Comment sauver des millions d’emplois ?

Face à la vague de dépôts de bilans pour cause de crise Covid, l’Allemagne change sa législation concernant les procédures de liquidations judiciaires. Objectif : sauver un maximum d’entreprises et d’emplois. Il serait opportun pour la France de coopérer avec l’Allemagne sur ce dossier.

Les CCIs, seule représentation légitime du monde de l'entreprise, doit jouer un rôle actif dans l'accompagnement des entrepreneurs en difficultés. Foto: la chose, agence de communication / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(KL) – Tout le monde sait que nous nous trouvons face à une vague de dépôts de bilans suite à la corona-crise. Pendant qu’en France, les procédures de liquidation judiciaire suivent un protocole favorisant la liquidation des entreprises concernées dans un système construit autour de moins de 400 mandataires judiciaires, l’Allemagne opte pour une autre approche : face aux millions d’emplois menacés, la devise sera désormais « sauvons ce que nous pouvons sauver ».

Le vice-président de l’Assemblée Nationale Sylvain Waserman qui mène des travaux en vue éradiquer certains dysfonctionnements de ces procédures de liquidation judiciaires dans le système français, trouvera sans doute des interlocuteurs intéressants chez les partenaires allemands et européens – et pourquoi ne pas chercher une harmonisation ou au moins, un échange des meilleures pratiques ? En attendant, et face à la vague de dépôts de bilans auxquels il faut s’attendre, il est urgent de mettre en œuvre une structure d’accueil, de conseil, d’orientation et d’accompagnement pour les entrepreneurs qui seront en difficulté.

Les seules structures capables de fournir un tel accompagnement des entrepreneurs concernés sont les CCI, les Chambres du Commerce et de l’Industrie qui, représentants légitimes du monde de l’entreprise, disposent des structures et des compétences nécessaires à ce travail d’une importance cruciale. Les CCI devraient proposer des cellules de crise prenant en charge les entrepreneurs en difficultés. Des conseillers devraient guider les personnes concernées à travers les démarches compliqués. Les CCI garantiront la qualité du service et l’impartialité de cet accompagnement, deux paramètres importants pour aider efficacement les entrepreneurs en difficulté. Et il faut faire vite car la crise économique a déjà commencé.

En quoi l’Allemagne veut-elle faciliter la situation des entreprises qui tombent maintenant en difficultés ? Le gouvernement allemand prépare actuellement une réforme des lois permettant aux entreprises, sous certaines conditions, de passer dans un redressement auto-géré, au lieu de devoir lancer une procédure de liquidation judiciaire. Pour ce faire, on vérifiera les chances de survie des entreprises et si les perspectives sont positives, malgré des difficultés temporaires, elles pourront passer dans ce redressement auto-géré accompagné par un « Sachverwalter », un « accompagnateur » désigné par le tribunal. Les entreprises sont toujours tenues à déclarer une insolvabilité menaçante, mais on accordera une importance accrue à leurs perspectives de survie. Ce projet de loi devrait sauver de nombreuses entreprises qui, dans le cadre de la corona-crise, sont maintenant en difficulté malgré une gestion viable dans des conditions précédemment normales.

Cette phase obligatoire de vérification des perspectives de viabilité d’une entreprise, constitue l’une des grandes différences par rapport au procédures en France. Dans le système français, ce sont in fine les mandataires judiciaires qui décident si une entreprise passe en liquidation judiciaire ou si elle peut être redressée. Dans une année « normale », environ 330 mandataires judiciaires gèrent plus de 50.000 dossiers d’insolvabilité. Il est alors peu surprenant que la plupart des dossiers atterrissent directement sur la pile « à liquider ». Chercher au contraire à redresser et à sauver les entreprises, constitue un travail considérable, un travail pouvant préserver des centaines de milliers d’emplois tous les ans. Le système allemand, surtout après la réforme prévue, tiendra compte davantage de la situation réelle des entreprises, que de la charge de travail des mandataires judiciaires.

Un exemple : suite à une baisse significative dans la production automobile  à cause du coronavirus, de nombreux fournisseurs se trouvent en difficulté, dans le sillage des grands constructeurs. Les difficultés liées à cette baisse d’activité ne signifient en rien que les produits ou le modèle d’affaires des fournisseurs ne soient pas viables, même s’ils rencontrent des difficultés temporaires. Pouvoir passer en redressement auto-géré et accompagné, sauvera des emplois. Il est logique que les entrepreneurs qui gèrent eux-mêmes leur redressement, fassent leur possible pour sauver l’entreprise et les emplois.

Dans une telle situation de crise, la qualité de l’accompagnement sera primordiale. Une seule structure sera donc en mesure de proposer cet accompagnement au niveau national, et ce dans tous les pays d’Europe : les CCI. Présentes sur l’ensemble du territoire, cette représentation du monde de l’entreprise peut accueillir, accompagner, conseiller, former et orienter les entreprises en difficulté vers les solutions. Idéalement, il faudra également associer le Conseil National des Administrateurs Judiciaires et Mandataires Judiciaires (CNAJMJ) à ces travaux, et établir des liens directs entre les entreprises concernées, les conseillers professionnels des CCI, les tribunaux et les mandataires-liquidateurs pour non seulement sauver les emplois, mais aussi empêcher des drames parmi les entrepreneurs dont les entreprises ne peuvent être sauvée.

La crise a déjà commencé et il n’y a plus de temps à perdre. Les partenaires européens doivent apprendre les uns des autres et s’échanger les meilleures pratiques. Maintenant, il faut qu’interviennent les structures professionnelles présentes partout sur le territoire national car elles disposent de professionnels qualifiés et doivent répondre à des critères de qualité. Chaque jour où les responsables politiques hésiteront à lancer une telle coopération avec les CCI, coûtera des emplois. Considérant que l’INSEE et la Banque de France prévoient déjà un million de « nouveaux » chômeurs d’ici la fin de l’année en France, il est clair que chaque hésitation rendra la situation encore plus compliquée. Espérons que les politiques prendront les bonnes décisions.

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste