échange d’argent liquide, ce qui peut avoir des conséquences dramatiques pour les personnes concernées, surtout lorsque l’on considère que depuis le début des « aides européennes », les retraites et salaires ont baissé d’environ un tiers en Grèce.

Et est-ce que les savants conseils de la Troïka bruxelloise ont apporté les changements structurels à la Grèce permettant au pays de se relancer ? Bruxelles dit « oui ! » et fait valoir une timide croissance de 1,4%. Mais en vue de la dégringolade précédente, cette croissance n’est guère plus qu’une goutte d’eau dans l’océan. Deux phénomènes feront en sorte à ce que la Grèce aura besoin d’ aide, et d’une toute autre aide et ce, pendant des décennies, pour pouvoir réparer les dégâts.

D’une part, la dette grecque n’a pas baissé ou aurait pu être stabilisée, mais au contraire, elle a fortement augmenté. Avant les « aides », le taux d’endettement grec s’élevait à 126% du PIB (Produit Intérieur Brut) ; aujourd’hui, le taux est d’environ 190%. La timide croissance de 1,4% pointe donc peut-être dans la bonne direction, mais elle ne montre pas la réalité. Puisque pendant la même période, le PIB de la Grèce a baissé d’environ un quart, les chiffres signifient que la Grèce aura besoin de décennies avant même de revenir ne serait-ce qu’à l’état d’avant la crise.

Une bonne partie des  300 milliards d’euros environ que l’Europe a accordée sous forme de crédit à la Grèce (non, personne n’a fait cadeau de quoi que ce soit à la Grèce), n’a fait que transiter par la Grèce pour arriver sur les comptes des grandes banques allemandes, françaises et européennes qui encaissaient d’énormes intérêts sur les crédits « risqués » pour la Grèce. Le risque pour les banques était plutôt limité : sachant que ces crédits étaient garantis par les instituts financiers institutionnels, les banques n’hésitaient pas à a) financer volontiers les « tranches d’aides » pour la Grèce et b) imposer des taux d’intérêts fantaisistes. La Grèce, sous la menace permanente de la faillite de l’état, de l’incapacité de verser les salaires et donc, du collapse des services publics, n’avait d’autre choix que d’accepter les conditions des financiers européens. Alexis Tsipras, qui s’est mué de l’avocat extrême-gauche pour une nouvelle voie grecque en un politicien courbé devant la « Realpolitik », devait trahir ses principes et promesses politiques les plus chères pour empêcher que son pays tombe dans le chaos le plus total. Wolfgang Schäuble, l’omnipuissant ministre des finances allemand à l’époque, n’était pas d’accord avec une coupure radicale et un nouveau départ en Grèce. A la place, on a privatisé les morceaux choisis de l’économie grecque, donc les entreprises qui génèrent encore des bénéfices, comme le port de Pirée qui aujourd’hui, se trouve sous contrôle chinois. La perte des dernières sources de revenue aura des conséquences catastrophiques pour la suite.

Il n’y a pas lieu de fêter la fin des « programmes de sauvetage » pour la Grèce, et pas non plus de l’utiliser pour des communications politiques qui induisent en erreur. Nous n’avons pas sauvé la Grèce, mais nous avons permis à nos grandes banques et leurs actionnaires de se remplir les poches. L’ardoise sera encore une fois pour les citoyens et citoyennes grecs. L’Europe ne devrait pas en être fière. Mais face à la désolation économique en Grèce, aggravée par les « aides européennes », il est probable que le sujet revienne rapidement à l’ordre du jour. Et ce sera au plus tard à ce moment qu’il faudra songer sérieusement si le « haircut », donc l’effacement au moins partiel de la dette grecque, ne constitue pas la voie la plus raisonnable pour toutes les parties concernées. D’une part, on pourrait effectivement opérer une césure nette, et d’autre part, la Grèce pourrait se relancer plus rapidement que dans la situation actuelle, qui est désespérante. Après tous les dégâts que nous y avons causés, une telle solution serait le moins qu’on puisse faire…

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