Conjoncture – le Grand Est devra continuer à faire face aux problèmes de l’emploi !

Alain Howiller sur l’emploi dans la région du Grand Est et les perspectives d’évolution en 2017.

Ah, le travail... c'est bien d'en avoir ! Foto: Gobierno de la Ciudad de Buenos Aires from Ciudad Autonoma de Buenos Aires, Argentina / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Par Alain Howiller) – Pourquoi le cacher, j’ai hésité à rédiger cet article depuis que j’ai lu chez un confrère(1) qu’Olivier Blanchard, ancien économiste en chef du Fonds Monétaire international (FMI), ancien professeur au prestigieux « Massachusetts Institut of Technology » (MIT) dont il était diplômé, incriminait le pessimisme dans les causes d’une Insuffisante croissance de l’économie mondiale : « le climat généralisé de sinistrose économique a pesé sur la consommation des ménages et l’investissement des entreprises », relève notre confrère citant le professeur social-démocrate proche de Lionel Jospin mais aussi soutien de Nicolas Sarkozy lors de sa campagne de 2007. A consulter les médias français des dernières semaines, on pourrait croire que nos confrères, culpabilisés, ont lu Blanchard et ont décidé de jouer l’optimisme.

Dressant un bilan 2016, ils ont tous vu dans l’année écoulée un léger(!) repli du chômage (-0,2%) dont la courbe semble s’être inversée semblant enfin correspondre, même modestement, à cette inversion de courbe qu’annonçait François Hollande : ce dernier aurait attendu quelques semaines, les chiffres publiés par l’INSEE et repris par les médias auraient pu l’inciter à tenter de solliciter un…. deuxième mandat présidentiel ! Il est vrai que la tentative aurait été risquée car le niveau du chômage reste à près de 10% et la croissance a été, l’an dernier, de 1,2% contre les 1,5% programmés initialement par le gouvernement.

Le chômage à l’abri d’une erreur statistique ?… – Il n’en demeure pas moins que le taux de chômage correspond à la meilleure performance enregistrée depuis 2007, même si la croissance a été molle, que le moral des ménages et des industriels s’est amélioré pour retrouver pratiquement les niveaux d’avant la crise, que les investissements (+4,3%) ont repris, que la création d’emplois (192.000 environ) a été effective, que le déficit public s’est amenuisé. Alors pourquoi avoir hésité à rédiger ce texte et quel pessimisme pourrait justifier ces résultats ? On pourrait rappeler que la diminution du chômage est faible et que certains soulignent que 0,2% est proche de l’erreur statistique de + ou – 0,3%.

Le taux de croissance est insuffisant pour nourrir les créations d’emplois (il faudrait au moins 1,5% de croissance alors que le taux a été de 1,7% dans les pays de la zone euro) nécessaires pour peser réellement sur le chômage. Le commerce extérieur a fléchi en 2016. Et les prévisions pour 2017 ne suscitent guère un enthousiasme excessif : le chômage devrait être de 9,8%, dans le courant de l’année, les prévisions de croissance portent sur un + 1,5% (+ 1,6% en 2018), la progression des exportations devrait se situer à + 1,1%.

Personne ne peut prévoir, en l’état actuel des choses, de quel poids que les campagnes électorales (présidentielles, législatives et sénatoriales) pèseront sur l’activité économique, personne ne peut s’avancer à estimer ce que représenteront les mesures US sur le commerce mondial ou les taux des monnaies, quel sera l’effet d’une reprise (même légère) de l’inflation, d’une « remontée » des prix du pétrole, une alternance politique… Alors tant pis pour le professeur Blanchard : je reste prudent sur les perspectives et les réalités de notre économie, en gardant à l’esprit ce propos d’un prévisionniste : « Les prévisions sont difficiles, surtout lorsqu’il s’agit de… prévoir l’avenir ! »

L’Alsace dans son coin : c’est fini ! – C’est dans ce contexte que les représentants de la Banque de France(2) Grand Est et de la Chambre Commerce et d’Industrie (CCI) Alsace-Eurometropole avaient organisé, à Strasbourg, devant près de 300 personnes, une réunion sur le « Bilan 2016 et les Perspectives 2017 des entreprises du Grand Est » (consulter www.banque-france.fr - Rubrique « statistiques »). Lors de la rencontre, le Président de la CCI -Jean Luc Heimburger- a tenu à souligner, d’entrée, en cette période où nombre d’Alsaciens s’interrogent sur la pertinence de la région « Grand Est », combien il adhérait à la fusion territoriale dans le cade du Grand Est : « Certains en rêvent encore, mais une Alsace seule dans son petit coin c’est fini… ».

Puis commentant la situation économique, il ajoute : « On sort de 5 à 6 ans de crise. Au deuxième semestre de 2016 on a senti une reprise d’activité ». Avec beaucoup de doigté, l’étude « Bilan et Perspectives » relève : « Evolutions 2016/2015 : les chiffres d’affaires ne progressent que modérément dans l’industrie (+ 0,1%) sous le double effet des prix et des exportations. La construction connaît une légère reprise (+ 0,2%) alors que les services poursuivent leur progression régulière (+ 1,5%). Si les industriels restent encore attentistes en matière d’embauche, recourant plutôt à l’intérim lorsque des besoins apparaissent, les effectifs s’affichent en léger progrès dans les services et les travaux publics. Les dépenses d’investissements, moins dynamiques que prévu dans l’industrie et la construction, progressent dans les services ».

