Commission européenne : ça secoue…

Deux candidats refusés, une commission controversée

L'ex Premier ministre roumain Dacias Ciolos, dirigeant du groupe centriste européen Renew Europe à Strasbourg, le 18 septembre Foto: marcchaudeur

(Marc Chaudeur) – Ça remue à Bruxelles ! Deux éventuels commissaires du collège de la Commission, que préside Ursula von der Leyen, ont été refusés. Et le nouvel intitulé d’une commission, qui veut « protéger notre mode de vie européen », est fortement contesté, surtout par la gauche. Son intitulé, seulement, ou bien aussi son contenu et sa finalité ?

Nous en avons fait part plusieurs fois ce mois-ci : les gouvernements roumain et hongrois ont proposé pour commissaires Rovana Plumb et Laszlo Trocsanyi. Hélas pour eux, ils n’auront pas même passé le cap des auditions destinées à vérifier leur adéquation au poste et l’ honnêteté de leur comportement passé. Rien de surprenant à cela : sans doute ont-ils été, et surtout le second, homme politique clé dans la Hongrie populiste de Viktor Orbán, le cadeau en retour que la présidente, Ursula von der Leyen, a offert à Orbán en échange des voix qui ont permis de l’élire – à une très faible majorité.

Pour ce qui est de la pertinence et de l’ adéquation de ces personnalités, il en va tout autrement… Rovana Plumb était censée devenir, du moins selon le gouvernement roumain, commissaire chargée des Transports. Mais elle a été recalée définitivement lundi parce qu’elle a menti sur son patrimoine, ce qui est fâcheux et qui, en l’occurrence, pourrait dissimuler un conflit d’intérêt. La pratique est pourtant habituelle, au moins en Roumanie : la candidate Plumb, comme d’autres avant elle, a contracté un emprunt auprès d’une personne privée, qu’on désigne par le nom « Elena Loghin » ; elle a ensuite prêté cet argent à son parti, le PSD social-démocrate (qui est largement un héritier de la période Ceauşescu). Et au-delà de 3% aux élections, l’Autorité électorale roumaine rembourse en principe la somme prêtée. Mais malgré les 25% obtenus par le PSD aux élections européennes, l’A. E. a décelé des irrégularités (complexes et ingénieuses…) dans les comptes. Elle n’est donc pas prête de rembourser les quelque 180 000 euros engagés.

Mieux encore : en septembre 2017 (alors qu’elle était ministre déléguée aux Fonds européens…), Rovana Plum avait été accusée par la DNAnticorruption, que dirigeait l’admirable Laura Kövesi, d’avoir transféré illégalement une île du Danube à un conseil régional (le judeţ de Teleorman) qui l’a cédée à plusieurs sociétés privées !

Comme pour le candidat hongrois, c’est plus fondamentalement l’attitude européenne de son gouvernement qui est source de refus de la part de la Commission Européenne. Des deux gouvernements, on ne peut nier que ces candidatures étaient surtout des provocations.

Pour ce qui est du juriste et politicien hongrois Laszlo Trocsanyi, prévu pour “le Voisinage et l’Elargissement”, la contradiction avec l’esprit de la démocratie européenne frappe encore davantage. Il manifeste depuis des années adhésion et adhérence au gouvernement populiste d’Orbán, à sa réforme autoritaire de la justice dans le pays et à ses refus réitérés d’appliquer les directives et recommandations européennes. Il n’a en effet nullement sa place dans une Commission européenne. Lundi soir, le gouvernement hongrois a d’ailleurs pris acte, mais proposé un nouveau candidat : Olivier Varhelyi, ambassadeur hongrois à Bruxelles. Mais ce n’est pas gagné pour le diplomate…

Autre commissaire qui aura à répondre d’un présumé conflit d’intérêt : l’eurodéputée Sylvie Goulard, qui appartient au groupe centriste Renew Europe, anciennement ALDE (où se nichent les députés macronistes), touchait 13 000 euros par mois depuis des années de la part d’un lobby américain… Mais elle ne risque de perdre son poste de commissaire que si les membres d’autres groupes politiques voulaient nuire à Emmanuel Macron à cause de son attitude non démocratique lorsqu’il s’est agi, en principe, de choisir parmi les Spitzenkandidaten… Ce n’est pas impossible, mais c’est improbable : ils risqueraient de se faire tirer dans les pattes par le groupe Renew, qui fera et défera les majorités ces prochaines années (il compte 108 députés dans ses rangs, sur 705 au total).

Autre point très controversé de cet nouveau collège de 26 commissaires européens : le titre de la nouvelle commission que doit diriger Margarítis Schinás, député proposé par la droite grecque, qui s’appelle « Commission sur la Protection de notre mode de vie européen ». On s‘est beaucoup interrogé sur ce que pourrait être un « mode de vie européen », et surtout, nul besoin d’être Niels Bohr pour voir ce qu’un telle commission, ou son intitulé, dissimule comme ferment d’opposition et de haine entre les populations d’Europe…

A cette grave critique, Dacian Cioloş, le dirigeant du groupe Renew, ancien Premier ministre roumain, a expliqué lors d’une conférence de presse le 18 septembre à Strasbourg qu’il y a erreur et confusion entre l’appellation de cette commission et sa nature : il ne s’agit pas, en réalité, de pratiquer l’exclusion et de discriminer les « étrangers », migrants, etc, mais de s’occuper d’intégration, de solidarité, d’éducation, d’emploi et de changement climatique. – En somme, on pourrait plutôt reprocher à cette commission un côté mélimélo, tutti frutti…

Qui seront les prochains commissaires ? Nous le saurons bientôt.

 

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