Conjoncture : quand l’Alsace essaye de résister !

Alain Howiller analyse les chiffres actuels de l'économie, avec un accent particulier sur les chiffres concernant l'Alsace. Les chiffres ne sont pas mauvais, mais rien n'est encore gagné...

Un petit optimisme est de mise pour l'économie en Alsace. Mais tout dépend de l'évolution internationale Foto: Briantist at Wikipedia / Wikimedia Commons / PD

(Par Alain Howiller) – En marge de la couverture qu’offrent les médias à l’interminable conflit dit des « gilets jaunes », il est un élément qui dominait, hier encore, l’actualité économique, et qui ne semble presque plus constituer une priorité : c’est l’état de l’économie et son « corollaire », le chômage ! François Hollande a estimé, à plusieurs reprises, qu’il n’a pas pu se présenter à l’élection présidentielle en 2017 parce qu’il n’avait pas réussi à régler le problème de l’emploi. Et voilà qu’entre les incendies déclenchés lors des manifestations des « gilets jaunes » et le feu qui a ravagé Notre-Dame de Paris, aussi bien le chômage que – du reste ! – les élections européennes éprouvent des difficultés à être placés en urgence absolue par une opinion qui, même à l’occasion de ce 1er Mai, fête du travail, et à quelques semaines à peine des élections européennes du 26 Mai, semble avoir… la tête ailleurs !

S’il nous reste un peu de temps pour intégrer les perspectives européennes dans notre quotidien, les chiffres du premier trimestre d’une année 2019 que les conjoncturistes voient catastrophique, viennent de tomber. Et ils sont moins mauvais qu’on ne le redoutait, aussi bien pour l’économie française en général que pour la situation économique du Grand Est et, partant, de l’Alsace !

Recul du chômage : moins perceptible en Alsace. – Selon les derniers chiffres publiés par « Pôle Emploi » sur l’emploi au premier trimestre de cette année, le chômage avait reculé en France de 1,5% par rapport à la période correspondante de 2018. Dans le Grand Est, le recul a été de 2,1%, mais il avait été (toutes catégories confondues, y compris les salariés qui avaient une occupation à temps partiel) de -1,5% dans le Bas-Rhin et de -0,7% dans le Haut-Rhin. Pour les chômeurs de catégorie « A » (sans aucun emploi), les chiffres avaient été de – 3,2% au premier trimestre dans le Grand Est, mais il n’avait été qu’à -0,2% dans le Bas-Rhin et à -0,3% dans le Haut-Rhin. Tout en s’inscrivant dans un processus de recul du chômage, le mouvement a été moins perceptible en Alsace que sur le plan national, voire sur celui du Grand Est.(1)

L’Alsace fait de la résistance sur le plan de l’emploi, mais son combat pour l’emploi s’inscrit en dessous des données nationales ou régionales. Mais rien n’est perdu ; les chefs d’entreprise continuent à espérer une stabilité voire un redressement, même si, comme le relevait le CESER(2) dans sa dixième note de conjoncture : « Différents organismes (Eurostat, FMI, BCE…) indiquent un ralentissement de la croissance de la zone euro pour ce début 2019. Le Grand Est n’échappe pas à ce coup de frein et son économie marque le pas… Malgré un commerce extérieur au beau fixe, l’économie du Grand Est marque le pas et l’emploi ne progresse plus. »

Le climat des affaires se dégrade ! – De son côté, la Banque de France, Direction Régionale de Strasbourg, relativise un peu en relevant : « Une croissance limitée de la production industrielle en mars, avec une légère baisse de personnel. Les carnets de commande sont insuffisants. A court terme, stabilité de l’activité, maintien des moyens humains. Dans les services marchands, progression de la demande et des prestations avec poursuite de cette tendance dans les semaines à venir. Pour l’industrie, qui représente prés de 19% de l’emploi total, on s’attend à une hausse modérée de la production avec une légère diminution des effectifs. Les carnets sont en deçà des attentes. Stagnation de l’activité et de la main d’œuvre pour les prochaines semaines. Stabilité de l’activité industrielle et des effectifs à court terme… » On s’attend à des progressions de la production avec une légère augmentation des effectifs dans les secteurs : denrées alimentaires / boissons, équipements électriques, électroniques, informatique et autres machines, Bâtiment/Travaux Publics et « Services Marchands ». Dans ce dernier secteur, l’indice du climat des affaires a passé de 108 à 111 (100 sur le plan national), il a régressé de 98 en février à… 96 en Mars dans les autres secteurs.

Il n’est pas inutile de relever qu’en Allemagne, un indice du même type créé par l’institut IFO(3) de Munich a reculé en avril entraînant ce commentaire de Clemens Fuest, président de l’organisme : « L’économie allemande continue de perdre du pouvoir. L’indice du mois de Mars qui traduisait un relatif optimisme a lourdement chuté par la suite. » Du coup, le nombre des chefs d’entreprise pessimistes a progressé de… 15% ! Si l’état de l’économie française, qui continue de spéculer sur un taux de croissance de 1,4 à 1,5% (contre 0,8 Outre-Rhin) pèse de tout son poids sur l’économie régionale, l’impact de l’économie allemande (compte tenu des investissements, du nombre de frontaliers, des « exportations ») revête une importance particulière en Alsace.

Pause ou récession ? – D’autant que l’écho des débats entre économistes, chefs d’entreprise et conjoncturistes allemands ne pouvait pas ne pas… traverser le Rhin ! Pour l’instant, l’emploi tient avec un taux de chômage de 5,1% et des difficultés de recrutement dans certaines branches. Constatant qu’en mars, le PIB n’a progressé que de 0,2%, que la situation en terme d’emploi peut mettre plusieurs mois avant d’apparaître dans les statistiques, que l’Import/Export fléchit et que depuis plusieurs mois (en fait depuis le début de l’été) les experts de « l’IFO » ou du « Deutsches Institut für Wirtschaftsforschung – DIW, Berlin, organisme patronal » s’interrogent : l’économie allemande connaît-elle une pause (« Abkühlung ») ou (comme elle a failli en être victime l’année dernière) est-elle entrée en récession ?

La réponse aux questions qu’on se pose dépend largement de l’évolution de la croissance mondiale : ce n’est pas nul que les Etats-Unis aient connu un premier trimestre avec un taux de croissance de 3,2% alors qu’on espérait un taux de 2,54%. Et ce n’est pas nul si la Chine Populaire, qui aurait connu en 2018 son taux de croissance le plus bas de ces 30 dernières années, confirmait les taux 2019 à 3 ou 4%. Ce ne serait pas nul si le Brexit trouvait enfin sa… sortie !

(1) Voir eurojournalist.eu du 22 Mars.

(2) CESER : « Conseil économique, social et environnemental », l’assemblée des socio-professionnels du Grand Est.

(3) IFO-Munich : « Institut für Wirtschaftsforschung ».

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