Perspectives pour 2017 dans le Grand Est ! – L’analyse de la Banque de France(3) poursuit en évoquant les perspectives 2017 : « Une activité plus soutenue est attendue dans les 3 secteurs (Industrie, Construction, Services marchands) couverts par l’étude, s’appuyant notamment sur une dynamisation des ventes à l’étranger pour l’industrie. Cet environnement plus porteur permet aux chefs d’entreprise interrogés d’afficher un certain optimisme pour l’évolution de leur rentabilité. Une reprise des investissements est envisagée par les industriels ». (Note de la rédaction : l’industrie prévoit un taux d’investissement de + 11,2%, seuls les services marchands prévoient une augmentation des effectifs de + 1,6%).

Les perspectives incitent à une réserve quant à ceux qui prévoient une embellie quasi générale dans le Grand Est, en cette année 2017 qui, du reste, n’a pas trop bien démarrée : « Pour les chefs d’entreprise du Grand Est interrogés ce mois, la production industrielle et les livraisons affichent un léger repli en Janvier, après correction des variations saisonnières », souligne la note de conjoncture de la Banque de France dans le Grand Est qui poursuit : « La demande progresse à un rythme moins soutenu que précédemment, tant sur le plan domestique qu’à l’export. Les carnets se maintiennent à un bon niveau. Les matières premières restent installées dans un courant haussier, alors que les prix des produits finis évoluent peu. La production pourrait s’étoffer à court terme. L’activité et la demande progressent dans les services en janvier. Ce mouvement devrait se poursuivre au cours des prochaines semaines ».

Encore le « transfrontalier » ! – Dans l’évolution de la conjoncture, le « transfrontalier » joue un rôle croissant en particulier en Alsace : qu’il s’agisse des échanges économiques ou de l’utilisation des capacités de recrutement à l’intention des salariés au chômage. « L’activité transfrontalière est indispensable pour nos entreprises », devait rappeler le Président Heimburger lors de la rencontre organisée avec la Banque de France, « elle est indispensable, même si ce n’est pas facile », devait-il ajouter. Il en va de même pour le recrutement des travailleurs frontaliers par les entreprises d’Outre-Rhin : malgré les accords conclus, il reste beaucoup à faire pour faciliter et accompagner ces recrutements.

Dans l’Ortenau proche où le chômage tourne autour de 3,5%, il reste plus de 3000 offres d’emplois non pourvus : la langue serait un obstacle. « Portant », comme le rappelait Philippe Richert, Président du Conseil Régional du Grand Est lors d’un séminaire organisé dans les locaux de l’ENA à Strasbourg : « Les Espagnols et les Polonais connaissent le même obstacle de la langue, et pourtant leur recrutement par les entreprises badoise augmente !… »

(1) « Le Monde » du 17.02.2017 : « Quand les docteurs Catastrophe pénalisent la croissance ».

(2) Jean Christophe Ehrhard, Directeur Régional et Jean Jacques Joanteguy, son adjoint délégué aux Affaires Régionales.

(3) Banque de France : Publications Régionales, voir Grand Est.

2 Kommentare zu Conjoncture – le Grand Est devra continuer à faire face aux problèmes de l’emploi !

  1. En ce qui concerne l’Alsace, seules quatre zones d’emploi créent de l’emploi salarié avec un solde positif depuis ces deux dernières années, soit dans l’ordre décroissant de performance:
    – ZE Strasbourg: + 1,8 % entre le troisième trimestre 2014 et 2016.
    – ZE Colmar: + 1,2 % entre le troisième trimestre 2014 et 2016.
    – ZE Haguenau: + 1,2 % entre le troisième trimestre 2014 et 2016.
    – ZE Molsheim-Obernai: + 1,0 % entre le troisième trimestre 2014 et 2016.
    Source: http://www.adira.com/l-emploi-dans-les-zones-d-emploi.html

    Cela reste encore en-deçà des performances des zones d’emploi allemandes voisines:
    – Landkreis Ortenaukreis: + 3,9 % entre le quatrième trimestre 2014 et 2016.
    – Stadtkreis Freiburg im Breisgau: + 4,0 % entre le quatrième trimestre 2014 et 2016.

    On remarque tout de même une décélération dans le nord du Pays de Bade:
    – Stadtkreis Karlsruhe: + 1,2 % entre le quatrième trimestre 2014 et 2016.
    – Landkreis Rastatt: + 2,9 % entre le quatrième trimestre 2014 et 2016.
    – Stadtkreis Baden-Baden: + 3,2 % entre le quatrième trimestre 2014 et 2016.

    Source: http://www.statistik.baden-wuerttemberg.de/Arbeit/Beschaeftigte/03025035.tab?R=KR317

  2. Note pour la rédaction:
    Bonjour, il y a un coquille dans mon commentaire précédent, il faudrait remplacer les chiffres pour Haguenau et Molsheim:
    “– ZE Haguenau: + 1,2 % entre le troisième trimestre 2014 et 2016.
    – ZE Molsheim-Obernai: + 1,0 % entre le troisième trimestre 2014 et 2016.”
    Par:
    “– ZE Haguenau: + 0,6 % entre le troisième trimestre 2014 et 2016.
    – ZE Molsheim-Obernai: + 0,5 % entre le troisième trimestre 2014 et 2016.”

    Merci d’avance.

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