Confinement ou Coercition

Espagne et France, deux approches bien différentes.

Emmanuel Macron et Pedro Sanchez - des rapports bien différents avec leur peuples... Foto: Ministry of the Presidency. Government of Spain / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Jean-Marc Claus) – Dans la crise sanitaire provoquée par le Covid-19, les gouvernements espagnols et français ont pris, à peu d’intervalle, quasiment les mêmes décisions de confinement des populations. Cependant, pour des choix sur le fond presque identiques, leurs approches sont radicalement différentes.

Comme l’a fait d’abord l’Italie, puis récemment la France, l’Espagne a choisi la stratégie du confinement, afin d’ aplanir et d’étirer simultanément la courbe infectieuse de la pandémie de Covid-19. Le suivi de l’actualité, via les grands médias espagnols, révèle certaines différences pour une même démarche. En dehors de toute polémique pour le seul plaisir de polémiquer, ce qui en période de crise s’avère toujours bien illusoire et souvent contre-productif, il n’en demeure pas moins, à propos de ces démarches essentielles, des différences intéressantes à souligner.

Lorsque Pedro Sánchez, chef du gouvernement espagnol, s’adresse à ses concitoyens espagnols le 14 mars 2020, pour leur annoncer qu’il décrète l’état d’urgence, il le fait depuis un pupitre, se tenant debout, avec à l’arrière plan, sur sa droite, les drapeaux espagnol et européen. L’oriflamme européen se trouve à son immédiate proximité, entre lui et les couleurs du Royaume d’Espagne. Cette présentation n’est pas une mise en scène, mais une mise en lumière, car en regard de l’allocution d’Emmanuel Macron du 16 mars 2020, la communication de Pedro Sánchez est infiniment meilleure, plus proche de celles et ceux à qui elle est adressée.

Assis à son bureau élyséen, avec à l’arrière-plan aussi sur sa droite, les drapeaux européen et français, mais dans l’ordre inverse du choix de Pedro Sánchez, le président français s’adresse à ses concitoyens comme parlait à ses élèves un maître d’école d’autrefois. Autre détail, derrière Pedro Sánchez, l’emblème stylisé de la Couronne d’Espagne, et derrière Emmanuel Macron, les dorures du Palais de l’Élysée. Lequel des deux fait le plus monarchique ? Il n’y a pas photo. Par ailleurs, lors de son intervention, le chef de gouvernement espagnol a des vis-à-vis aux questions desquelles ils répond, soit l’exact opposé de la déclaration du président français, plaquée sur l’écran de télévision. Tout ceci a du sens, car pour un leader politique, l’adhésion de ses concitoyens à une cause ou un projet ne s’obtient pas en parlant au dessus de leurs têtes, confortablement installé derrière un bureau. Incontestablement, celui qui, debout, répond à ses interlocuteurs, passe beaucoup mieux que celui qui reste assis et délivre, face aux caméras, un message très… vertical..

Les mesures décrétées, encore faut-il se donner les moyens de les faire appliquer. Là encore, la méthode espagnole diverge de la manière française. En France, une amende, initialement de 38€ et maintenant de 135€ majorable à 375€ – pour non respect des règles de confinement et de limitation des déplacements. En Espagne, une gradation des sanctions de 100€ à 600.000€, avec possibles peines d’emprisonnement de 3 à 18 mois, selon que le comportement des individus aient mis en danger leur propre sécurité ou celle d’autrui.

De plus, l’enlèvement de matériels tels que signalétiques, mis en place par la police, est passible d’une amende allant de 100€ à 600€. La désobéissance à l’autorité peut coûter de 601€ à 30.000€. Parallèlement à ça, comme le montrait La Vangardia par la vidéo d’un drone diffusant des messages sonores en survolant des promeneurs madrilènes, les forces de l’ordre se donnent les moyens d’informer les populations. En revanche, une fois ce travail d’information et de prévention effectué, tout contrevenant s’expose à des sanctions bien supérieures aux désormais 135€ majorables à 375€ appliquées en France.

Ainsi, dans l’actuel contexte de crise, de l’un et de l’autre côté des Pyrénées, le mode d’expression de la parole des autorités et le choix des sanctions pour non-respect des consignes s’avèrent fondamentalement différents. Sans donner dans la schématisation par trop simpliste, nous avons tout de même, côté espagnol, un chef de gouvernement qui s’adresse à des adultes et, côté français, un chef d’Etat qui s’adresse à des enfants. Les sanctions pour non-respect des consignes, s’avèrent, elles aussi, à la hauteur du niveau de considérations qu’ont pour leurs concitoyens les gouvernants des deux pays.

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste