Consentement sexuel à 13 ans : cherchez l’erreur.

Esther Heboyan commente une décision qui laisse bouche bée…

Les uns poursuivent les actes de pédophilie, les autres les légalisent... Foto: Sarang / Wikimedia Commons / PD

(Esther Heboyan) – L’âge du consentement sexuel fixé à 13 ans ? Allez, encore un peu d’efforts, de palabres oiseuses, de débats moralisateurs, de diagrammes scientifiques, de causes idéologiques, et l’on pourra bientôt fixer cet âge à 11 ans – nul doute ! Dès lors, on pourra s’aligner sur les mœurs et coutumes, lois et lois non écrites des pays qu’on ne cesse de critiquer et de dénigrer. Chapeau, Mesdames les Sénatrices et Messieurs les Sénateurs ! Vous qui avez voté contre les enfants de la « Douce France / Cher pays de mon enfance / Bercée de tendre insouciance / Je t’ai gardée dans mon cœur » (ce n’est pas vous qui le dites, c’est l’autre, le « Fou chantant »).

L’heure du changement a sonné. Par conséquent, on attend l’abaissement du droit de vote à 13 ans aussi. Tu es homme, tu es femme à 13 ans ? La loi t’autorise à avoir des rapports sexuels avec qui bon te semble, enfin, bien évidemment, le « avec qui » reste à définir moralement, légalement, intellectuellement, émotionnellement, artistiquement (dans certaines circonstances, dit la rumeur). Jeune homme, jeune fille, si à 13 ans tu as la maturité sexuelle pour devenir l’objet, consentant ou non, du désir de l’autre, tu as probablement la maturité politique pour désigner les candidats qui font la vie de la Cité et la tienne par la même occasion, avec plus ou moins de bienveillance (le manichéisme, l’Histoire le prouve, peut être à l’œuvre), avec plus ou moins de bon sens (l’absence de bon sens n’étant pas exclue de l’horizon).

Bien entendu, on cherche la raison d’un tel engouement officiel à considérer les jeunes de treize ans et un jour comme des sujets pouvant exercer leur libre arbitre, pouvant répondre librement aux avances des adultes (bien ou mal intentionnés, là serait la question). Certes, il arrive que la jeunesse du corps prête à confusion, que le corps apparaisse bien plus mûr que son âge et que les prédateurs adultes s’en félicitent (affaire Sarah, 11 ans, jugée au Tribunal de Pontoise en 2017). Mais tout de même, Sénatrices et Sénateurs font fi de l’air du temps. Balayé le livre de Vanessa Springora, justement appelé Le Consentement (2020), relatant sa douloureuse expérience avec Matzneff (le dandy médiatiquement adulé et socialement assisté). Ignoré le livre de Camille Kouchner, La Familia Grande (2021), sur l’inceste tu dans une famille illustre (les familles non illustres hébergeant des déviants sexuels fonctionnent sur le même modèle). Annulée la libération de la parole (cancel culture à la mode-Sénat-français) des mouvements MeToo, MeTooInceste, etc. Etouffée la parole de l’enfance dans cette France de l’Amertume / Cher pays de mon enfance / Bercée de tant de maltraitances / Je t’ai gardée dans mes cauchemars.

On essaie de comprendre l’adoption de la proposition de loi par le Sénat. On cherche, on cherche la raison de l’abaissement à 13 ans du consentement sexuel. Il aurait peut-être fallu assister au débat, écouter les arguments, saisir les nuances des raisonnements. On a beau être en République, pas toujours facile d’être citoyen dans la Cité. On leur a accordé le pouvoir, on leur a délégué la parole : est-ce à dire que Sénatrices et Sénateurs ont bien pesé le pour et le contre ? Et puis, non ! On se dit que non ! On ne peut pas, on ne doit pas accepter une telle décision. Ces gens-là ont oublié qu’ils avaient été enfants (et donc vulnérables) ou peut-être que leur enfance était un vrai paradis (tant mieux). Ces gens-là n’ont peut-être jamais regardé dans les yeux d’un.e enfant abusé.e sexuellement. Ces gens-là n’ont peut-être jamais compris, visualisé, imaginé la pratique des attouchements et agressions sur des enfants par des adultes dominants, puissants, déviants.

Ou alors, leur motivation à abaisser l’âge du consentement sexuel à 13 ans est d’ordre pragmatique. Rien à voir avec l’empathie ou l’indifférence. Rien à voir avec les réformes à apporter à une société. Rien à voir avec la morale (ah, cette fameuse morale qui serait liberticide pour les esprits hautement éclairés, bâtisseurs de ce je ne sais quoi raffiné qui finit par se consumer à force de tribunes-et-pétitions-vitrines!) Rien à voir avec le sens commun. Rien à voir avec le vécu de l’enfance victimisée. Le consentement sexuel légalisé, autorisé à 13 ans et un jour, est-ce pour désengorger les tribunaux ? Allez savoir ! Ou cherchez l’erreur.

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