Complicité de meurtre dans 5232 cas : 2 ans avec sursis

65 000 personnes ont été assassinées au camp de Stutthof près de Gdansk. Foto: Pipodesign Philipp / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(KL) – Le camp de concentration de Stutthof près de Gdańsk était un camp d’extermination de juifs. 65 000 personnes y ont perdu la vie, soit par une balle dans la nuque, soit dans des installations pour gazer les victimes, soit par la faim et les brutalités quotidiennes des gardiens. Bruno D. faisait partie de ces gardiens ; et même s’il est aujourd’hui âgé de 93 ans, au moment des faits, il n’avait que 17 ans, et il a donc était condamné comme mineur. La justice allemande a traîné pendant 7 décennies avant de poursuivre sérieusement ces crimes nazis. A un moment où il ne reste, en tout et pour tout, que 14 procédures contre d’anciens gardiens SS (qui ont tous largement dépassé les 90 ans), il est important que ces crimes continuent à être dénoncés et punis.

Ces procès sont compliqués. L’inculpé est jugé par des gens qui peuvent donner des conseils de conduite. Aucun des acteurs d’un tel procès ne peut s’imaginer la situation en 1944 pour un jeune de 17 ans qui reçoit l’ordre d’intégrer les équipes de gardiens dans un camp de concentration. Bien sûr, la juge Anne Meier-Göring pouvait lancer à Bruno D. : « Vous n’auriez pas dû suivre un ordre criminel et utiliser cet ordre [pour justifier votre présence à Stutthof] ». Bien sûr, elle a raison, mais est-ce qu’un jeune de 17 ans aurait réellement pu s’opposer tout seul à la SS, à tout ce régime criminel ? « Respectez la dignité de l’être humain à tout prix, même si ce prix est votre propre sécurité », poursuivait la juge. Oui, trois fois oui, elle a raison, mais là aussi se pose la question si c’est réaliste de demander à un gamin de 17 ans de s’opposer à tout un régime où la vie individuelle n’avait aucune valeur. Oui, il serait beau si le monde était fait de gens courageux, qui refuseraient d’exécuter des ordres criminels, mais à bien y regarder, même aujourd’hui, personne ne le fait. Quel CRS aurait refusé de gazer les infirmières et soignants lors de leurs manifestations à Paris ?

Parler du jeune âge de Bruno D., ce n’est pas une tentative de relativiser les crimes auxquels il a participé. Bruno D. devait être condamné et il a été condamné. 70 ans trop tard et après que l’Allemagne d’après-guerre ait « omis » de juger les principaux responsables du nazisme. On a pendu les figures de proue du nazisme suite aux procès de Nuremberg, mais on n’a pas dérangé toutes ces petites et grandes roues qui ont rendu les crimes nazis possibles. Ce procès aurait dû avoir lieu dans les années 1950, et non pas en 2020.

Bruno D. n’ira donc pas en prison. A 93 ans, condamné comme mineur, il devra vivre le peu de temps qui lui reste avec ce procès sur la conscience. Il est évident que l’homme a refoulé pendant 70 ans ses propres participations à ces meurtres et finalement, on ne saura jamais ce qu’il a réellement fait. Pendant le procès, il avait indiqué de ne pas avoir été au courant de ce qui se passait dans le camp. Techniquement, ce n’est pas possible de ne pas se rendre compte du carnage qui a eu lieu à Stutthof. Mais l’être humain est ainsi fait : il refoule les choses dont le souvenir peut mettre en péril son équilibre psychologique. Mais on ne va pas refaire le procès ici.

Bruno D. s’est excusé auprès des victimes de Stutthof, ce qui n’était pas systématiquement le cas dans tous les procès d’anciens SS. Et le tribunal avait raison de le condamner, car cette condamnation, aussi clémente soit-elle, véhicule un message précieux : « Résistez contre des régimes criminels ! ». Une belle leçon d’humanité. Mais lorsque l’on regarde le monde d’aujourd’hui, avec toutes ses violences, injustices et crimes d’Etats, on se dit que le message de la juge ne sera pas entendu. Beaucoup de gens sont à nouveau prêts à suivre des « Führers », et même les idées antisémites et fascistes ont à nouveau le vent en poupe. Et nous, on s’attend à ce que la prochaine fois, les jeunes de 17 ans refusent d’exécuter les ordres et s’opposent aux pouvoirs en place ? Vraiment ?

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